Je sais que Star Trek TOS (The original series) est une vieillerie, super kitsch, avec des effets spéciaux à se prendre la tête dans les mains et des dialogues parfois tellement bizarres qu’on n’y comprend rien, mais… mais je suis fan, c’est comme ça. Tellement fan qu’il y a trois ans, alors que je venais de découvrir cette série, je me suis remise de manière sérieuse à la fanfiction et, plus généralement, à l’écriture, parce que je trouvais l’univers tellement génial qu’il fallait que j’y contribue (modestement) d’une manière ou d’une autre. Je ne remercierai jamais assez ce fandom qui m’a redonné goût à l’écriture.
A ce moment, j’étais en année sabbatique et je faisais un tour de France. Je tenais alors un blog pour raconter mes visites, mais je n’ai pas pu résister à l’envie d’écrire un article sur Star Trek, qui était mon obsession du moment (euh… ce n’est toujours pas totalement passé, soyons honnête). En farfouillant dans mes archives, je suis tombée dessus et je vous le livre quasiment tel quel (j’ai change deux-trois petits trucs, notamment au niveau des dates) comme une présentation de la série. Pas des personnages (je le ferai peut-être par la suite si ça intéresse quelqu’un), mais de l’univers créé par Roddenberry, qui a donné naissance à une immense franchise encore très active aujourd’hui. Voyez ce post comme un hommage à cet univers foisonnant.
Avant juillet 2016, j’aurais pu définir mes goûts en SF de la sorte : « je suis une fan de Star Wars » . (Entendons-nous bien, des anciens Star Wars , hein. Les IV, V, VI.) J’avais 14 ans lorsque la version remastérisée est sortie au cinéma, j’ai donc eu presque vingt ans pour apprendre TOUS les dialogues par cœur et m’entraîner à maîtriser la Force en essayant d’étrangler à distance d’abord certains profs, ensuite certains élèves (inconstante humanité, je sais).
Je connais maintenant Star Trek depuis trois ans et demie, et ça fait bien trois ans que je fais des infidélités à George Lucas. (J’avoue que la première raison de mon engouement, c’est Spock, personnage génial s’il en fut, et si on me demandait de choisir entre lui et Han Solo, ou entre l’ Enterprise et le Faucon Millenium, je serais bien en peine de répondre.)
Je trouve dingue d’avoir craqué pour un mec chelou en pantacourt, avec un uniforme en pilou et une coupe au bol (je ne parle même pas des oreilles et des sourcils), mais j’ai complètement craqué.
I have a dream…
Mais l’autre raison qui me fait adorer Star Trek , c’est la vision de l’avenir présentée dans la série originale. Tellement géniale que je me demande sincèrement comment ça a pu passer en 1966 à la télé américaine. D’accord, les Civil Rights Acts viennent d’être votés et, sur papier, l’égalité entre Blancs et Noirs est acquise, mais dans la réalité c’est autre chose. On ne peut pas dire que l’égalité hommes-femmes soit un combat gagné non plus. Et on est en pleine guerre froide.
OK, l’image est de mauvaise qualité, mais ils ils ont la classe, quand même, non ? De gauche à droite : Scotty, Chekov, McCoy, Chapel, Kirk, Uhura, Spock et Sulu.
Et Star Trek propose un casting international, avec, sur la passerelle de l’Enterprise :
- Hikaru Sulu, d’origine asiatique ;
- Pavel Andreievich Chekov, un Russe (qui n’apparaît qu’à la saison 2, en 1967) ;
- Nyota Uhura, une femme noire (dont le nom veut dire « liberté » en swahili) ;
- Spock, mi-Vulcain mi-humain (symboliquement, c’est quand même cool).
