Proposition d'analyse de style

Wouhou, merci pour cette super-analyse !!! Malgré l’extrait que j’ai servi, j’en ris toute seule tellement je suis ravie ! :grin: L’effet c’était vraiment faire ressentir l’ambiance au lecteur sans qu’il soit « contaminé » par le ressenti de Rae, on peut dire mission accomplie du coup ?^^

Raaaaah, je les avais chassées pourtant ! :sob: go retourner leur courir après, alors !

Oh ? Tu pourrais m’expliquer comment remédier à ça ? ça m’intéresse, surtout si je peux amplifier le ressenti du passage !

Déformation professionnelle, désolée :sweat_smile: je le remplacerai du coup ^^

Encore merci pour cette analyse génialissime, j’ai vraiment adoré la façon dont tu l’as faite ! C’est carrément enrichissant !

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Bravo et merci à @Alresha pour ces analyses qui nous enrichissent tous.
Car ce n’est pas tout d’identifier ce qu’un texte fait naître en nous - ou manque à faire éclore - encore faut-il savoir en démonter les mécanismes.

Je me lance en fin de vacances - pardon pour cela - mais avec un très court passage :

Le Terrier bourdonnait comme un vieil alambic. Un âtre rustique et patient rougeoyait sous sa bonbonne ventrue, tandis que, dans ses étages biscornus, fusaient et tourbillonnaient les esprits vifs et limpides de ses habitants. La maison ronronnait à feu doux lorsque la tribu endormie rêvait sous ses chaumes. Le foyer chantait sa douce et joyeuse ébullition dans la salle commune lorsque le clan s’y réunissait. Le vénérable logis, cornue pansue aux multiples becs, crachotait et toussotait par toutes ses cheminées lorsque survenait quelque dispute familiale, mais en tout temps la maisonnée distillait à chacun, même de passage, l’affection des Weasley qui vivaient ou avaient vécu là.

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Allez ça m’intrigue donc malgré le stress, je me lance avec ce début de fanfiction :

L’humidité s’infiltrait sous les énormes plaques blanches qui recouvraient le sol. Les multiples gouttes d’eau venaient frapper la surface dure et réfléchissante, finissant ainsi leur chute vertigineuse. Des chaussures d’homme, dont la légère gravure attestait de son prestige, firent trembler la surface d’eau claire, éclaboussant son pantalon. Un bref claquement de langue fut l’unique réaction de la silhouette encapuchonnée qui continua d’avancer droit devant lui. L’inconnu fit encore quelques pas sous les lampadaires, puis entra dans un des nombreux gratte-ciels, qui habillaient les alentours. Un petit bruit de clochettes se fit entendre, des pleurs inhabituels de bambins l’accueillir et une jeune femme, en tailleur vert, s’avança jusqu’à lui.

« Bonjour, Monsieur de La Vega. Je vous remercie de votre ponctualité. Je vous prie de me suivre. »

Elle claqua des doigts et une seconde femme, portant le même tailleur mais cette fois-ci de couleur jaune, accourut pour débarrasser le visiteur de sa veste. Suivant docilement la demoiselle qui avait déjà tourné les talons, il jeta un rapide coup d’œil derrière lui et, par la grande baie vitrée, vit un éclair zébrer le ciel couvert de nuages noirs. Ils arrivèrent devant une porte vitrée sur la moitié supérieure et la main basanée de sa guide toqua trois fois. Aussitôt, la porte s’ouvrit et une voix forte l’autorisa à entrer. Il fut à peine dans la pièce que la porte claqua derrière lui. Il avala péniblement sa salive face à la froideur de l’accueil. On ne l’avait jamais reçu de la sorte. Un silence froid régnait dans le bureau.

