J’ai un sujet bizarre pour vous.
A votre avis, qu’est ce qui rend la BD unique en tant que genre et particulièrement visuel ?
Faites-vous une différence avec le ”roman graphique” ?
Si la question fait sens pour vous, en quoi les mangas et les comics ne sont pas de la BD (hors de leurs racines culturelles et géographiques ?)
.
Et ce qui m’intéresse très directement – car je suis en train de travailler bénévolement à une piste graphique pour un projet d’édition de livre ‐- quelles sont d’après vous les caractéristiques visuelles et graphiques les plus emblématiques de la BD (à part les cases et les bulles, ça, j’avais trouvé ! )
J’aimerais pouvoir injecter, ici ou là sur le livre, des éléments qui appartiennent aux codes du genre.
Par exemple dans les vieux comics des années 50, ce sont les 4 couleurs primaires et leur synthèse (comme le vert franc, le orange, l’indigo).
Ce sont les ”points benday” et les rayons en étoile, les aplats, les WOW, SPLASH, KABOOM (et pour les moins jeunes : crac, boom, plop, whizz) avec une petite forme bien agressive en dessous.
Mais ça, c’est vieux (seuls les boomers ont connu).
Alors j’aimerais bien qu’on me fournisse une vraie définition pour « roman graphique » parce que, depuis le temps que je vois ce terme, je sais pas vraiment ce qu’il désigne.
Sinon, pour moi BD, comics, manga, manwa et manhua c’est plus ou moins la même chose. Juste l’origine qui diffère.
Après bien entendu chacun a ses codes et styles, mais disons que ça ne me choquerait pas que le terme « bande dessinée » regroupe tout ce qui se compose de cases avec des bulles, en général.
Un peu comme « roman » qui désigne tout et rien…
Et dans ce cas, qu’est-ce qui définit une BD ?
J’ai bien envie de dire « le style », mais c’est beaucoup trop vague. Je veux dire, Kid Paddle ou encore Ducobu, c’est de la BD. Mais Tintin ou encore Rahan aussi ! La BD francophone a des pattes graphiques diverses et variées, utilise plus ou moins de bulles de dialogue, de bulles de récit… c’est vraiment propre à chaque type de BD.
Plutôt comique (comme Kid Paddle, Titeuf ou encore L’effaceur ?), avec principalement des histoires courtes en une ou deux pages, six à dix-huit cases ? Celles-là on moins de narration, tout est dans l’image et le dialogue. Ou plutôt narratif (à la Tintin, Michel Vaillant ou que sais-je encore), où tout le tome raconte une histoire (ou deux selon les collections), où c’est assez sérieux (mais l’humour n’est pas exclu), et où il y a plusieurs bulles de narration ?
Souvent, je dirais même que les BD narratives ont un style plus réaliste, quand les comiques sont très dans la caricature graphique.
Et pour finir, qu’est-ce qui ferait dire que L’Arabe du futur penche plus du côté du roman graphique que de la BD ? Est-ce son côté autobiographique ? Les cahiers d’Esther aussi c’est plutôt (auto)biographique. Mais ça ressemble plus à de la BD, avec des scénettes.
C’est un drôle de sujet que tu nous amènes-là ! Ça fait beaucoup trop surchauffer mon cerveau, alors que les pauses sont censées lui apporter du repos !
En fait, c’est juste que… je le pose très mal.
D’ailleurs c’est pour ça que je l’ai mis dans « hors-sujet ». C’est une question qui porte purement sur la forme du média.
Peut-être aurais-je dû demander « qu’est-ce que vous trouvez emblématique de la BD ? »
Qu’est-ce qui « fait » BD, à part que c’est dessiné.
Je pense que ça doit être à peu près commun à toutes les formes citées plus haut, de quelque coin de la Terre que ça vienne…
Je vais vous dire ce que j’ai trouvé, ça sera plus concret (j’espérais que vous en aviez d’autres parce que je ne lis pas beaucoup de BD, c’est trop cher pour être aussi vite lu).
les cases plus ou moins droites ou destructurées en biais pour instaurer du mouvement.
les phylactères (c’est à dire les bulles) qui portent les dialogues (ou les pensées quand on met des ronds à la place d’une petite queue) et dont la forme traduit parfois l’humeur de celui qui parle (avec des piquants : ça crie, c’est pas content)…
peut-être les « didascalies » souvent sommaires « Et pendant ce temps à l’autre bout de la galaxie… » en haut à gauche de la page (le plus souvent) dans un rectangle, mais pas forcément.
la policeKomika Text ou Tekton (ou du même genre) pour écrire dans les bulles.
les onomatopées qui s’étalent en gros pour symboliser les sons et les bruits.
