Conciliabules autour du vocabulaire

Aujourd’hui un mot qui sent la peur :

Et au risque de faire de la promo, j’irais même jusqu’à dire que ça sent… La somme de toutes les peurs ! :smiley: Particulièrement dans un jardin maléfique.

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Voilà un vieux mot multiforme !

Le custode

  • custod signifie gardien en français d’oc et d’oil au 10ème siècle
  • dans un contexte religieux, la charge de gardien devient parfois honorifique : Iloc avoit un segrestein, Custode e garde e marrogler : Il avait un sacristain, custode, garde et marguillier.
  • en Italie, désigne encore les gardiens de musée et de monuments.
  • L’anglais custody en est l’héritier direct, au sens de garde ou de détention :
    • After their divorce, they shared custody of their children. Après leur divorce, ils se sont partagé la garde de leurs enfants.
    • The police took the suspect into custody. La police a mis le suspect en détention.

La custode

  • Un rideau, un voile ou un panneau qui garde ou protège des regards.
    • Donner le fouet sous la custode, réprimander en secret.Clément Marot
    • Courtines à côté du maître autel ou pavillon qu’on met sur le saint ciboire.
    • Quelque une qui a front ridé Porte devant une custode Sympa !
    • Partie intérieure d’un carrosse qui est à chaque côté du fond, et contre laquelle on s’appuie. Jusqu’à il y a peu, panneau latéral arrière de la carrosserie d’une automobile
  • Une boite ou un couvercle,
    • équivalent de reliquaire gardant un objet sacré : Icelle suppliante prist huit cuvellettes d’argent estans en une custode
    • ou profane : Chaperon d’un fourreau de pistolet.

Sources CNRTL et Littré

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Ah ! Chouette !
Voilà un mot dont je n’ai jamais entendu parler ! Et pour aucune de ses significations. C’est remarquable ! :joy:
En tous cas en français, car je connaissais le custody anglais.

J’adore les exemples en vieux françois, mais pour m’ôter un doute, les cuvellettes, c’est des petites cuillères ?

On dirait que « sous la custode » pour dire « en secret » est proche de « sous le manteau ».

Elle refilait sous le manteau des maquettes gratuites que d’autres auraient vendu à prix d’or.

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J’ai cherché : peut-être des petits récipients (coupelles ?) ou des cuillères.
J’ai trouvé dans un dictionnaire des termes de l’oeuvre de Froissart :

  • Cuvelette, petite cuve (pour baigner un enfant) X, 61

Alors je ne sais pas.
Grrr.

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Je viens de chercher aussi, j’ai également trouvé « petite cuve » pour cuvele.

Dans ce lien, il est donné « cupella » comme origine de « cuvele » donc je penche pour « des petites coupelles en argent ». Vu le matériau, ça doit servir pour la table.
Les autres exemples sont moins chics et évoquent sans doute quelque chose comme des pots, des seaux, des brocs…

5 « J'aime »

Hasard du Godefroy, la cuvelle voisine avec le custot !

5 « J'aime »

En week-end chez mes parents, fête des pères oblige, j’ai suivi Tout le monde veut prendre sa place et découvert un nouveau verbe :
HONNIR (v. transitif) : couvrir de honte, mépriser.
ou plus précisément, selon le CNRTL : Désigner quelqu’un, quelque chose comme méprisable et condamnable en tant que transgressant une norme éthique ou une convenance ou s’y opposant.

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« Honi soit qui mal y pense ! »

…est un adage qui apparait souvent associé à la représentation héraldique du Royaume Uni de Grande Bretagne.

  • Il s’agit de la devise de l’ordre de la jarretière, l’ordre de chevalerie fondé par Edouard III au 14ème siècle.

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  • Le choix de la jarretière rappelle les aventures de Sire Gauvain et du Chevalier Vert, confronté à une ceinture aux sous-entendus érotiques. Il ne serait pas étonnant que ce choix soit assumé en écho à l’ordre de la Table Ronde.

  • Mais ce nom dérive d’un incident assez romanesque, à l’historicité controversée :

    Lors d’un bal qui se tenait à Calais pour célébrer la chute de la cité après la bataille de Crécy, le roi dansait avec une jeune femme d’une grande beauté. Les historiens débattent entre Jeanne du Kent, sa cousine et belle-fille, et la maîtresse royale Catherine Grandison, la comtesse de Salisbury.

    Toute à la pavane, la danseuse perdit une de ses jarretières qui lui tomba à la cheville, ce que remarquèrent immédiatement les courtisans.

    Un chuchotement moqueur parcourut la foule, tous les yeux se tournèrent vers le couple humilié, personne ne sachant comment réagir à cette situation un peu scandaleuse et non prévue par l’étiquette, et chacun guettant comme Roi et Dame allaient se tirer de ce mauvais pas.

    Mais le roi se semblait pas gêné le moins du monde. Il rattacha lui-même la jarretière à sa propre jambe (comme le font encore les membres de l’Ordre de la jarretière) en s’écriant : "Honi soit qui mal y pense. Tel qui s’en rit aujourd’hui, s’honorera de la porter !"

