Bonjour ou bonsoir à tous,
J’ai eu l’idée de ce sujet récemment, et j’ai pas mal hésité avant de le faire, parce que je ne suis pas du tout un professionnel de la littérature ou du cinéma. Quand je parle de professionnel, je ne pense pas forcément au métier mais plutôt aux compétences que je n’ai pas. Bien que je ne me sente pas forcément légitime pour vous donner des conseils (on en revient d’ailleurs un petit peu au manque de confiance en soi), je me lance vers l’inconnu en inaugurant ce sujet (en tout cas, je n’ai pas souvenir d’avoir vu ce sujet là quelque part) et en étoffant cette nouvelle sous-catégorie du forum.
Tout d’abord, à quoi est-ce que je pense lorsque je parle de « phrase choc », de « phrase fétiche » ou de « réplique culte »?
Au départ, je n’avais pas vraiment de nom pour décrire ce à quoi je pensais. Et puis, en cherchant un peu (Wikipédia est ton ami), j’ai découvert des qualifications adéquats pour enfin poser un nom sur ce procédé.
A l’origine, j’ai eu cette idée de sujet lorsque j’ai découvert il y a très peu de temps le jeu Bendy and the Ink Machine, dont je n’avais pas entendu parler jusque-là. C’est sans aucun doute en regardant des vidéos de Cuphead que l’algorithme Youtube m’a redirigé vers cet autre jeu, qui partage en effet avec lui bon nombre de similitudes. Je ne vais pas trop m’éterniser dessus, car je compte en faire une description un peu plus poussée dans un sujet annexe, lorsque je commencerais à écrire une fanfiction dessus (une fanfic qui sera normalement un crossover avec Cuphead, justement, mais je m’égare).
Dans ce jeu, vous incarnez Henri, un ancien dessinateur à la retraite qui revient dans l’ancien studio de dessin animé dans lequel il travaillait, sur l’invitation de son ancien patron et ami. Mais autant dire que l’heure ne sera pas aux retrouvailles joyeuses, ou en tout cas pas comme il l’imaginait. Au cours de l’aventure, vous trouverez plusieurs journaux audio, enregistrés par différents personnages, croisés ou non au cours de notre périple. Et justement, l’un d’entre eux a une certaine particularité. L’ancien concierge, Wally Franks, a, en plus d’un accent particulier dont je ne connais pas l’origine, une phrase qu’il s’amuse à insérer à la fin de chacun de ses journaux : « I’m outta here ! », que l’on pourrait traduire par « J’me tire ! ».
Et c’est bien cela que je veux rapidement évoquer ici. Ce genre de petites phrases qui permettent de reconnaître un personnage instantanément et qui donnent le sourire lorsqu’elles sont enfin prononcées par ce dernier. Car justement, le fait pour le lecteur, le joueur ou le spectateur d’apprendre à connaître ce genre de phrases apporte une certaine satisfaction, tout en permettant de créer un certain lien entre ce lecteur/joueur/spectateur et le personnage en question. Le personnage devient immédiatement reconnaissable.
Selon Wikipédia, ce genre de phrases qui a plusieurs noms est défini comme tel: " Une phrase fétiche (ou phrase culte , ou phrase d’accroche dans le langage médiatique, en anglais catchphrase ) est une phrase ou expression reconnue par son caractère pittoresque et par son énonciation répétée. Certaines phrases fétiches deviennent la « marque de fabrique » d’un individu ou d’un personnage. Les répliques culte constituent un cas particulier, étant associées à des œuvres de fiction au cinéma ou à la télévision."
Ainsi, on retrouve de nombreux exemples de répliques culte au cinéma: que ce soit des expressions bien attitrées aux personnages comme le « Nom de Zeus ! » de Doc dans Retour vers le futur, une punchline percutante comme « Je suis trop vieux pour ces ■■■■■■■■■ » dans « L’Arme fatale ».
Cependant, il est un travers dans lequel un auteur, un cinéaste ou un développeur peut facilement tomber, c’est celui de la réplique culte à outrance. Bien-sûr, la réplique doit marquer les esprits (c’est d’ailleurs pour cela qu’on la qualifie de culte, finalement), et cela passe parfois (très souvent, à vrai dire) par la répétition. Mais cette répétition doit avoir un sens, selon moi. Cette répétition peut d’ailleurs servir de foreshadowing, ou préfiguration, un sujet dont je compte bien parler dans la catégorie Savoir-faire.
Pour en revenir au sens que porte cette répétition de réplique, prenons l’exemple de Terminator (le un et le deux, principalement, puis le 6 pour montrer un contre-exemple). Dans le premier Terminator de 1984… bon, ai-je vraiment besoin de faire un pitch du film? Rapidement, Terminator raconte l’histoire de Sarah Connor, une jeune femme des années 80 habitant à Los Angeles, qui va se retrouver embarquer dans une course-poursuite contre un cyborg venu du futur qui a pour mission de l’éliminer. Heureusement pour elle, Kyle Reese, un humain envoyé du futur, lui aussi, va avoir pour mission de la protéger.