Et j’ai trouvé en plus, ce matin, pendant que je réfléchissais à la réponse de BakApple, dans la même veine que les onomatopées, la traduction visuelle de certaines émotions via :
des points d’exclamation et d’interrogation (genre : ?? !!!)
des « signes cabalistiques » pour censurer des jurons. A l’époque – où je lisais des BD (franco-belges) – l’arobase et le dièse servaient surtout à ça…
Après je n’ai plus d’idées.
D’ailleurs j’en profite pour dire que la surabondance de points d’exclamation ou d’interrogation dans les dialogues des fics n’appartient pas au genre littéraire. Maintenant, on sait d’où ça vient.
Vous allez peut-être me dire « évidemment que c’est ça qui fait l’essence d’une BD » C’est quoi ta question, là ?"
Mais ce sont des machins typiques comme cela que je cherche à utiliser dans une maquette.
(une maquette de livre, pas une maquette de BD, hein ? Comment ça, c’est confus ?).
La caractéristique que j’ai a proposer ne concerne pas le visuel explicitement, mais comment il est utilisé en comparaison avec d’autres formats. Selon le type de présentation d’une histoire, les auteurs/bédéistes/scénaristes vont donner une liberté d’interprétation de l’histoire et du visuel de leurs récits.
Par exemple, avec un roman, lorsqu’un auteur décrit une scène et son lieu, dépendamment de la précision des descriptions données, le lecteur va pouvoir visualiser à sa manière les décors et le style des personnages. Si on demande de faire une représentation d’une scène écrite à deux personnes, encore une fois, selon le niveau de détails donnés, les deux dessins seront plus ou moins différent. Alors que du côté de la BD, tout est bien définit, ou en partie.
Ce qui peut caractériser la BD, selon moi, c’est ce qu’il se passe entre deux cases. Ce sont ces moments qui sont libres d’interprétations pour les lecteurs. Dans un roman, si un auteur décrit un groupe de brigands découvrant une immense grotte remplie de pièces d’or, encore une fois, selon les détails donnés à la scène, l’auteur va pouvoir partager plus ou moins précisément l’émotion des personnages, mais aussi les mouvements qu’ils ont jusqu’à une première montagne d’or. Alors que dans une BD, une première case pourrait proposer la réaction des brigands lorsqu’ils entrent dans la grotte, une deuxième pourrait montrer l’immensité du trésor et, la troisième, les brigands plongeant dans leur butin. Mais qu’est-ce qui s’est passé exactement entre le moment où les brigands sont à l’entrée de la grotte et le moment où ils nagent dans l’or? Je crois que ça fait partie de l’un des plaisirs de la BD de pouvoir avoir ces moments d’interprétations libres, là où l’animation ou des prises de vues réelles ne peuvent pas aussi bien le proposer au vue du rythme. Tous les plans s’enchainent si rapidement que la seule option pour se faire une idée de ce qui s’est réellement produit entre la case une et la case trois, s’est de le montrer. Autrement, le spectateur n’aura jamais le temps de se l’imaginer lui-même.
Donc voilà, comme dit, ce n’est pas une notion qui traite explicitement des aspects graphiques propre à la BD, mais plutôt de comment il est traité.
Alors, les différences sont principalement au niveau des genres et manières de représenter en vérité.
Le terme roman graphique déjà a plusieurs significations. D’après quelques universitaires, ce serait le regroupement de toutes les formes nommées plus haut. Pour d’autres, c’est un genre à part entière qui regroupe ce qui est à la limite de la BD et de l’histoire illustrée, donc de la narration + des bulles, puisque la bande dessinée n’admet normalement pas de narration (ou genre une ou deux lignes pour poser le contexte), mais aussi tout ce qui est « BD sans texte », parce qu’il y en a pas mal aussi. D’autres parlent aussi de BD pour les adultes, plus sombre et sérieuse que ce qu’on trouve en BD franco-belge.
Déjà, une bande dessinée a une présentation le plus souvent sous forme de gaufriers (aka les cases), mais pas toujours, avec des bulles (ce qui le sépare de l’histoire illustrée comme on en trouvait avant, même si aujourd’hui il y a énormément de formats hybrides), et c’est à peu près les deux pré-requis. Comme pour le roman, aujourd’hui, on a un grand problème de classification avec des textes qui mélangent tous les genres et donc, pauvres français coincés avec nos normes du XIXe siècle que nous sommes, on ne s’en sort plus xD Le fait qu’il y ait très peu d’universitaires spécialistes en BD et que la plupart de ceux qui existent on plus de 50 ans n’aide pas non plus.
Pour ce qui est des genres majeurs de BD :
BD franco-belge : ce sont tous les classiques en général. Tintin, Boule et Bill, Astérix, ect. Il y a deux courants majeurs en général : l’humour et le policier. Ils sont en général très classiques dans leur présentation, avec des cases fixes qui ne se mélangent pas et les textes écrits de manière cheloue qu’on retrouve d’un album à l’autre.