    Cet acte d’élégante courtoisie, cette déférence aristocratique envers les femmes, étaient prisés dans les cours d’Europe occidentale de l’époque. De là découlerait l’obligation des membres de l’Ordre de la Jarretière de protéger les personnes en détresse.

  • Cette devise est de portée générale mais elle n’a pas manqué, à l’époque, d’être interprétée comme une menace envers quiconque s’opposerait aux prétentions d’Edouard III à la couronne de France.

  • En français moderne, on utilise cet adage (modernisé en « honni » avec 2 n, WeasleyBlack ci-dessous a raison) pour insinuer l’existence d’intentions cachées ou d’un conflit d’intérêts. … Perfide Albion ?

Sources ici et

10 « J'aime »

Tiens, j’avais cru faire une faute, mais il semblerait que la langue évoluant, le verbe a pris un second « n »…

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C’est décidément ma journée pour découvrir de nouveaux mots !
Voici à présent le terme avunculaire ou avonculaire relatif à la tante ou à l’oncle.
Ainsi on peut dire d’une femme qui te parle d’un ton avunculaire, si tu trouves que son ton pourrait être un ton tendre comme lorsque parle ta tante… après à voir si toutes les tantes et tous les oncles ont un ton tendre.

Exemple : « Nous passâmes, Sivry et moi, une agréable semaine sous le modeste toit avonculaire » . Verlaine, Confessions,1895

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Déchanter

  • Déchanter consiste à rabattre de ses prétentions, de ses espérances, à perdre ses illusions.
  • Plus simplement cela peut signifier changer d’avis, de sentiment, de ton.
  • Ce changement d’allure, de ton, donne peut-être la clé du glissement qui s’est opéré depuis le 13ème siècle : Autrefois déchanter signifiait exécuter le déchant ou discantus, un contre-chant en musique médiévale, partie aigue d’une composition polyphonique.
  • La recomposition moderne a donné le sens très logique, exactement contraire au chant qui élève l’âme et la tient en joie : déchanter, éprouver un déplaisir, subir un déboire.

Sources cnrtl, Littré et Wikipedia.

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l’Arroi

Voilà un vieux mot comme je les aime, apparu vers le 13ème siècle.

  • Déverbal de l’ancien français areer, arroyer, « arranger, disposer, organiser », du latin populaire arredare, « pourvoir de provisions ». Influence probable du germanique rât, conseil, secours, provision.
  • Un seigneur qui voyage en grand arroi : avec une suite nombreuse, amples fournitures et équipages fastueux.
  • Dispositif de train : La plaine des labours et des prés perdait pour un jour une certaine unité de vie que les hommes au travail, les appels aux bêtes, le murmure de l’effort, l’arroi des attelages lui prêtaient dans la semaine. Marcel Aymé
  • Parure, toilette ou apprêt : À la sortie du dernier gala de l’Opéra, j’ai vu de belles dames en grand arroi, fort impressionnées par les acclamations de la foule (…) François Mauriac
  • Militaire : Arrangement, alignement, disposition des troupes. L’armée reculait en piteux arroi.
  • Se trouver en male arroi, en mauvaise posture.
  • De façon similaire, le désarroi, anciennement desaroy, désigne d’abord le désordre, la confusion dans les affaires, un renversement de fortune, avant d’exprimer un sentiment de trouble ou d’angoisse.
  • Cousin de l’Anglois array, qui recouvre sensiblement les mêmes sens : arrangement, ordonnancement, par exemple des troupes, démonstration de statut social via la suite ou les vêtements. S’est aussi spécialisé pour désigner un tableau (arrangement de cases en lignes et colonnes !)
    Sources CNRTL et Littré
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Ah que voilà un superbe mot qui laisserait nos lecteurs, en effet, dans un profond désarroi. :smiley:

La dernière fois que je l’ai entendu c’était :
Arroi, arroi, je t’achète tes raps en dinars
Non, je veux des dollars car je m’appelle Solaar

Et vous allez probablement me faire « bouge de là » (parce que l’othographe n’est pas la bonne et parce que personne ne sait plus qui est ce Solaar). :smiley:

.
Plus sérieusement j’ai eu envie de rechercher la définition de l’espagnol arroyo mais il ne semble pas cousiner du tout. Il joue dans le registre fluvial avec des significations comme ruisseau, rivière, fleuve, voire chenal, bref tout ce qui pourrait être de l’ordre du courant d’eau.

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Le manoir

  • Initialement : lieu d’habitation d’un propriétaire de fief, noble ou non.
  • Demeure d’importance ou de caractère, en général non fortifiée.
  • Et plus généralement : lieu de séjour.

