Les arcs narratifs négatifs

Bonjour, bonjour,

Je me permets de poser un petit tuto là, parce qu’aujourd’hui, j’ai très envie de vous parler des arcs narratifs négatifs. Je trouve qu’on parle beaucoup trop des arcs positifs, c’est le moment de mettre un peu à l’honneur son jumeau diabolique.

Je ne vais pas vous faire l’affront de vous réexpliquer ce qu’est un arc narratif, vu que n’importe quel auteur ayant un jour consulté un tuto d’écriture est tombé sur le fameux laius à base de : « Votre personnage doit commencer du bas pour aller vers le haut, réaliser ses objectifs à mesure d’efforts, d’épreuves surmontées pour la gloire du bien et de pouvoir de l’amitié ». Ce à quoi je réponds : pas forcément.

Les arcs de personnages se basent sur le principe de la vérité et du mensonge. Dans les arcs positifs, qui sont les plus courants, le personnage commence par croire un mensonge puis découvre petit à petit la vérité, qui est plus belle et qui lui apporte le bonheur, la gloire et plein de belles choses du genre. Par exemple, dans un récit d’aventure classique, on pourra avoir un héros qui commence par croire qu’il n’est qu’un simple humain destiné à rester médiocre (mensonge) pour finalement, à force d’aventures, se rendre vers sa vérité, qui est qu’il est un être exceptionnel destiné à sauver le monde (on peut citer dans le genre Harry Potter, Frodon, Katniss Everdeen et probablement Luke Skywalker mais n’ayant jamais vu Star Wars, ça va rester une supposition). On peut avoir un exemple plus terre à terre (quoique) dans la romance : le personnage croit que l’amour, c’est nul et pas pour lui/elle (mensonge) mais en rencontrant M. ou Mme.Perfection, va se rendre compte qu’en fait, l’amour, c’est vachement bien et qu’il/elle mérite qu’on l’aime.

L’arc négatif, lui, du coup, va venir tordre le cou à ce schéma. On retrouve toujours les concepts de vérité et de mensonge, mais au lieu d’avoir un méchant mensonge progressant vers une belle vérité, on arrive sur l’inverse. On distingue trois grand types d’arcs négatifs :

  • La désillusion : Le personnage croit un mensonge, découvre la vérité, mais se rend compte finalement que la vérité est horrible, cruelle, tragique et qu’il était bien mieux dans son mensonge. Exemple : Sansa Stark dans Game of Thrones, qui quitte son mensonge d’une vie de petite princesse naïve pour qui le monde est beau et le prince charmant pour se retrouver dans une vérité qui la fait grandir mais qui est nettement moins sympathique.
  • La chute : Contrairement au héros classique, qui part du bas pour aller vers le haut, le personnage de la chute… eh bien… chute. Il peut être un personnage de haut rang qui redevient ordinaire ou bien un personnage ordinaire qui devient monstrueux. Exemple : Dorian Gray du Portrait de Dorian Gray, qui par son obsession de préserver sa jeunesse et sa beauté descend petit à petit vers la monstruosité.
  • La corruption : L’arc de la corruption commence comme celui de la désillusion : le personnage voit la vérité derrière son mensonge. Mais au lieu d’accepter d’avancer, le personnage corrompu va rejeter cette vérité et s’accrocher coûte que coûte à son mensonge. Exemple : Du peu que j’en sais sur Star Wars, Dark Vador correspond bien à cette idée. Il sait parfaitement que le Côté Obscur est le mauvais côté, mais s’obstine à s’y enfoncer jusqu’à ce que ça le mène à sa perte.

Bref, je vais m’arrêter là (ça commence à être déjà long) mais voilà les grandes lignes. Alors, qu’est-ce que vous en pensez ? Vous êtes plutôt Team Arcs Positifs ou Arcs Négatifs ?

Je rajoute deux sources (en angliche parce que trouver des sources en français sur ce sujet, c’est quasi mission impossible) qui développent un peu plus cette idée :

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Hello

Je ne connaissais pas tout ça et clairement, je suis team arc négatif sans hésitation. :smiley:

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Hello

Avec ce qui est expliqué ci-haut, je réalise que George R Martin a lui aussi un gros favoritisme pour les arcs narratifs négatifs.
Si je prends ses personnages de GoT un par un, je crois qu’il n’y en a pas un pour sauver l’autre (dans le registre positif). :smiley:


Quoique je puisse reconnaître le grand intérêt des arcs négatifs, pour lire autre chose, quoique je pense qu’ils sont davantage en prise directe avec le réel… et bien… je n’ai pas envie d’en écrire ! :smiley:

Je fais partie des pessimistes qui ont besoin de rêver pour rester en vie.
Par exemple, rêver qu’on peut s’améliorer, rêver que les choses peuvent s’arranger, rêver qu’en persistant à faire de son mieux, avec tout son cœur, on réussira forcément… Hu hu hu.

