Incipits

Je ne peux pas résister… Non, je ne peux pas. :innocent: Ca sonnait trop comme un défi… Pour comprendre, vous pouvez allez lire le très intéressant débat sur les phrases choc, ici. J’extrais la citation qui me concerne :
« Les phrases initiales dans les romans : ce sont les « incipits ».
Elles peuvent être choc. Elles peuvent marquer. Mais… je ne suis pas sûre que beaucoup puissent citer spontanément ne serait-ce que trois incipits de roman. :stuck_out_tongue: (non pas toi Allie). »

Ben si, moi, justement, parce que ce sujet n’a jamais été créé ! Et que j’adore citer des tas trucs qui ne servent à rien !!! :roll_eyes:

Donc, un petit tour des incipits « classiques » français :

  • « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » (Albert Camus, L’étranger)
  • « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » (Marcel Proust, Du côté de chez Swann)
  • « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » (Louis Aragon, Aurélien) - mon préféré.
  • « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. » (Gustave Flaubert, Salammbô)
  • « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » (Paul Nizan, Aden Arabie) - là, l’incipit est plus connu que le roman…
  • « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. » (Jean-Jacques Rousseau, Les confessions) - à part ça, pas du tout prétentieux.
  • « Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids ! » (Victor Hugo, Le dernier jour d’un condamné)

Une petite sélection étrangère que j’aime bien :

  • « Dans un trou vivait un hobbit. » (J.R.R. Tolkien, Bilbo le Hobbit)
  • « C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l’une ou l’autre de leurs filles. » (Jane Austen, Orgueil et préjugés") - méga la classe !
  • « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. » (Léon Tolstoï, Anna Karénine)
  • « Le plaisir d’incendier ! Quel plaisir extraordinaire c’était de voir les choses se faire dévorer, de les voir noircir et se transformer. » (Ray Bradbury, Fahrenheit 451)

Et mes préférés :

  • « Je m’appelle Ismaël. Mettons. » (Hermann Melville, Moby Dick)
  • « Cette lettre, mon amie, sera très longue. Je n’aime pas beaucoup écrire. J’ai lu souvent que les paroles trahissent la pensée, mais il me semble que les paroles écrites la trahissent encore davantage. » (Marguerite Yourcenar, Alexis ou le traité du vain combat)
  • « Le matin où ce fut au tour de la dernière des filles Lisbon de se suicider - c’était Mary cette fois-là, et les somnifères, comme Thérèse -, les deux infirmiers arrivèrent à la maison en sachant exactement où étaient le tiroir des couteaux, et le four à gaz, et la poutre dans la cave où on pouvait attacher une corde. » (Jeffrey Eugenides, Virgin suicides)
  • « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe. D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? » (Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître)
  • « Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace. » (Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude)
  • « Les jeunes gens arrivèrent de bonne heure pour voir la pendaison. » (Ken Follett, Les piliers de la terre)
  • « Quand la mère du poète se demandait où le poète avait été ■■■çu, trois possibilités seulement entraient en ligne de compte: une nuit sur le banc d’un square, un après-midi dans l’appartement d’un copain du père du poète, ou un matin dans un coin romantique des environs de Prague. » (Milan Kundera, La vie est ailleurs)
  • « Car j’ai vu trop souvent la pitié s’égarer. » (Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle)

Pardon pour la longueur du message, je me suis un peu laissé emporter… :sweat_smile: Et vous ? Y a-t-il des débuts de romans qui vous ont marqué(e)s ? Y en a-t-il, parmi ceux que j’ai cités, qui vous donnent envie de lire la suite ?

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Et bien, pour le coup, il y en a quelques uns… Je vais le faire de tête pour certains. Il se peut donc que ce soit des débuts de chapitres et pas des incipits de romans entiers. En tout cas, les voici (c’est surtout de la SF ^^):

  • « Il pleut sur la ville comme un saule pleure sur une tombe » (Catherine Dufour, Le Goût de l’immortalité)
  • « Lenson Ornill s’en rendrait compte des années plus tard, c’était un comble que sa carrière religieuse ait commencé et se soit terminée sur le même mot, et pas n’importe lequel. « ■■■■■, alors ! » » (John Scalzi, Les Flammes de l’Empire, cycle de l’Interdépendance)
  • « Manéo Jung-Espinoza - Néo pour ses amis de la station Cérès - était recroquevillé dans le cockpit du petit appareil qu’il avait baptisé le Y Qué. Après un voyage de presque trois mois, il restait peut-être cinquante heures avant qu’il entre dans l’histoire » (James S.A. Corey, La Porte d’Abadon du cycle The Expanse)
  • « Ma mère rendit son dernier soupir en même temps que l’Ancienne Terre. » (Dan Simmons, Hypérion du cycle des Cantos d’Hypérion, une très bonne série !)