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Wow, et moi qui redoutais de me retrouver très rapidement sans emploi sur ce post… :sweat_smile:

Je suis super contente que ça vous plaise ! Cependant, comme je l’ai dit, je rentre dans une phrase de travail plus active, ce qui signifie à la fois « passer plus de temps sur l’ordi » (et donc devoir diminuer mon temps « écran-plaisir » pour cause de migraines ophtalmiques) et « être moins disponible »… :disappointed_relieved:

Dans l’ordre, je vais :

  1. Répondre à @Fahliilyol et à sa question sur la comparaison et la métaphore (il me faut du temps pour l’expliquer, je suis en train de chercher des exemples et ça tombe bien parce que le texte suivant en propose un !)
  2. Faire la mini-analyse du texte de @ChiaraCadrich (qui tournera autour de la notion de « métaphore filée », très importante !)
  3. Faire la mini-analyse du texte de @LeslieGermStar
  4. … Si d’autres sont intéressé(e)s ?

… mais il est fort peu probable que je réussisse à faire tout ça dans la semaine, d’autant plus que j’ai des corrections de fics en retard (pardon !). Cela dit, merci pour vos textes ! Je le répète, j’adore faire ça et je suis super contente de voir que ça peut « servir ». En tant que prof, je doute fortement de l’utilité des commentaires composés (de là mon amour pour le collège, où on peut faire plein d’autre trucs créatifs beaucoup plus fun), mais là, ça prend tout son sens d’appliquer ces outils d’analyse à des textes écrits par des auteurs « vivants »… :sweat_smile:

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Prends ton temps, camarade ! Conserve d’abord ta santé et ton plaisir.
Merci à toi.

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D’accord avec Chiara, ta santé avant tout ! ^^ Et encore merci à toi pour ce que tu fais, c’est vraiment extra :grin:

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Ah ça oui. On a tout le matériel, mais au lieu d’obtenir de l’alcool, on a du filial Weasley Pur Malt 75 ans d’âge (minimum), les Wikis ne remontent qu’au grand-père Septimus.

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Je passe donc à mon point n°1 : la comparaison et la métaphore…

Oui, mission parfaitement accomplie ! :clap:

Euh… J’ai un peu de mal, mais je vais partir de la figure de style de base : la comparaison, c’est un créer un point commun entre deux choses à l’aide d’un outil de comparaison (comme, tel que, semblable, ressembler à…) ; ainsi, au début de ton texte, tu dis que les arbres surgissent du sol « tels d’antiques spectres » : c’est une comparaison. Dans la tête du lecteur, ça se traduit par « on dirait que les arbres sont des spectres ». Ça établit une certaine distance, on voit bien que c’est « seulement » l’impression du narrateur (ou du personnage). Au début de ton texte, cela sert à poser le décor, à instaurer une atmosphère oppressante, mais il y a toujours une petite prise de recul en raison de ces outils de comparaison (« comme une voix… » ; « comme une chape de plomb ») et c’est très bien comme ça.

Cependant, par la suite, tu continues à utiliser le même procédé alors qu’une métaphore (c’est-à-dire une comparaison sans outil de comparaison) permet d’établir une assimilation plus forte entre les deux termes (le comparant et le comparé) ; je donnerai quelques exemples de Victor Hugo (oui je sais, c’est pas le modèle le plus simple à suivre, mais ça donnera une bonne idée de ce que je veux dire et puis Hugo, c’est le roi de la métaphore) :

  • « Javert sérieux était un dogue ; lorsqu’il riait, c’était un tigre »

  • « Madeleine leva la tête, rencontra l’œil de faucon de Javert toujours attaché sur lui, et sourit tristement. »

  • « Elle avait pour tout domestique Cosette : une souris au service d’un éléphant. »

  • « Il avait pitié d’un crapaud, mais il écrasait une vipère. Or c’était dans un trou de vipères que son regard venait de plonger. »

  • « Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air de s’amuser beaucoup. C’était le moineau becquetant les chasseurs. »

  • « Il était troublé ; ce cerveau, si limpide dans sa cécité, avait perdu sa transparence ; il y avait un nuage dans ce cristal. »

  • « Certes, cela était étrange, que le chauffeur de l’ordre, que le mécanicien de l’autorité, puisse être désarçonné par un coup de lumière ! »

On voit que dans tous ces exemples, il n’y a PAS d’outil de comparaison.

Dans les deux premiers, Javert est non pas comparé, mais assimilé à un dogue (chien de garde = l’autorité), à un tigre (animal sauvage = férocité) et à un faucon, dont il a l’œil (vivacité, perspicacité, observation).