Et, franchement, ces quatre-là ont non seulement des postes-clefs sur le vaisseau, mais ils sont également plus que compétents dans leurs domaines respectifs. Bon, bien sûr, il y a aussi le capitaine Kirk, lui aussi plus que compétent lorsqu’il s’agit de mettre le vaisseau dans la mouise (non c’est pas vrai, j’ai appris à l’aimer au fil du temps et il EST compétent, je suis obligée de le reconnaître), mais j’insiste sur le fait que quatre des sept officiers principaux ne sont pas des WASP pure souche, ce qui me semble tout de même déjà très fort en 1966. En fait, d’Américains bien blancs, il n’y a que Kirk (et encore, l’acteur est Canadien…) et McCoy. Scotty, comme son nom l’indique, est Ecossais (il a même un kilt !!!).
Bien sûr, ça n’a pas été sans mal. Gene Roddenberry, le créateur de la série, a dû lutter pour imposer sa vision et faire des compromis pour pouvoir la tourner. Dans le premier pilote ( Star Trek est une des seules séries qui a proposé DEUX pilotes avant d’être acceptée), le premier officier de l’ Enterprise était une femme, ce qui a été refusé par la production. A l’époque, c’était impensable. Ce qui me fait rire, c’est que dans The Enterprise Incident , un épisode du début de la saison 3, les scénaristes mettent une femme à la tête d’un vaisseau ennemi, comme pour dire « eh, les mecs, regardez, en face ils l’ont fait, qu’est-ce qu’on attend pour être moins cons ? »…
Pour la petite histoire :
- L’actrice qui devait être premier officier de l’Enterprise , Majel Barrett, a épousé Roddenberry et est devenue dans la série l’infirmière Christine Chapel.
- La tête de Spock ne leur revenait pas non plus (Ah berk il a des oreilles pointues, il ressemble au diable, il est trop flippant ! Je ne plaisante pas, ça s’est vraiment passé comme ça…) et Leonard Nimoy a failli être rayé de l’histoire avant même qu’elle ne commence. Je ne commenterai même pas l’abyssale stupidité des producteurs. Team Spock forever .
- Quant à Nichelle Nichols, qui joue Uhura, elle a failli quitter la série et en a été dissuadée par… Martin Luther King (si, si, c’est vrai !), qui l’a encouragée à continuer car, pour la première fois, une Noire avait un rôle important à l’écran. Fascinant , non ?
Warp speed to Utopia
Donc, au niveau de l’utopie d’un monde meilleur où on vivrait tous ensemble en harmonie, l’équipage de l’ Enterprise se pose là. Il n’est en fait que le reflet de la Fédération des planètes unies, cent cinquante mondes unifiés et pacifiés, dont la charte est inspirée par celle des Nations Unies. Ce n’est pas seulement une union des peuples de la Terre, c’est une union des races de la galaxie (avec, je le répète, Spock comme symbole du métissage plus que réussi… sérieusement, sans sa logique, tout l’équipage serait mort depuis longtemps). Soit dit en passant, si le siège de la flotte galactique est à San Francisco, celui de la Fédération est à… Paris. Un point en plus pour l’absence d’américano-centrisme, même si ça reste dans le monde occidental. Si on ajoute à ça que Starfleet est une organisation pacifique, qui a pour but d’ explorer l’univers dans une quête de la connaissance, je suis désolée, mais Star Wars peut aller se rhabiller.
NCC 1701. Je rêve d’avoir cette plaque d’immatriculation. D’ailleurs, ma voiture, achetée en plein milieu de mon engouement pour Star Trek, s’appelle « Galileo », du nom d’une des petites navettes de l’Enterprise.
Bien sûr, la notion de conflit est un ressort dramatique trop important, surtout dans une série de science-fiction, où le spectateur attend de l’action, pour que les scénaristes puissent totalement faire l’impasse dessus. Donc, évidemment, Kirk et les autres se défendent quand ils sont attaqués et ils n’hésitent pas à tirer sur les Klingons ou les Romuliens de temps à autre, mais dans l’ensemble, le but est quand même plus d’explorer que de taper sur la gueule du voisin. En gros, Starfleet, c’est un mélange du CNRS et des casques bleus.