Donc autant que faire se peut, j’essaie plutôt des arcs positifs. Vaguement. C’est un contre-poison. Un yang d’espérance rempli compassion au chevet de mon yin fait de désolation… :yawning_face:

Comme je ne suis pas un bon écrivain qui travaille son scénario, les arcs restent généralement à l’arrière-plan. Il me semble, du reste, qu’ils ont un intérêt pour de la fic à chapitres.
On ne va pas parler d’arc pour des one-shots, ce serait pompeux. Au mieux, l’OS dispose d’une chute (et là, par exemple, avoir une vraie chute, c’est positif). :smiley:

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C’est marrant, parce que je suis exactement le même genre de pessimiste à la frontière du cynisme, même. Cela dit, je le compense plus par la catharsis pour le coup, c’est pour ça que je suis aussi fan des arcs négatifs et autres tragédies. Et plus ça va, plus je me dis que cette différence de point de vue distinguent deux grandes façons de voir la littérature qui sont fondamentalement incompatibles. On va avoir un côté qui voit la laideur du monde et au lieu de la repousser, s’y plonger complement, quitte même à l’accentuer (un bel arc de la corruption, tiens). Et un qui cherche à s’évader en imaginant des mondes fabuleux où tout est possible, ou le bien et le mal sont des notions bien plus distinctes que dans le vrai monde et où, élément le plus important, les choses ont du sens.

Et d’ailleurs, c’est certainement pour ça que j’aime pas la plupart de la fantasy qui est un genre qui adoooore les arcs positifs (et que je trouve Jon Snow affreusement ■■■■■■ aussi)

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Et moi qui la trouvait pas vraiment sympathique quand elle était en mode princesse nunuche qui croit au prince charmant…
Oui, je sais, avis pas du tout populaire ! Deal with it !

Pareil. Plutôt team arc positif en ce qui me concerne. Parce que le monde réel dans lequel on vit est assez déprimant comme ça, je n’ai pas vraiment besoin qu’on me le rappelle et encore moins envie de m’infliger une envie de me trancher les veines quand je lis un livre ou regarde un film. Alors en tant qu’auteur, si je peux éviter d’infliger un tel sentiment à mes lecteurs, ce serait sympa…

Et puis je trouve plus édifiant et bénéfique de voir des protagonistes affronter la dure réalité, subir toute une multitude d’épreuves physiques et morales et nous les montrer réussir et/ou s’en sortir malgré tout. Et même s’ils n’ont pas avec une fin très joyeuse, au moins que leurs actes et leurs efforts ne soient pas vains, quitte à ce qu’ils apportent un peu de beauté au monde froid et cruel dans lequel se déroule l’intrigue.

Après, je me revendique de la team arc positif sans pour autant exiger des intrigues de Bisounours. Pour moi, il faut un juste milieu à tout.

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Après, arc négatif ne veut pas forcément dire « déprime » ou « échec ». Même si c’est souvent le cas, le personnage peut aussi évoluer de façon positive, se retrouver grandi par la situation mais d’une façon différente que celle qu’il désirait à la base. Sansa Stark est justement un bon exemple de ça, elle arrive quand même à s’en tirer de façon honorable même si l’endroit où elle arrive est très loin de ce qu’elle désirait à la base. L’arc de la désillusion est le plus propice à ça, d’ailleurs. Le personnage voit enfin la vérité pour ce qu’elle est et arrive à l’accepter et à s’y faire.

La grosse différence entre l’arc positif et l’arc négatif, c’est que le premier est plus tranché dans sa conception de la réussite et du bonheur du héros. Le héros de l’arc positif évolue toujours vers le haut, parce que sa vérité est éminemment positive et donc vectrice de bonheur. La vérité de l’arc négative est plus ambiguë et le personnage a trois options : il fait avec (désillusion), il en meurt (chute) ou il la repousse pour s’enfoncer dans un mensonge qui le fait souffrir mais qui n’implique pas l’inconfort de la remise en question (corruption).

