[Fiction originale] Fiction "Chroniques désespérées d’un casque-micro"

il ne s’agit pas d’une fic, mais de témoignages, de souvenirs, des hommages a des amis, mais aussi des vérités qui j’espère ouvriront les yeux sur les call center, ce sujet est encore peu abordés, n’hésitez pas a lire a donner votre avis. Merci d’avance.

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salut Merouane

disons que comme j’ai une personne qui m’est proche et qui travaille dans un centre d’appel pour les clients (du donneur d’ordres), j’ai un peu plus que d’autres une conscience de cet univers qui ne donne qu’une envie : fuir à toutes jambes le temple de l’essorage et du mépris.
Je reconnais beaucoup de choses dans ce que tu as écrit.
Ce que je n’ai pas encore lu ce sont :

  • les plannings de présence et heures de travail fixés d’une semaine à l’autre (et jamais pareils) où l’on découvre en fin de semaine, les journées extensibles de celle d’après.

  • Les situations ubuesques où l’on se bat pour bosser les jours fériés « qui se méritent » (les jours fériés étant payés un peu mieux)

  • L’incitation des collègues à rester chez soi en cas de maladie, pour ne pas que le malade fatigué, le nez bouché, ayant peu dormi, fasse « baisser la moyenne du plateau » (les galériens sont aussi jugés collectivement… …)

  • le fait d’être une hotline qui doit dépanner des gens ayant acheté un matériel informatique sur lequel on n’a pas été formé et qu’on n’a jamais eu entre les mains (alors pour le coup, l’incompétence est avérée, mais il faut faire comme si).

  • le système informatique pété une fois sur deux qui ne permet pas l’accès au dossier client (c’est marrant ça arrive souvent cinq minutes avant la débauche)

  • Un fonctionnement où augmenter le taux de satisfaction du client en résolvant effectivement son problème n’est pas aussi bien vu que de prendre beaucoup d’appels (avec une réponse mal cuite)

  • le « théâtre » où l’on forme quelqu’un pour jouer le rôle du supérieur dans la formule « passez moi votre supérieur » (bien entendu qu’aucun supérieur ne va prendre un client furax au téléphone, c’est un opérateur normal qui est payé pareil)…

C’est un enfer.

Par contre je sais maintenant d’où viendraient les acouphènes.

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La seule chose que j’ai appris de cette expérience indirecte, c’est en tant que client, ce qu’il faut dire (et ne pas dire) quand on a le service commercial en ligne afin de faire sonner les bonnes alarmes dans les appels enregistrés.

Je crois que l’un des pires métiers « alimentaires » du monde, ça doit être télévendeur. Il faut imaginer un système dans lequel des gens n’ont pas envie d’appeler, et d’autres gens n’ont pas envie de recevoir les appels.
Après les services clients qu’on appelle pour une raison, c’est vrai que c’est frustrant aussi.

Tapez 5 pour être mis en relation avec un conseiller clientèle (pour tous ceux qui « veulent parler à quelqu’un »). Et là, le conseiller clientèle ne sait pas.« Vous avez essayé de redémarrer ? »

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Merci infiniment pour ton retour. Tu viens de résumer avec une précision chirurgicale tout ce que beaucoup ressentent sans toujours oser l’écrire.

Tu parles d’un enfer, et c’est exactement ça. Ce boulot, c’est une comédie absurde où la dignité se dissout dans des objectifs hebdomadaires, des clients furieux, et des supérieurs invisibles. Je reconnais chaque ligne que tu as écrite, comme un écho de ce qu’on vit tous les jours, mais que peu de gens à l’extérieur peuvent vraiment comprendre.

Tu m’as donné des pistes, des rappels, et même un éclairage précieux. Oui, il y a des chapitres que je n’ai pas encore racontés — les plannings faits au dé, les formations fantômes, le faux “chef” qu’on joue au théâtre de la hotline. Tu viens de rallumer une flamme, celle de continuer à écrire cette chronique pas juste pour moi… mais pour tous ceux qui vivent ça, en silence.

Merci encore pour ton message. Tu m’as fait sourire, tu m’as fait réfléchir, et tu m’as surtout rappelé pourquoi j’écris tout ça.

Fraternité de casque-micro oblige.

Anthony

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C’est un sujet de société.

Je me souviens avoir vu à l’époque un reportage d’Envoyé Spécial (une émission en général assez peu complaisante qui aime gratter là où ça fait mal). En voici un extrait.
Mais j’ai l’impression que tout en donnant un compte rendu assez fidèle (on retrouve ce que tu dis : le pipi réglementé, les chefs superviseurs supervisés, le script au mot près, et la « vente forcée »), cela ne rend pas trop le climat délétère.