Les membres de cette organisation obéissent à la Première directive (« Prime Directive »), c’est-à-dire le principe de non-intervention auprès des peuples qui n’ont pas encore découvert le voyage spatial. Le principe, c’est de laisser la civilisation évoluer librement – ce qui, en soi, est une idée assez cool. Bien sûr, les explorateurs peuvent parfois leur venir en aide (sinon, il n’y aurait pas d’histoire), mais pas imposer leurs vues. J’y vois personnellement une critique de la mondialisation, mais bon, passons. Ce qui est encore plus génial, c’est que parfois, les personnages sont en proie à des dilemmes entre l’intervention et la non-intervention : ils ne doivent pas perturber le cours de la civilisation, mais que faire si, de l’autre côté, les Klingons donnent des armes aux habitants de la planète et les poussent à s’entre-tuer…? Souvent, les grandes idées se heurtent au principe de réalité, et le « tout noir » et « tout blanc » se transforme vite en un gris sale confus, sans manichéisme, et avec des erreurs humaines qui rappellent que rien n’est parfait et qu’on peut se planter même avec de nobles idéaux. Après tout, comme dirait Spock, nous ne sommes que d’illogiques et irrationnels humains…
C’est sûr qu’à côté, l’Empire, l’Etoile de la mort, tout ça, ça pète beaucoup plus. C’est sûr que parfois il y a trop de dialogues et pas assez d’action dans Star Trek (le premier reproche qui a été fait au pilote était que c’était « trop intellectuel »). C’est sûr que des fois, on se demande vraiment pourquoi les personnages agissent comme ça et on ne comprend pas trop leurs états d’âme. C’est sûr qu’on est parfois pris d’un irrésistible désir de les secouer par les épaules et de leur dire « Allez, bougez-vous !!! ». C’est sûr qu’il y a des épisodes qui donnent envie de se rouler par terre hystériquement (de rire ou de désespoir, je ne sais pas, ça dépend des gens). C’est sûr.
Mais… En remettant ça dans le contexte, je trouve que pour une série télé qui arrive onze ans avant Star Wars , purée qu’est-ce que c’est bon !!! Le but n’est pas que de montrer des combats, mais aussi de nous faire réfléchir, même si des fois c’est absurde ou tiré par les cheveux. Rien que pour ça, ils ont toute ma considération.
Le nerf de la guerre
Ce qui est aussi, à mon sens, intéressant à noter, c’est que l’argent est presque absent de ce monde utopique. Il n’y a plus de guerre sur Terre, plus de misère, plus de maladies, et la conquête spatiale permet de régler le problème de la surpopulation : il suffit de trouver de nouvelles planètes de classe M (entendez : avec atmosphère respirable, permettant le développement de la vie), et hop, on peut aller y faire plein de petits bébés ! L’argent n’a pas grand sens dans la Fédération, et s’il existe (après tout, certains types vendent illégalement certains produits, comme le « contrebandier » dans The trouble with tribbles ), il n’est jamais le mobile des personnages. Comme si Roddenberry avait juste balayé le problème d’un revers de main : n’en parlons même pas, ça n’en vaut pas la peine…
Et puis il y a les inventions scientifiques
Pour finir, j’aime cette série car elle prouve que la fiction peut parfois non seulement dépasser, mais aussi inspirer la réalité. Pour commencer avec quelque chose d’évident, en 1966, l’homme n’a pas encore marché sur la lune… Mais bon, Jules Verne et Hergé l’ont déjà imaginé, donc je vais prendre d’autres exemples.
Comme j’ai commencé par voir les films récents (et franchement, je les adore, mais ils sont quand même plus dans l’esprit Star Wars ), ce qui m’a frappé au début, c’est bien sûr ce qui n’existe pas encore : la téléportation, qui permet de se désintégrer et de se réintégrer ailleurs presque instantanément (pratique quand la SNCF décide de supprimer votre train un 25 décembre au soir) et la distorsion, qui permet de dépasser la vitesse de la lumière (pratique pour la même raison). Puis, en regardant la série, je me suis rendu compte à quel point tout le reste était « visionnaire ». Quelques exemples significatifs :
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Les PADD, ces espèces d’écrans tactiles sur lesquels les membres de l’équipage font leurs rapports, sont l’ancêtre (techniquement ça se passe dans le futur mais les mecs, on est en 1966 !) de nos I-Pad (petite similitude dans les noms) et tablettes. J’ajouterai à ça que Kirk, Spock et McCoy discutent par Skype (ou équivalent) d’un pont à l’autre et peuvent même faire une petite visioconférence avec des types sur d’autres vaisseaux…
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Les communicateurs ne sont ni plus ni moins que des téléphones portables à clapet (un des premiers mobiles Motorola dans les années 1990 s’appelait StarTec, c’est cool non ?) et Scotty peut, depuis le vaisseau, localiser les membres de l’équipage qui les ont avec eux (si ça n’est pas un GPS avant l’heure, je ne sais pas ce que c’est).