Et, comme je l’ai indiqué dans le sujet épinglé par @Alresha , les incipits ont tout de même leur importance pour accrocher l’attention du lecteur !

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J’aime particulièrement celui-ci !!!

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Dans ce cas, je te conseille particulièrement la lecture de ce roman SF français qui a gagné le Grand Prix de l’Imaginaire ! Il vaut le coup d’œil et le style de l’auteure est vraiment remarquable !

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Je déterre pour rajouter un nouvel incipit à la liste :

« L’étrange voyage ! Il avait si bien commencé cependant ! » (Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur par Maurice Leblanc.)

Il y a, dans cet incipit, un peu quelque chose du suspense. Non seulement on apprend dès le début que le voyage est étrange, mais en plus qu’il avait bien commencé, ce qui laisse suggérer que quelque chose a mal tourné… et on ne peut s’empêcher de nourrir une curieuse anxiété et de vouloir savoir ce qui s’est passé.

Tous ces incipits sont si intéressants ! Celui de Camus m’aura le plus marqué, je le connaissais déjà, mais j’en aime beaucoup d’autres, comme celui de Nizan, de Hugo ou de Tolkien !

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Excellent ce sujet !
Ça me donne envie de rouvrir la première page de tous mes bouquins pour vérifier :rofl:

Le premier qui me vient à l’esprit, c’est celui de Madame Bovary:
« Nous étions à l’étude, quand le proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. »
Pas qu’il soit si mémorable en soit, mais le prof de français nous l’a tellement martelé que 20 ans plus tard, c’est encore gravé dans ma mémoire…

Et en deuxième, c’est effectivement celui-ci, qui pour le coup est d’une efficacité redoutable. Il est également assez vicieux parce qu’il nous pousse à juger d’entrée le protagoniste négativement, avant de passer le reste du roman à essayer de comprendre comment il fonctionne.

Alors que là, on juge le Jean-Jacques négativement d’entrée, mais ça devient de pire en pire au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture.

Résumé

Parce que oui Jean-Jacques, ce ne sont pas des confessions, tu passes ton temps à chercher des excuses alors que t’es juste un enfoiré, et c’est super irritant. Si tu n’étais pas déjà mort, je te ferais bouffer ton bouquin."

J’ai été traumatisé par ce livre, et encore, je n’ai eu à subir que son enfance :sweat_smile:

Hypérion :heart_eyes:

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Si tu as passé le bac de français en 1999 sur les 6 premiers livres de Rousseau, je te dis : bravo pour avoir survécu ! Et si c’était dans un autre contexte, encore bravo… J’ai eu le même ressenti à la lecture, et j’en veux encore à ma prof d’avoir passé 6 mois sur ce fichu bouquin et 3 mois sur les deux autres (Hugo et Giraudoux)… Mais je m’éloigne du sujet, désolée.

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Je n’avais que 10 ans en 1999, je lisais Alexandre Dumas et Jules Verne, et faisait encore preuve d’un enthousiasme candide à chaque fois que j’ouvrais un nouveau livre :smiling_face:

Mais j’ai quand même eu droit aux Confessions de Rousseau en 1ère. Je ne sais plus si c’était jusqu’au livre IV, ou jusqu’au VI, mais dans tous les cas, je l’ai vécu comme une purge. Mais il faut lui reconnaître un incipit qui annonçait la couleur :sweat_smile:

Pour en revenir au sujet du topic, je viens d’en retrouver un qui vend du rêve:

  • « Sur le revers d’une de ces collines décharnées qui bossuent les Landes, entre Dax et Mont-de-Marsan, s’élevait, sous le règne de Louis XIII, une de ces gentilhommières si communes en Gascogne, et que les villageois décorent du nom de château. » (Théophile Gautier, Le Capitaine Fracasse)

Suivi d’une longue description qui explore en profondeur le champ lexical du délabrement :slightly_smiling_face:

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Excellent choix !!! Et pour parler d’un roman de Dumas pas très connu, voici l’incipit d’Isaac Laquedem :
« Que le lecteur se transporte avec nous à trois lieues au delà de Rome, à l’extrémité de la via Appia, au bas de la descente d’Albano, à l’endroit même où la voie antique, vieille de deux mille ans, s’embranche avec une route moderne âgée seulement de deux siècles, laquelle contourne les tombeaux, et, les laissant à sa gauche, va aboutir à la porte de Saint-Jean de Latran. »
(Oui j’aime quand l’auteur interpelle le lecteur dès la première ligne. Dumas est le champion pour ça.)