Comics : C’est la forme américaine. Elle est basée sur l’action, et contrairement à la BD franco-belge, elle met le max sur la violence, représente des cadavres, des morts violentes, des gens qui se frappent. En général, on les suit plus pour la baston que pour l’histoire. C’est tout ce qui est super-héros, aventure, science-fiction et fantasy. C’est même tellement violent que plusieurs ont été interdits en France à leur époque, genre Tarzan. Les plus populaires sont aujourd’hui chez Marvel et DC Comics, The Walking Dead, mais il y a aussi des pépites moins connues comme Fables, que je recommande à fond parce que le worldbuilding y est incroyable.
Manga : Alors là je ne m’y connais pas beaucoup parce que je n’en lis pas. Ils se lisent à l’envers et sont divisés en sous-catégories selon s’ils sont plus pour les filles ou les garçons, plus romance ou aventure, plus soft ou plus érotique, plus violent ou carrément gore… C’est super intéressant. Il faut savoir qu’il existe des mangas pour la plupart des romans classiques français et c’est super bien foutu.
Webtoon : Des BD courtes de 3 à 6 cases en moyenne et adaptés aux réseaux sociaux, avec des codes typés pop culture très, très forts. C’est en général typé humour et tranche de vie. Ce sont les descendants des petites BD courtes qu’on trouvait (et trouve encore dans de rares cas) dans les journaux.
Histoire illustrée : C’est à la limite de l’album et de la BD. C’est une histoire avec de la narration mais disposée en gaufrier, sans bulles.
Light novel : C’est à la limite du roman et de la BD, ça mélange des morceaux de romans courts et des morceaux de BD courts (le plus souvent en style manga).
Roman graphique : Littéralement tout ce qui ne rentre pas au dessus parce qu’on ne sait pas classer ahah.
Alors je n’avais jamais entendu ça. Et du peu que j’ai survolé des light novels, ça n’est que du texte…
J’aimerais bien voir quels titres font des mélanges de planches type manga et passages type roman.
J’ajouterai aussi une certaine mise-en-scènes, certains plans ou postures de personnages qui sont assez caractéristiques. Du moins pour un certain style de BD, en tout cas. Je pense à celles qui sont les plus dynamiques (comics et mangas, par exemple) et où le but est de donner une impression de mouvement, de rythme a travers un dessin fixe : pauses exagérées des personnages , angles de vues improbables, variations dans la taille, la forme et l’emplacement des cases… Ou au contraire pour ralentir le rythme (et gagner du temps, on sait que les dessinateurs de BD sont des feignasse), la même image fixe reprise plusieurs fois d’affilées avec un blanc ou des textes différents , pour donner l’impression d’un moment qui dure.
Tellement de choses à dire sur ce sujet… Le choix support, des outils, du style, la composition des couleurs, la construction, etc… qui va rendre l’objet unique et pourtant proche du cinéma, sur la perspective, le mouvement caméra, plan.
On a plus ou moins les mêmes étapes de construction :
Idée, inspiration, recherche, annotation, etc… Synopsys, élaboration des personnages…
Le scénario. On écrira pas de la même façon, que l’on écrit un roman. Pas besoin de s’attarder autant, car c’est le visuel qui va parler.
Story-board : Mise en scène, dialogues… La mise en scène : Découpage (case, plan, action, description, dialogue), plan de planche Le son : Dialogues (forme de la bulle, sens du dialogue, typographie)
On ressort les vieux cours !
Voici quelques notions historiques sur la bande dessinés nommés différemment dans d’autres pays :
Comics et funnies : terme Anglo-saxon pour comiques et amusants, où le Comic book était un format particulier qui regroupait tout les strips dans un magazine, avant de généraliser la bande dessiné elle-même chez les américains.
Encore chez nos amis les anglo-saxons, ils ont crée le terme Graphic novel pour désigner les recueils plus épais que la normal dans les années 80. Généralement, la bande dessiné ne contient qu’une cinquantaine de page (voir moins), si ce n’est qu’il n’est divisé en quelques chapitres dans les comics et manga, mais si on regarde bien, un chapitre, contient autant de page qu’une BD franco-belge. Donc… le roman graphique, lui, il ne lésine absolument pas sur le contenu, il va encore plus approfondir son roman, mais de manière visuel.
Donc en soit la bande-dessiné est un médium, qui contient tous les supports suivants :
Franco-belge : Comme son nom l’indique, ça vient de la france-belgique, où l’on reste sur une mise en page très sobre, avec des cases qui ne partent pas dans tous les sens, où l’on garde des formats très standards. Et au niveau de la colorisation, on reste majoritairement sur de l’aquarelle.
Comics : le terme américains, mais on commence déjà à sortir des sentier battus sur la mise en page et on commence également à travailler en technique mixte. Je pense notamment à Batman : Arkham Asylum, qui mixte entre peinture, photographie et collage.