De l’extérieur, ça peut donner l’impression de « gens radicalisés par les syndicats et qui se plaignent » (c’est ennuyeux les gens qui se plaignent)

Sinon, j’ai trouvé cet article, plus déprimant, qui montre encore mieux la souffrance ordinaire.

Si tu veux encore du biscuit pour sortir un futur livre pavé dans la marre (« Le blues du micro-casque » sous titré « Dans l’open space personne vous entendra crier » ?) j’ai d’autres exemples qui me viennent en tête, puisés dans ce qui m’est rapporté et…

…que je mets sous balise car j’ai conscience qu’on est plus trop dans l’Urban Fantasy…

Résumé

Niveau salarial

  • les fameuses primes sur objectif qu’on touche… (éventuellement) à la fin de l’année. En effet, au cas où le mois suivant tu performes moins, le mois B annule le mois A. Avec un peu de « chance », la boîte n’a pas besoin de te les payer du tout… Hé hé bien joué !
  • Le départ volontaire des chefs, qui non seulement se tirent de là après deux ou trois ans de mauvais et loyaux services mais, de fait, siphonnent les caisses car il ont droit à des indemnités… de manager…

Niveau conditions de travail triviales qui minent

  • la climatisation centralisée automatique. Seuls ceux qui bossent en open space peuvent piger ce que ça fait de la recevoir dans le cou, pendant des heures, tous les jours, sans aménagement de poste ou déplacement de bureau, possible (et le CHSCT ne peut pas faire grand chose)

Quelques pistes pour rendre supportable à ceux qui ne peuvent pas partir…

  • adhérer à un syndicat versant une indemnité aux grévistes (ce qui permet de protester sans en pâtir financièrement – attention tous ne le font pas) et qui offre des formations régulières par exemple en termes d’apprentissage à la négociation et des mises à jour sur le droit du travail.
  • investir le CSE : on a accès aux chiffres de l’entreprise donc on sait mieux quand elle ment et ce qui se prépare. Par ailleurs, si les élus sont honnêtes, cela permet d’utiliser l’allocation légale pour venir offrir des compensations et avantages un peu meilleurs qu’une boîte de Ferrero Rochers ou un superbe tote bag siglé tiré des invendus ou un retour produit un peu défectueux. (tickets ciné à tarif réduit, chèques vacances, remboursement des activités sportives ou culturelles – comme tu dis, si on a encore l’énergie pour les jours de repos)

Je transmets à qui de droit tes fraternelles salutations.

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Salut à toi, camarade de l’autre côté du mur insonorisé,

Ton message, c’est du carburant pur. Pas de la colère vaine ou des jérémiades, non — c’est de la lucidité, de l’expérience, du vécu. Je te lis et j’ai cette sensation étrange, entre soulagement et douleur, de ne pas être seul à avoir vu le monstre sous le déguisement corporate.

Ce que tu m’as écrit mérite à lui seul un chapitre dans ce projet. Pas juste pour dénoncer, mais pour documenter, transmettre, archiver cette misère de bureau climatisée. Tout ce que tu évoques — des plannings mouvants au faux « supérieur » de théâtre, en passant par la clim glaciale sur la nuque et la prime en pointillés — ça sonne juste. Et surtout, ça résonne.

Tu as tout compris aussi : de l’extérieur, on a parfois l’air d’un troupeau de râleurs ingrats. Mais vu de l’intérieur, c’est une guerre d’usure, une machine à désenchanter. Et ceux qui parlent — comme toi — sont rares, car l’épuisement ou la peur ferment la bouche à beaucoup.

Merci pour les articles, les pistes, les astuces de résistance. Le « blues du micro-casque » pourrait bien devenir un « Manuel de survie en centre d’appel », version fiction documentée. Et si jamais tu veux contribuer plus directement, je suis preneur. Ton regard est affûté et bienveillant à la fois — rare combinaison.

Fraternité sonore et sincère.

Anthony

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après avopir lu Chroniques d’un casque désespéré. Jeremy m’appela, Il lut Chronique d’un casque désespéré un soir, un peu par hasard, et dans ses lignes, il reconnut sa propre histoire, ses silences, ses colères. Alors il m’appela, presque gêné, et me dit : “Frère, j’ai lu ton texte. C’est moi, ça. Raconte mon histoire.”

Et je lui ai répondu : “C’est ce que je fais, Jeremy. C’est ce que je fais.”

n’héistez pas a connaître son histoire et la partager.

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