Pour en revenir à l’exemple, dans le premier Terminator de 1984, Kyle Reese, dans un geste héroïque, réussi à sauver Sarah des griffes du T800, avec l’aide de son fusil à pompe. Afin de motiver Sarah, il balance alors une des répliques les plus culte de la saga « Come with me if you want to live », ou « Viens avec moi si tu veux vivre ». Une phrase qui sera étrangement réutilisée quelques années plus tard par un autre T800 venant cette fois à la rescousse de John et Sarah Connor.
L’intérêt de la réutilisation de cette phrase est multiple: la phrase colle parfaitement à la situation, puisque la scène dans laquelle elle est prononcée se déroule dans un hôpital psychiatrique, alors que le terrifiant T1000 se rapproche dangereusement des protagonistes, tandis que Sarah reste pétrifiée à la vue de son ancien agresseur. Ensuite, la phrase est un clin d’œil de James Cameron à la réplique du premier film, ce qui permet d’assurer un certaine continuité entre les deux, bien que la phrase ne soit plus prononcée par le même personnage. Enfin, le spectateur qui a déjà vu le premier film comprend que cette phrase prend tout son sens: c’est la première réplique prononcée par Kyle Reese à l’encontre de Sarah et c’est exactement la même chose pour le T800. Il est alors évident que cette phrase produit un certain effet sur Sarah, une réplique qui va la faire réagir, de la même manière qu’elle a réagi dans le premier film.
Cependant, dans le 6ème film de la saga (qui aurait dû rester une duologie, à mon sens), Sarah Connor, qui vient de sauver Dani, prononce cette phrase alors qu’elle a renversé le Rev-9 par dessus la rambarde d’une autoroute, au moment même où elle jette une grenade dans sa direction, dans un pur moment de badassitude. Le problème, c’est que le sens s’en trouve largement altéré, selon moi, déjà à cause du poids des années et des nombreux films de la saga qui ont déjà réutilisé cette réplique jusqu’à le transformer en poncif, mais aussi et surtout à cause du fait qu’il n’y aucun lien entre Dani et cette réplique: elle ne l’a jamais entendu, contrairement à Sarah.
De même, la réplique « Hasta la vista, baby » est aussi lourde de sens: il s’agit de l’une des répliques que le jeune John Connor apprend au T800 chargé de le protéger lorsqu’ils sont sur la route. A la fin du film, le T1000 semble vaincu. Aspergé d’azote liquide, il tombe en morceaux. C’est alors que le T800 se lève et prononce enfin cette réplique, tandis qu’il achève le T1000 en lui tirant une ultime balle dans le corps (avant que ce dernier ne se régénère, mais ça, c’est une autre histoire). Le spectateur comprend alors que le T800, qu’il a vu débarquer, au début du film n’est plus le même qu’à la fin. Comme il le dit lui-même, il a la capacité d’apprendre au contact des humains. Et c’est exactement ce qu’il a fait au contact de John. Cette réplique, c’est en quelque sorte un aboutissement dans leur relation et dans la constitution de la personnalité du T800.
C’est là aussi tout l’intérêt de placer la réplique plus tôt dans le film, afin de l’intégrer dans l’esprit du spectateur. Pas besoin de la répéter mille et une fois ("Hasta la vista, baby n’est prononcée que deux fois dans le film), il vaut mieux que cette réplique soit connue du spectateur, du lecteur ou du joueur pour que son effet sur lui soit décuplé. Encore une fois, cette question de la réplique en amont est aussi étroitement liée au foreshadowing et au fusil de Tchekhov. En revanche, il ne suffit pas de savoir où placer sa réplique en amont, il faut savoir la replacer en aval, pour qu’elle réapparaisse au moment le plus opportun dans l’histoire. En l’occurrence, dans Terminator 2, cette réplique refait surface lors du climax du film, ce qui peut constituer un moment vraiment opportun, surtout dans un film d’action, où la punchline a une grande importance.
Depuis, le début, j’ai parlé de répliques qui se retrouvent plusieurs fois dans un même film ou dans une saga. Mais la réplique peut aussi devenir une sorte de gimmick, lié à un acteur en particulier (comme « I’ll be back » l’est devenu pour Schwarzenegger) ou à un auteur. Vous aussi, vous avez peut-être déjà des gimmick que vous réutilisez au fil de vos œuvres, et c’est très bien. Sinon, il serait peut-être temps de considérer la chose. Mais il est important de ne pas non plus l’utiliser à mauvais escient, à tort et à travers, au risque que le lecteur découvre la supercherie.
Et qui sait, peut-être qu’un jour, votre réplique deviendra un meme ?
Pour ma part, je crois que c’est tout ce que j’avais à dire, mais n’hésitez pas, vous aussi, à apporter votre pierre à l’édifice.