Il en est de même pour Cosette (la souris) au service de la Thénardier (l’éléphant) : cette toute petite fille est maltraitée par une énorme femme et le décalage entre les deux animaux fait d’autant plus ressortir ce contraste (et donc l’injustice de la situation), mais à aucun moment Hugo ne dit « Cosette ressemblait à une souris » ou « Mme Thénardier était semblable à un éléphant » : on a immédiatement la vision de la souris tremblant au pied de l’éléphant qui peut l’écraser…

Le crapaud et la vipère : Marius vient de se rendre compte que ses voisins projettent l’assassinat du père de la femme qu’il aime. Donc, des vipères qui s’apprêtent à mordre et que Marius va donc essayer d’arrêter – d’ « écraser ». Le « crapaud » (pas de comparaison avec un personnage, c’est une généralité) représente la laideur physique mais non morale, alors que la vipère est associée au venin et donc à l’assassinat.

Pour Gavroche, le procédé est le même que pour Cosette : Hugo ne dit pas « Gavroche semblait un moineau », il EST un moineau qui agace les chasseurs (les chasseurs = les soldats en face de lui qui lui tirent dessus).

Enfin, les deux derniers exemples concernent Javert : on a tout d’abord la métaphore du cerveau = cristal qui se trouble. S’ajoute à cela le double sens du mot « troublé » : sens psychologique (il ne sait plus où il en est) et sens physique (l’eau, ou ici le cristal, normalement transparent(e) est « trouble », on ne voit plus clair au travers). Puis il y a une deuxième métaphore, celle du conducteur de train (le titre du chapitre est « Javert déraillé ») : Javert est qualifié de « chauffeur de l’ordre », « mécanicien de l’autorité » (association d’un mot se référant au train et d’un mot se référant à la loi = Javert, inflexible, qui ne veut pas sortir de la loi, à aucun moment, et qui pourtant vient de le faire car il a eu une « illumination », celle de la bonté).

J’ai pris tous ces exemples pour montrer qu’à aucun moment Hugo ne compare deux termes : il fait comme si l’un était l’autre. Cosette est une souris, Javert est un dogue, les voisins de Marius sont des vipères, Gavroche est un moineau, etc, etc… L’image est ainsi beaucoup plus frappante et directe. Pour en revenir à ta description, on voit bien que la ville « ressemble à » une tombe, qu’on « dirait » une tombe, mais l’image est moins marquante que si on montre qu’elle EST une tombe. D’où mes remarques sur les comparaisons « L’absence de bruit leur donna le sentiment de s’être engagés à l’intérieur d’un tombeau », « L’intérieur des remparts ressemblait à un cimetière. » « des structures similaires à des tombes », qui, je trouve, rendent l’image moins percutante. Je ne sais pas si j’ai été claire, et il ne s’agit peut-être que d’un ressenti personnel. N’hésitez pas à me dire si vous pensez que je radote complètement !!! :sweat_smile:

Je reviendrai sur ce point dans le texte de @ChiaraCadrich car il s’agit d’une comparaison (1ère phrase : « comme ») qui continue ensuite en métaphore (pas d’outil de comparaison).

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D’accord, merci ! C’était bien clair, je pense avoir compris^^ reste plus qu’à l’appliquer, maintenant ^^

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tkt @Alresha, comme dirait ma fille ! on te le dira si tu radotes ! :stuck_out_tongue_winking_eye:

Je le comprends comme ça : la comparaison est plus lourde mais plus prudente.
L’impact plus intense de la métaphore repose sur le travail du lecteur qui superpose deux images, celles des objets comparés.
Si la métaphore choisie n’est pas immédiate, si la « mise au point » métaphorique est un peu difficile à réaliser pour notre œil interne, alors mieux vaut une comparaison, qui explicite ce qui doit être rapproché.

