elane, je ne sais pas si je le fais au bon endroit mais juste pour rebondir sur une partie de ta réponse à mon commentaire concernant le chapitre 2 :
JE ne sais pas quelles sont tes raisons, mais c’est vrai que James n’est pas le plus apprécié de tous.
Je crois que l’impopularité de James a certainement en partie à voir avec des biais cognitifs : le personnage est présenté dans les premiers romans de manière très idyllique (lui et Lily sont présentés comme des sortes d’images d’Épinal : des saints s’étant sacrifiés pour leur fils et le monde sorcier), cette présentation ultra positive atteint son apogée avec le tome trois où les Maraudeurs sont introduits comme le must du cool (même si ça s’est très mal fini) avec une super histoire de camaraderie et de loyauté où trois gamins se sont dépassés pour aider au mieux leur ami discriminé et porteur d’une malédiction. C’est une belle histoire et James, étant le leader des Maraudeurs, est auréolé de gloire…
Le personnage plafonne à son niveau maximal d’appréciation ; par la suite, il ne peut que redescendre et là, tu as un effet très destructeur pour son image avec le tome 5 et le « pire souvenir » (et pour moi, ce n’est pas le film ni l’interprétation de Rickman qui font que les gens ont tendance à prendre fait et cause pour Rogue, même dans le livre j’avais trouvé la scène insupportable). Tout d’un coup, on nous dit que c’était un petit con arrogant et cruel s’amusant à humilier les autres : vu que le perso était jusque-là investi très positivement, la réaction des fans est radicale… sans doute encore plus s’ils ont eux-mêmes subi du harcèlement scolaire ou étaient victimes de petites brutes populaires. Ils se sentent trahis de l’amour qu’ils ont pu accorder à un type qui se révèle finalement avoir été loin d’être irréprochable sur le plan moral, un tyran jouant les coqs dans son adolescence. Le crépuscule d’une idole.
Son personnage qui était jusque-là très unidimensionnel dans le positif « c’est un héros/un mec formidable » prend un coup fatal avec ce simple élément et tout est renversé de manière négative, et toutes ses actions scrutées sous un autre jour. Par exemple, le fait qu’il ait « sauvé la vie de Rogue alors qu’il le haïssait » ne devient plus un acte héroïque à mettre à son crédit : il l’a fait pour sauver la peau de Sirius et Remus qui risquaient d’être condamnés pour meurtre si la « farce » tournait mal ; son talent au Quidditch est soudain minimisé parce que c’était un type arrogant qui se pavanait, etc.
Vu que par la suite, il n’y a que très peu de moments de la saga où le perso de James est vraiment mis en avant (juste un entrefilet dans le dernier bouquin au moment où la pierre de résurrection est utilisée), il ne peut jamais récupérer le coup (forcément, il est mort le pauvre bougre xD) et son image est à jamais égratignée.
C’est un peu le phénomène inverse pour Rogue : il commence par être dépeint de manière ultra négative mais au fil des volumes on apprend des choses qui nuancent son côté méchant et -finalement-, son enfance misérable, son amitié avec Lily puis son amour unilatéral pour elle, le fait qu’il soit espion et risque quotidiennement sa vie, le fait qu’il prenne fait et cause pour Harry par « loyauté » alors qu’il lui voue une haine éternelle, etc.… ça monte crescendo pour en faire une sorte de figure du héros tragique et romantique à la fin de la saga : apothéose du personnage.
Les gens ont tendance à ne pas pardonner à quelqu’un qui a été présenté comme trop parfait (lisse et sans défauts) au premier abord mais qui dévoile des failles morales au bout du compte (sic Dumbledore et « le porc destiné à l’abattoir") ; à contrario, ils peuvent se montrer tolérants et étonnamment empathiques avec un personnage « mauvais » qui malgré un passé tortueux révèle finalement de la complexité et un potentiel de bonté/d’humanité (Rumplestiltskin ; La Bête ; Kylo Ren, etc.).
J’ai lu que JKR était étonnée qu’une majorité de fans ait une image si négative de James versus une si positive de Severus… perso ça me semble logique, c’est la construction même de l’œuvre qui a engendré le phénomène. Pour faire le distinguo entre James et Rogue : un gentil qui avait tout pour lui, riche, talentueux, beau et populaire mais qui au final s’est montré cruel par bêtise/pour le plaisir et n’a pas eu la possibilité de se racheter dans la temporalité de la saga (en tous cas pas sous les yeux des lecteurs) VS un type pauvre, impopulaire, venant d’un milieu pourri (visiblement), qui a fait tous les mauvais choix (pires que ceux de James, hein, clairement) mais qui au final a consacré sa vie à honorer la mémoire de la personne qu’il avait aimée et dont on a pu voir l’évolution et l’abnégation au cours de la saga. C’est l’inversion des postulats de départ qui cause, à mon sens, le désamour pour James.