Le manant

  • Ancien terme de droit féodal désignant les personnes se levant et couchant dans le périmètre d’une juridiction justicière.
    En peu de temps il y eut une moult belle cité et noble ; car il n’y eut gentilhomme en Bretaigne qui ne se feist manant et citoyen d’icelle. Perceforest
    Manant a signifié celui qui demeure ; de là il avait pris le sens de domicilié, aisé, riche, qu’il a perdu.
  • Tout comme vilain, le terme quitte le domaine juridique au 12ème siècle, pour devenir synonyme de paysan, jusqu’à désigner un rustre le plus grossier et mal élevé, au 19ème siècle.

Ces deux termes sont issus du verbe ancien français manoir ou maneir (du latin manere, demeurer un certain temps), qui peut signifier demeurer dans ses deux acceptions :

  • rester en un endroit, y habiter
  • subsister, persister : il remaint… il reste que.

Cette racine subsiste de nos jours dans permanence ou rémanence.

Elle a également donné le remain anglais, de re-, qui indique la répétition ou le retour et maneir, rester.

Sources ici, et

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La chicane

Voilà un mot qui n’a pas bougé depuis le 16ème siècle et qui semble sans antécédant latin ou germanique !
Vous le connaissez sûrement, mais je trouve qu’il mérite sa place ici, sa sonorité exprime assez naturellement l’esprit retors et tenace…

  • Il s’agit d’abord d’une difficulté sur un point mineur, captieuse ou infondée, soulevée pour embrouiller ou retarder une procédure. Bien sûr, on pense surtout au droit, mais tout procédé tortueux, subtil, complexe peut être qualifié de chicane.
  • Pour rester dans le droit, la chicane peut désigner la carrière des gens de lois, avocats ou notaires, un barreau, etc.
    Je défie votre chicane de Rouen d’être plus chicane que celle de Bruxelles, Voltaire, Lett. en vers et en prose,
  • Par extension :
    • une contestation de mauvaise foi, sur un détail insignifiant,
    • une querelle futile,
    • par dénigrement, tout procès en général. Boileau fustige ainsi l’ardeur procédurière :
      Là, sur des tas poudreux de sacs et de pratiques,
      Hurle tous les matins une sibylle étique ;
      On l’appelle Chicane ; et ce monstre odieux
      Jamais pour l’équité n’eut d’oreilles ni d’yeux.
    • de façon péjorative : une personne procédurière, retorse.
  • Au plan concret, un dispositif tortueux, présentant des obstacles
    • Militaire : Les tranchées creusées en chicanes
    • Routier : une succession brusque de virages serrrés
    • Alpin : un parcours de slalom particulièrement corsé
    • Jeux : une façon de jouer pour franchir un obstacle, au billard, à la paume, et même aux cartes

Sources ici et

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Je rajouterai que les Québécois utilisent le verbe chicaner si j’en crois mes souvenirs. On est dans le registre de l’ergotage et de la dispute. « Arrête donc de chicaner ».

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Coucou,

Je connaissais plutôt l’adjectif que le nom commun : un esprit chicaneur → qui a tendance à chercher la petite bête, à s’arc-bouter sur des détails (jugés par d’autres) de peu d’importance (et puis en plus chronophages). :grinning:
C’est un peu différent du perfectionniste qui lui aussi porte une grande attention aux détails.

Dans les deux cas, tous les autres autour considèrent très souvent que ça ralentit considérablement le mouvement, en étant contraire à l’efficacité. (Voir aussi : le principe de Pareto).

En tant que fanfiqueuse, je ne respecte pas le principe de Pareto, en consacrant trop de temps à vouloir rendre le texte parfait.
En tant que correctrice, il est probable que les corrigés me trouvent chicaneuse.

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Ah je connaissais la chicane québécoise, comme l’a précisé @ensorceleurisee, mais pas le terme français :joy: je me coucherai moins bête ce soir, merci ^^

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Un mot que j’ai découvert dans un livre et que j’aime bien utiliser maintenant:

godon: (péjoratif) Anglais

Vient du juron anglais (God Dam).

Utilisé dès le moyen-âge.

Peut s’utiliser comme nom (On va battre les godons!!!) ou comme adjectif (Typiquement une ruse godonne).

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Le film où on te fait la peau

  • Le film est emprunté à l’américain, qui désignait une pellicule photographique, par analogie avec une mince membrane. La traduction de film en pellicule est donc particulièrement appropriée puisque pellicule signifie petite peau.
  • Film descend du germanique filmen, la peau, ou le vieil anglais fell, la peau de bête, tout cela dérivant de l’indo-européen pelm/peln, la peau.
  • Cette même racine a donné le latin pelnis puis pellis et lui-même le français peau, pelisse.
  • Le pelage, lui, est issu du latin pilus, le poil.
  • Mais en latin, pellis signifiait peau d’animal, avant tout au sens de matériau pour l’artisanat, au contraire de cutis, la peau humaine, qui a donné cutané et cuticule, petite peau.
  • Dans la même clique, on trouve également cutina, qui a donné la couenne, et même scutum, qui a donné l’écu, une sorte de seconde peau !

Source : Les Étymologies surprises de René Garrus.

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