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Oui, c’est ainsi que je le ressens aussi. Mais ma conclusion est différente (parce que je n’aime pas trop les comparaison, je préfère les métaphores, plus immédiates et visuelles à mon sens)…

Une petite analyse (pas si petite que ça en fait :roll_eyes:) pour ce soir, étant donné que le texte donné n’est pas très long… mais riche en procédés littéraires ! :grin:

Le paragraphe commence par une comparaison : le Terrier est comparé (sonorement tout d’abord, puisqu’on a le verbe « bourdonner »), grâce à l’outil de comparaison « comme », à « un vieil alambic ». Pour les fans d’Harry Potter, vous comprendrez tout de suite le « bourdonnement » (l’agitation permanente du Terrier) et le mot « vieil » puisque la maison n’est pas toute première jeunesse. Reste l’alambic, l’élément central de la comparaison. Or un alambic est un appareil qui permet la distillation (c’est-à-dire la séparation de produits par chauffage puis refroidissement, je vous renvoie à l’article Wiki si ça vous intéresse). Moi, ça me fait immédiatement penser à deux notions : l’alchimie et la distillation de l’alcool. J’y reviens un peu plus tard.

La comparaison a lieu à la première ligne, et ensuite Chiara va « filer la métaphore ». Qu’est-ce qu’une métaphore « filée » ? C’est tout simplement une image qui est prolongée à travers tout un paragraphe, voire tout un chapitre, par le biais d’un champ lexical (mots qui se rapportent au même thème). Or, ici, on retrouve tout un vocabulaire lié à cette première comparaison du Terrier à un alambic, reliant le champ lexical de la maison (en italiques) à celui de la distillation (en gras) :

  • « un âtre rustique et patient rougeoyait sous sa bonbonne ventrue »

  • « étages biscornus » (« à deux cornes ou double cornue », terme lié à la distillation et à l’alchimie)

  • « la maison ronronnait à feu doux »

  • « ébullition dans la salle commune »

  • « le vénérable logis, cornue pansue aux multiples becs »

  • « la maisonnée distillait »

La maison en elle-même est donc figurée sous les traits d’un alambic, et en effet, si vous avez l’aspect du Terrier en tête, il n’est pas sans rappeler une espèce de machine biscornue. Les verbes tels que « fusaient et tourbillonnaient », « ronronnait », « crachotait et toussotait » renforcent cette métaphore (on imagine tout ce qui bouillonne et fume dans cet alambic).

Il s’agit d’un premier pas, mais il y a plus : à chaque image liée à l’alambic est associé un terme positif (à une exception près) montrant la joie de vivre qui « bouillonne » dans cette maison :

  • l’âtre est « rustique et patient » (le feu est le symbole du foyer et de la vie de famille + l’adjectif « patient » : la maison en a vu d’autres, elle a l’habitude de cette agitation)

  • la maison « ronronne » (comme un chat content ?)

  • le « feu doux » symbolise le calme qui y règne durant la nuit

  • l’ébullition est « douce et joyeuse » (et liée au « foyer », voir plus haut, ainsi qu’au chant)

  • le logis est « vénérable » (personnification)

  • seule mini- ombre au tableau : les « disputes familiales » (mais on a quand même le terme positif « familial ») symbolisées par les verbes « crachoter » et « toussoter » (encore une fois, personnification de la maison) – mais les disputes ne font-elles pas partie de la vie ?

Ces champs lexicaux qui s’entremêlent produisent quelque chose, de la même façon qu’un alambic produit de l’alcool (ou tout autre produit obtenu par distillation d’ailleurs) : des sentiments positifs. La maison vit par et pour ceux qui y habitent (d’où les périphrases « ses habitants », « la tribu endormie », « le clan » : autre champ lexical important ici, celui de la famille et de l’union) et finit par « distiller » de l’affection : « l’affection des Weasley qui vivaient ou avaient vécu là » (même les anciens habitants semblent survivre à travers le Terrier). Tout le texte concourt à cette harmonie familiale qui règne là depuis toujours (du moins, c’est l’impression qu’on en a).

Je termine par l’idée de l’alcool ou de l’alchimie avec laquelle j’ai commencé. Les deux évoquent pour moi des choses différentes, mais toutes deux positives. Les sentiments d’amour qui rayonnent de la maison peuvent enivrer comme un verre d’eau-de-vie (je ne fais pas l’apologie de l’alcool, hein, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mais j’aime bien le terme « eau-de-vie », qui aurait sa place dans le texte pour la mention de la « vie » essentielle au Terrier). Et l’alchimie, c’est peut-être bête, mais pour moi, c’est lié à la recherche de la pierre philosophale (un épisode d’Harry Potter, d’ailleurs), de l’or, de la « longue vie » : dans le texte, l’or dont il est question est bel et bien cette émotion qui émane de la maison et de ses occupants. Quand on sait quelle place les Weasley ont dans le cœur d’Harry et comment il a été accueilli au Terrier, on voit bien que cette métaphore filée est parfaitement adaptée ici !