Cela dit, il y a pas mal d’autres types d’évolutions négatives qui ne partent pas forcément dans le tragique. Je pense qu’il faut plutôt concevoir ça comme une ambiguïté que comme forcément une chute. Ça peut être le cas mais pas toujours.

Encore une fois, c’est marrant, parce que c’est exactement ce que j’adore dans les oeuvres artistiques, que ce soit en littérature ou ailleurs. Je mesure les oeuvres que j’aime au fait qu’elles m’ont fait pleurer comme une grosse madeleine. Je trouve toujours ça fascinant de voir à quel point les lecteurs peuvent avoir des attentes et des envies diamètralement opposées.

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Je suis team positive également pour les mêmes raisons que Old et Bed, la vie est suffisamment sale comme ça, on voit trop souvent des personnes méritant des claques s’en sortir haut la main, trouver toutes sortes d’excuses pour ne pas avoir à subir ou à se remettre en question ou parvenir à garder une ignorance frustrante de leurs maux. Voir un arc positif ou le mal fini par se faire taper dessus fait du bien, ou alors voir un personnage négatif se prendre enfin le revers de ses actes.
Je dis arc positif, mais bien sûr je ne demande pas non plus un monde bisounours au contraire. Les mondes nuancés mais plutôt positif me conviennent parfaitement.

Après je ne suis pas complètement fermée aux arcs négatifs tant qu’ils laissent une lueur d’espoir, une sorte d’évolution positive pour le personnage. Sansa n’est plus la princesse de château du début de GoT, et malgré qu’elle ai souffert et que son personnage se soit un peu assombri, elle reste une personne bien, surtout pour le monde où elle vit. Avoir une sorte d’arc de rédemption pour un personnage négatif même dans un monde sombre me plaît aussi. Ça permet de nuancer… Comme je disais plus haut xd

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Alors encore une fois, « arc négatif », ça ne veut pas dire « le mal triomphe ». D’ailleurs, dans la plupart des cas, les personnages qui ont un arc négatifs sont justement des méchants, des sales types qui paient leurs erreurs (Dark Vador, par exemple). On peut avoir des « gentils » avec des arcs négatifs mais le plus souvent, ce sera des arcs de désillusion d’où le personnage sortira pas forcément heureux mais grandi quand même et plus fort. Par exemple, en ce moment, je regarde Dark (super série au passage) qui est une série bourrée d’arcs de la désillusion. Les personnages commencent dans une réalité qui est ordinaire, avec certes ses problèmes de réalité ordinaire, mais qui leur convient bien. Et quand ils apprennent la vérité, qui est une vérité qui les dépasse totalement, elle ne leur convient pas mais ils tentent quand même au mieux de s’en sortir. La structure ressemble d’ailleurs fort à celle d’une tragédie classique pour certains personnages (Jonas, par exemple) parce que plus il s’échine à défier la fatalité (à faire preuve d’hubris, donc) plus cette fatalité le punit.

Les policiers et thrillers sont aussi bourrés de ces arcs, avec le fameux trope de l’inspecteur qui devient de plus en plus amer à mesure qu’il résout des enquêtes parce qu’il voit l’horreur du monde. Le bien triomphe quand même, les méchants sont en prison ou morts, mais ça laisse quand même lun goût amer à l’idée que ces choses ont pu se produire en premier lieu.

/!\ Attention, je vais un peu (beaucoup même) spoiler la série Hannibal (encore une fois, super série)

Un autre arc négatif que je trouve fascinant et où le sale type perd à la fin, c’est celui d’Hannibal Lecter dans la série Hannibal. C’est un arc de corruption inversée, en quelque sorte. Normalement, dans la corruption, le personnage commence humain et termine monstre, pour résumer très grossièrement. Mais là, le personnage commence monstrueux et s’humanise au fur et à mesure, dans le sens où il laisse le contrôle parfait qu’il exerçait sur lui-même (qui le rendait inhumain et par conséquent monstreux) lui échapper et perd de plus en plus les pédales, ce qui le mène finalement à sa perte. Normalement, ce genre de schéma est appliqué dans les arcs de rédemption (des arcs positifs, donc) mais ici, il est encore subverti et finalement, le bien triomphe quand même, mais de façon bien plus alambiquée que ce qu’on pourrait avoir dans un arc de rédemption.

Très souvent, l’arc positif implique que le personnage est récompensé pour avoir pu dépasser son mensonge alors que l’arc négatif implique que le personnage soit puni. C’est la carotte et le bâton.

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