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Uhura (et parfois Spock ou d’autres membres de l’équipage) a une oreillette Bluetooth…
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Le phaseur (même si, avouons-le, ça ressemble un peu à une visseuse-dévisseuse), arme non létale, permettant d’assommer un adversaire (« set your phasers on stun », réplique culte de Star Trek s’il en est), ressemble fortement à un taser (inventé en 1972, six ans après le début de la série).
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Le tricordeur médical, sorte de scanner portable, est en partie devenu une réalité car un concours a été lancé en 2012 pour le réaliser.
Ajoutons à ça que la reconnaissance vocale est courante (on parle à l’ordi, il répond, SIRI n’a rien inventé, à un moment il appelle même le capitaine « mon chou »…) et que les lits de l’infirmerie qui peuvent se redresser totalement ont été utilisés en vrai dans des hôpitaux pour que les patients qui avaient des problèmes de dos n’aient pas à s’asseoir et à s’allonger eux-mêmes. Ou quand la fiction est au service de la science…
Tous ces gadgets servent la narration, évidemment. Ils ont même été inventés dans ce but. A la base, l’idée de la téléportation vient d’une restriction de budget : il était beaucoup plus facile de filmer une cascade d’eau et de faire briller les gouttes en transparence sur la silhouette des personnages (oui, ça a vraiment été tourné comme ça) que de faire se poser l’ Enterprise sur une planète différente chaque semaine. Mais la génération de scientifiques des années 80-90 a vu Star Trek et s’en est inspiré, et ça a donné… tout ce que j’ai écrit plus haut. Quand la fiction DEVIENT la réalité, évidemment, je surkiffe. Avouez que c’est génial, non ?
Rendez-vous dans quarante-trois ans
Je concluerai en disant que Star Trek met en scène un des premiers baisers entre une Noire et un Blanc jamais montré à l’écran. Je ne dirai rien de cet épisode ( Plato’s stepchildren ), qui est franchement un des plus glauques de la série, mais juste une anecdote sur le tournage. On a donné à William Shatner (Kirk) et Nichelle Nichels (Uhura) des instructions précises : tourner deux versions de la scène, un avec le baiser, l’autre sans. Les deux acteurs se sont débrouillés pour bousiller complètement la version « sans » (en louchant, en faisant des grimaces etc…), si bien qu’elle n’a pas pu être exploitée au montage. L’épisode contient donc le premier baiser métis de l’histoire de la télévision. Rien que ça, ça me réconcilie avec Kirk. Evidemment, de nos jours, ça semble assez délirant qu’il ait fallu « ruser » pour qu’une telle scène puisse être tournée, mais à l’époque ça choquait. Alors, quand on rencontrera les Vulcains (c’est prévu pour le 5 avril 2063, j’espère vivre assez longtemps pour voir ça et pouvoir dire Live long and prosper sérieusement, sans que les gens me prennent pour une geek attardée), ce serait cool que ça ne pose plus aucun problème à personne . Sinon, on risque de passer pour une civilisation arriérée et il y a de fortes probabilités pour que les Vulcains décident de ne pas intervenir, finalement. Parce qu’ils ont vu Star Trek et qu’ils respectent la Directive première.
LLAP : longue vie et prospérité…
Sources
- L’encyclopédie illustrée de Star Trek (Paul Ruditis)
- « 50 ans de Star Trek : l’héritage scientifique » (France Inter, La méthode scientifique , par Nicolas Martin, émission du 7 octobre 2016)