(J’irais même jusqu’à dire que l’expression « les esprits vifs et limpides » renvoie à cette idée alchimique et / ou liée à la distillation de l’alcool, juste par contamination étymologique : « spiritueux », « vif-argent »… mais c’est un peu tiré par les cheveux. Cependant, puisque j’ai l’auteur sous la main, je vais me permettre de lui demander si c’était voulu, si c’était inconscient, ou si j’extrapole complètement ! :innocent:)

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Demi-Bingo ! Oui c’est conscient pour spirituel / spiritueux puisque la distillation extrait l’ « esprit de vin ». La limpidité fait référence à cette quintessence, forcément pure donc limpide, mais je n’avais pas pensé au vif-argent. La vivacité est celle des alcools les plus légers, la jeunesse espiègle du Terrier qui caracole dans les étages.

Merci beaucoup pour cette analyse. En effet, j’ai longtemps tourné autour du mot Alchimie. J’avais en tête l’alchimie de l’amour familial, en jouant - mais c’était un peu facile - sur la relation directe entre l’alchimie et les sorciers.
Le but était de donner une âme à la maison sous une forme dynamique, à la fois contenant et principe de continuité de la famille.

Ton « Eau de vie » est magnifique !

Edit - et au passage, je n’avais pas repéré ma répétition - ronronner ! Re-Edit : ce n’était pas ironique ! :relaxed: Je fais confiance.

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Nan c’est moi qui ai mal recopié ! C’est réparé !

Mais « l’esprit-de-vin » !!! C’est ça que je cherchais, j’ai tourné autour pendant toute mon analyse !!! Grrrr ! :grin: J’étais partie sur « esprits subtils », je ne sais pas pourquoi… Et comme je sais que l’étymologie, c’est un peu ton truc, j’ai essayé de creuser un peu. :innocent:

Pas si facile que ça !

Et ça fonctionne très bien !

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Merci Alresha pour ton travail !
Ce qui est étonnant in fine - enfin pour moi, hein ! - c’est le mélange de rigueur et de créativité de ta démarche. J’ai le sentiment qu’il y a beaucoup de projections que tu tentes puis valides ou pas.

Prosaïquement, j’en suis resté à :

  • Qu’est-ce que je ressens ? Suis-je emporté ?
  • Qu’est-ce qui me porte et imprime la couleur, le rythme, l’ambiance ?
  • Qu’est-ce qui contrarie ma lecture ? Qu’est-ce qui me manque ?

Mais tes analyses donnent à réfléchir.
< ébullition de chaudron >

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Suivant le principe qu’il faut s’efforcer de rendre ce que l’on a reçu, voici une tentative - modeste mais pleine de bonne volonté ! :grinning:

Le texte de @LeslieGermStar :

L’humidité s’infiltrait sous les énormes plaques blanches qui recouvraient le sol. Les multiples gouttes d’eau venaient frapper la surface dure et réfléchissante, finissant ainsi leur chute vertigineuse. Des chaussures d’homme, dont la légère gravure attestait de son prestige, firent trembler la surface d’eau claire, éclaboussant son pantalon. Un bref claquement de langue fut l’unique réaction de la silhouette encapuchonnée qui continua d’avancer droit devant lui. L’inconnu fit encore quelques pas sous les lampadaires, puis entra dans un des nombreux gratte-ciels, qui habillaient les alentours. Un petit bruit de clochettes se fit entendre, des pleurs inhabituels de bambins l’accueillir et une jeune femme, en tailleur vert, s’avança jusqu’à lui.