Manga : qui se traduit par images dérisoires tout simplement. Là encore on peut noté des petites différences, car tout est dans l’encrage, pas de mise en couleur (ou rarement, car le coût de l’impression hein…) et la construction des planches et des cases est encore différentes des deux précédentes.
Manhua : bande dessinée chinoise, où de base, il n’y avait qu’une illustration/image par page, accompagné de récitatif et parfois de phylactères.
Manwa : bande dessiné coréenne, là encore on peut détonné un style particulier en terme de design et colorisation.
Tegneserie : Terme scandinave pour désigné la BD, traduit comme série de dessins
Et récemment en France, nous avons eu la joie de connaître le Webtoon, bande dessiné en ligne, où la mise en page est fait uniquement sur une unique page, le but étant de scroller jusqu’en bas. Une mise en page, majoritairement plus basique, peut-être moins travailler chez les amateurs et on utilise essentiellement le Digital Painting, car beaucoup plus intuitif et rapide pour ce support.
On notera également les différences de support d’impression, au niveau des couvertures, du papier, de la charte graphique, du style d’illustration, encore de la mise en page. Là aussi, selon les pays, le genre, il y a des codes bien spécifiques ^^
Je ne savais pas où poster ça, il me semble que c’est le moins mauvais coin.
Au festival de la BD d’Amiens, les étudiants de diverses formations artistiques étaient exposés et parmi les oeuvres je suis tombée sur cette histoire en trois planches que je trouve très mignonne.
Sauf erreur de ma part c’est le travail d’une étudiante de l’École supérieure d’art et de design d’Amiens (Waide Somme).
Tout est une question de perception, n’est-ce pas ? C’est comme avec les enfants finalement. Nous on voit un truc habituel, eux tout à fait autre chose …
C’est joliment fait, en effet
Pour moi « Roman graphique » est un terme orgueilleux pour ne pas dire « BD » (same pour Graphic novel au lieu de Comics)
C’est pour dire « regardez ce n’est pas un livre d’image pour enfants, c’est une oeuvre sérieuse pour grands ».
C’est du pur marketing, pour moi les gens qui disent roman graphique ont honte de lire de la bande dessinée, simplement.
Qu’est ce qui rend la BD unique?
Déjà je dirai comme d’autres l’ont dit que BD, Comics, Manga, etc. C’est pareil. Les styles, les origines diffèrent, mais ça vaudra aussi pour le cinéma et le roman. On ne dit pas « romanga » pour les romans de Murakami ;p
Il y autant de différences entre Tintin et Dragon Ball qu’entre Tintin et La caste des Méta-barons. Et encore, j’ai pris un thème commun: action et humour (oui la Caste me fait bien marrer avec son faux tragédie grecque. Quoi, c’était pas fait pour faire rire? ^_^l) J’aurai pu comparer Gaston Lagaffe les premiers tomes, avec ses persos simples dont les pieds touchent le sol de la case, avec, heu, Thorgal.
Pour moi la BD est entre le livre et la vidéo.
Comme un livre on le lit seul dans son coin, sans déranger personne, on peut le stopper à tout moment (j’ai dit on PEUT. Souvent si vous me parlez quand je lis bd ou livre, il y a des chances que je ne vous entende pas), reprendre, relire un passage, passer du temps sur une image ou une phrase. (bien qu’on puisse faire pause en vidéo ou revenir en arrière, on ne le fait jamais pas plaisir, et la pause sur une vidéo n’est jamais belle, souvent floue et l’actrice-eur fait une tête de crétin)
Comme une vidéo on a devant nous les images, les personnages, leur intonations (grâces aux symboles et !? cités plus haut). On n’est pas là pour les imaginer, mais pour profiter de leur beauté (c’est pourquoi les BDs mal dessinées, c’est un NON pour moi. Autant regarder un film bien écrit mais très mal réalisé). On voit aussi l’action, le mouvement, que ce soit grâce à des traits de vitesse, ou simplement une bonne mise en scène.
J’en conclue même que les BDs animés qui ont été à la mode il y a quelques années ne pouvaient pas marcher, car elles avaient tous les défauts des livres ET de la vidéo: on ne peut pas les pauser ni en profiter, mais pour autant on a pas de son et animation de qualité.
J’aime bien ce sujet que j’ai lancé pour des raisons purement triviales et pratiques et qui s’épanouit néanmoins en un florilège de réponses sérieuses et impliquées.
J’ajoute que je n’aurai jamais osé ré-ouvrir un sujet vieux d’un an, j’ai donc profité de l’ouverture de Tracy
En passant, mon humoriste fétiche Frédérick Sigrist vient juste de dire exactement la même chose que moi sur le terme roman graphique ! Ah, qu’il a bien raison