Je le donne à étudier à mes élèves, ils me disent un truc du style « ah lui il se prend pas pour n’importe qui » et ensuite on passe à autre chose. A chaque fois que je donne le Préambule de Neuchâtel en 3ème, je me dis « vous ne savez pas la chance que vous avez d’arrêter là votre lecture, mes petits amis… » :roll_eyes: !

J’avais adoré Le Capitaine Fracasse mais il est vrai que question description, Théo a tendance à en rajouter et en rajouter et en rajouter encore…

Incipit du dernier roman (magnifique et terrible) que j’ai lu - Le quatrième mur de Sorj Chalandon : « Je suis tombé. Je me suis relevé. Je suis entré dans le garage, titubant entre les gravats. Les flammes, la fumée, la poussière, je recrachais le plâtre qui me brûlait la gorge. »

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Alors, je connaissais « Dans un trou vivait un hobbit », bizarrement alors que je n’ai jamais lu le livre. :sweat_smile: Je connaissais évidemment celui d’Orgueil et Préjugés, même si je n’aurais pas été capable de le citer de mémoire.
Mais le seul incipit qui me vient spontanément à l’esprit c’est celui de l’Odyssée :
« Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif :
celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra »
(Je connaissais surtout la version courte proposée dans O’'Brother VOSTFR des Frères Coen :
« O Muse, conte-moi l’aventure de celui qui pendant des années erra. » )

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Et, pour compléter avec Homère, j’ai l’incipit de l’Iliade en tête.
« Chante, ô Muse, le ressentiment d’Achille, fils de Pélée, ressentiment funeste qui causa tant de malheurs aux Achéens, qui précipita dans les enfers les âmes courageuses de tant de héros, et fit de leurs corps la proie des chiens et des vautours, (ainsi s’accomplit la volonté de Jupiter) lorsque pour la première fois se divisèrent, par une querelle, Agamemnon, roi des hommes, et le divin Achille. » Chant I

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Ah l’incipit de l’étranger ! Mémorable ! Sans doute l’une des seules lectures imposées que j’ai appréciée de toute ma scolarité.

J’en ai un à partager également, bien qu’il vienne d’une nouvelle et non d’un roman.

Ah, Bilgewater. Dans ses meilleurs moments, ce n’est qu’un immonde cloaque puant abritant meurtres et vols… Quel bonheur d’être de retour chez soi.

Anthony Reynolds, La Couronne abyssale

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Je ne me rappelais plus l’incipit de 100 ans de solitude mais rien que de relire la phrase me donne envie de me refaire le bouquin ^^’

Et oui, les amorces de l’étranger et d’Anna Karénine sont inoubliables.

Pareil :rofl:

De mémoire, les incipits m’ayant vraiment marquée (outre l’étranger qui est un must… même si c’est surtout l’excipit qui m’avait bouleversée : les derniers paragraphes donnent des frissons), il n’y en a pas tant que ça que j’arrive à citer spontanément.

« - L’imagination ce n’est pas le mensonge !
Crastaing hurlait ça sans élever la voix. »
Messieurs les Enfants - Daniel Pennac

« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. »
Le Mythe de Sishyphe - Albert Camus

Et (même si c’est plus une introduction qu’un incipit):
« Cette histoire est contée par un idiot. Elle est pleine d’un bruit et d’une fureur qui ne signifient rien. »
Macbeth - William Shakespeare

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Parce que je viens d’arriver sur ce topic et que c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit en lisant tout ça, voici, Celui qui chuchotait dans les ténèbres
(que j’ai recherché et copiée-collée d’internet pour cause d’avoir fourgué le livre à pétaouchnok XD)

« Gardez bien présent à l’esprit que je ne vis à la fin aucune horreur se commettre sous mes yeux. »

En une phrase, une seule, nous avons toute l’horreur littéraire dont est capable le maître incontesté Howard Phillip Lovecraft.
Avec la version d’origine, par pur respect.

« Bear in mind closely that I did not see any actual visual horror at the end. »


Aussi, parce que même si le sujet ne demande que des débuts et non des fins d’œuvres littéraires c’est pour moi un exemple parfait de boucle scénaristique, les derniers mots sous spoilers (et en anglais, pour garder un peu de suspense) de ce même récit : car c’est pour moi la quintessence de l’angoisse horrifique du suspense ; pour parler de ma propre expérience de lecture, je me doutais, je savais presque exactement ce que Albert N. Wilmarth allait nous décrire par la plume de Lovecraft, mais la stupeur terrifiante est restée la même au moment où les yeux se sont enfin posés sur la dernière, sur cette dernière ligne du texte :

Résumé

« For the things in the chair, perfect to the last, subtle detail of microscopic resemblance—or identity—were the face and hands of Henry Wentworth Akeley. »

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Dormez bien ! XD XD XD

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