« Bonjour, Monsieur de La Vega. Je vous remercie de votre ponctualité. Je vous prie de me suivre. »

Elle claqua des doigts et une seconde femme, portant le même tailleur mais cette fois-ci de couleur jaune, accourut pour débarrasser le visiteur de sa veste. Suivant docilement la demoiselle qui avait déjà tourné les talons, il jeta un rapide coup d’œil derrière lui et, par la grande baie vitrée, vit un éclair zébrer le ciel couvert de nuages noirs. Ils arrivèrent devant une porte vitrée sur la moitié supérieure et la main basanée de sa guide toqua trois fois. Aussitôt, la porte s’ouvrit et une voix forte l’autorisa à entrer. Il fut à peine dans la pièce que la porte claqua derrière lui. Il avala péniblement sa salive face à la froideur de l’accueil. On ne l’avait jamais reçu de la sorte. Un silence froid régnait dans le bureau.

Voilà un retour un peu schématique, mais soyons honnête, ce n’est pas une analyse de style ! :innocent:
Ressenti :

  • une impression de connivence avec l’auteur, comme un enfant qui reconnaît avec plaisir les éléments du générique de sa série préférée.
  • l’attente d’une révélation, avérée en partie au milieu du texte (identité de De la Vega), mais qui continue par l’attente de l’entrée en scène de son interlocuteur.
  • impression de quelques « fausses pistes » ou de références que je n’ai pas comprises.

Les éléments de cohérence et de connivence

  • La verticalité des centre-ville américains, mise en exergue (chute vertigineuse, lampadaires, gratte-ciels, par opposition à plaque/surface/infiltration)
  • Les touches accumulées sur le personnage – attentif à sa mise, riche mais sans ostentation, le ciel d’orage zébré du signe de Monsieur de La Vega, attend une reconnaissance de son statut, d’une cordialité de bon aloi.
  • un registre de vocabulaire sur l’architecture urbaine et le monde professionnel
  • L’accueil sans aucune cordialité (ponctualité comme seule valeur évoquée, personnel strict, qui obéit à un claquement de doigts, accueil minimaliste, porte qui claque, voix qui crie…)

Les freins à ma lecture

  • quelques points de grammaire ou répétition
  • cohérence : la silhouette encapuchonnée que l’on débarrasse de sa veste. Où sont passés sa cape ou son manteau ?
  • des détails accumulés qui ne me paraissent pas « jointifs », semblent sans lien ou ne pas aller dans le même sens. Ou alors je rate de nombreuses références !
    • la signification des couleurs de tailleurs. J’aurais compris si les couleurs choisies avaient exprimé un rang de façon plus transparente (sans mauvais jeu de mot)
    • pourquoi des clochettes et des cris d’enfants ? Pourquoi pas, mais pas d’autre élément en écho.
    • la main basanée – pourquoi ? Pourquoi pas, mais pas d’autre élément en écho.
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Merci pour les deux termes utilisés ! :grin: Je suis cependant loin d’être vraiment rigoureuse dans ce genre d’analyse : il ne s’agit pas d’un commentaire composé ni même linéaire comme j’ai pu en faire des dizaines durant mes études. Cela impliquerait des axes de lecture et une construction beaucoup plus rigide que ce que j’ai proposé ici. La « rigueur » dont tu parles provient peut-être des outils utilisés pour analyser les textes (procédés littéraires, grammaire, syntaxe) ; la forme, elle, est très libre (parce que cela fait longtemps que j’ai fini mes études et que je n’ai plus envie de m’embêter avec le formatage universitaire) - d’où, peut-être, le ressenti de « créativité » dont tu parles.

… Pas tant que ça, en fait. :thinking: Je quadrille le texte assez méthodiquement en partant des outils dont je parlais plus haut, ce qui me fournit un certain nombre de pistes relativement fiables. S’il y a quelques hypothèses un peu farfelues, je l’admets, la plupart sont en fait très « sages ». Ce qui est frappant par contre, c’est que l’analyse ne se dégage pas immédiatement de ce que je repère : elle se construit petit à petit et je dois souvent reformuler ce que j’ai écrit pour que ça paraisse construit et cohérent. :roll_eyes: Ce que je trouve intéressant ici (par rapport au commentaire d’un auteur mort), c’est la possibilité de tester ces hypothèses auprès du véritable auteur, de voir ce qui a été conscient ou non, ce que j’ai extrapolé, etc.

Cool !

Ce sont les questions que je me pose aussi, mais pour y répondre, j’utilise davantage d’outils littéraires (parce que, ben… c’est un peu mon boulot) pour lier fond et forme.

Ouiiii !!! Merci, je me sens moins seule ! :innocent:

Ton retour sur le texte de @LeslieGermStar est très intéressant. Je te rejoins sur de nombreux points mais d’autres ont davantage retenu mon attention (je vais essayer de faire une petite analyse dans pas longtemps), notamment l’impression cinématographique que j’ai eue à première lecture et dont tu ne parles pas du tout. Cela dit, il est possible qu’une fois l’analyse faite, je change complètement d’avis et je ne voie plus du tout cette dimension cinématographique qui maintenant me saute aux yeux… :roll_eyes:

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Bonjour tout le monde ! Me revoici, désolée de mon retard mais déterminée à continuer ces analyses : si d’autres veulent me proposer un texte, je vous en prie, allez-y… Voici donc ce que j’ai tiré du texte de @LeslieGermStar dont je remets l’extrait ici :

Je me dois de signaler une erreur de conjugaison qui m’a rendue très perplexe (j’ai mis plusieurs minutes avant de comprendre le sens de la phrase) : « des pleurs inhabituels de bambins l’accueillirent ».

On a donc, comme je le disais dans le message précédent, une description cinématographique de la scène, très visuelle, avec mouvement de la caméra pour l’entrée du personnage ; le texte est une sorte de travelling ascendant :

  • ambiance humide (champ lexical : « humidité », « gouttes d’eau », « éclabousser »)

  • vision du sol avec horizontalité (« plaques blanches », « surface dure et réfléchissante », « chaussures d’homme », « éclaboussant son pantalon »)

  • on remonte la vision dans le mouvement opposé des gouttes d’eau (« silhouette encapuchonnée » : vision d’ensemble du personnage, sans détails : je l’imagine entièrement dans l’ombre, sans que l’on puisse distinguer son visage) et travelling horizontal cette fois (« avancer droit devant lui », « quelques pas »)

  • verticalité et ouverture de la vision, de plus en plus haute : « lampadaires », « gratte-ciels »

Ce premier paragraphe (à l’exception de la dernière phrase) est un plan-séquence cinématographique caractéristique de l’incipit d’un film (ou d’un roman) : l’arrivée du héros dans une ville, dans un bâtimentL’ouïe est convoquée après la vue (avec le « bruit de clochettes » et « les pleurs »), mais je suis assez d’accord avec Chiara et je reste perplexe face à ces détails : quel est leur intérêt ? N’ayant pas trouvé la fiction en question sur le site, je ne sais pas si ces détails seront importants dans la suite du chapitre.

La phrase de dialogue permet de dynamiser la scène en même temps qu’elle nous donne l’identité du personnage (attendue dans une fanfic sur Zorro, mais qu’on est content de voir apparaître, bien que, pour moi, la cohabitation de Zorro et d’une ville qui m’a l’air moderne m’intrigue ; un UA ?).

Le second paragraphe décrit un univers parfaitement organisé dans lequel De la Vega est l’intrus :

  • champ lexical de l’obéissance et de l’efficacité / rapidité (« claque des doigts », « accourut », « déjà tourné les talons », « aussitôt la porte s’ouvrit ») qui contamine le personnage principal (« suivant docilement », « l’autorisa à entrer ») : ce dernier n’est pas dans son élément (et pas dans le décor habituel du fandom : double dépaysement) et en position d’infériorité ;

  • malaise du personnage préfiguré par le temps qu’il fait (pluie du premier paragraphe, « éclair », « nuages noirs »), vocabulaire péjoratif concernant l’accueil qu’il reçoit (« la porte claque », « il avala péniblement sa salive », « froideur de l’accueil », « silence froid » - j’en profite pour faire remarquer la répétition), renforcé par le côté exceptionnel de cette situation (phrase négative : « on ne l’avait jamais reçu de la sorte »).

Cette deuxième partie est tout aussi cinématographique que la première, avec les vêtements et couleurs codifiées des personnages, l’éclair dans la baie vitrée, la main qui frappe à la porte, la voix qui lui dit d’entrer : nouveau plan-séquence qui suit de nouveau le personnage principal sans pour l’instant nous décrire ce à quoi il est confronté dans ce bureau (manière d’entretenir le suspense : j’imagine que le « plan » suivant sera dédié à la description de la personne qui lui a dit d’entrer, ou à la raison pour laquelle Zorro se trouve ici).

Le point de vue utilisé ici est donc externe : on n’a pas accès aux pensées des personnages, on voit tout de l’extérieur, comme si une caméra filmait la scène ; on passe au point de vue interne à la fin du texte, avec le malaise du personnage principal qui arrive (mais on en ignore toujours la raison). On a donc un incipit qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, et je me demande s’il n’y a pas justement un peu trop de questions :

  1. Que fait Zorro dans cette grande ville d’aspect moderne ?

  2. Quelle explication donner aux bruits entendus dans le premier paragraphe, aux couleurs des vêtements, bref aux détails relevés par Chiara qui ne semblent pas nécessairement nécessaires à la compréhension de la scène ?

  3. Visiblement, le personnage est attendu, mais comme on est dans un point de vue externe, on ne sait pas pourquoi : pour quelle raison est-il venu ici (et quel est ce lieu) ?

  4. Personne ne semble se soucier de lui et il n’est pas mis à son avantage : est-il le véritable héros de l’histoire ?

Je vais parier sur la suite du texte et proposer des hypothèses de lecture en fonction du début :

  1. Il s’agit d’un UA qui se passe à l’époque moderne, ce qui explique le lieu inhabituel pour le personnage ;

  2. Je ne parviens pas à comprendre la raison de ces détails, à moins que quelque chose ne soit lié aux enfants par la suite ;

  3. Le personnage a été convoqué et vient pour une raison très importante pour lui, car je trouve qu’il ne correspond pas vraiment à ce que j’attends du personnage (courage, aventure…) et sa personnalité même m’interpelle (malaise, ne dit rien, ne fait rien) ; j’en déduis qu’un problème qui se pose à lui ne peut être réglé que par les gens qu’il est amené à rencontrer, et que c’est pour cette raison qu’il fait profil bas ;

  4. Je me demande si, vraiment, Zorro est le véritable héros dans la mesure où, comme je viens de le dire, il ne se comporte pas « normalement » ; et je m’interroge donc sur cet incipit qui pourrait parler d’autres personnages importants en utilisant Zorro comme point de départ (mais je m’aventure sur un terrain glissant) car je le trouve vraiment « effacé » (point de vue externe, malaise, exclusion).

Voilà quelques pistes de réflexion que je suis désolée d’avoir mis tant de temps à mettre en forme ici ! (Ces deux dernières semaines ont été quelque peu éprouvantes dans la « vraie vie ».) Je ferais globalement les mêmes remarques que Chiara : ce début est intrigant, mais certains détails incohérents ou superflus m’interrogent. Je me souviens d’un article très intéressant partagé par Oldie sur la différence entre mystère et suspense, que je repartage ICI. Pour qu’il y ait suspense (et donc pour capter les lecteurs), il faut un enjeu clair ; or, ici, nous ignorons trop de choses pour connaître l’enjeu pour le personnage (pourquoi vient-il ? qui vient-il voir ? pourquoi est-il mal à l’aise ?) et le risque est donc que l’on se désintéresse de lui si ce mystère dure trop longtemps. Si je devais formuler une critique, elle résiderait principalement dans cette absence d’enjeu clair pour le personnage, et donc pour le lecteur

J’espère que cette analyse te convient et qu’elle te permettra de réfléchir à ta façon d’écrire !

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Ah bon ? Ça c’est bizarre, je vais essayer de mettre le lien.

Le lien : Ma responsabilité chapitre 1: Prologue, une fanfiction Zorro

J’ai lu tous cela très rapidement mais je relirais tous calmement ce week-end.

Je te remercie pour cette analyse que je vais très vite décortiquer :slight_smile:

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Merci pour le lien ! Je crois que j’ai regardé TOUTES tes fics, sauf celle-ci. Acte manqué ? Pur hasard ? Je ne sais pas… :roll_eyes:

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