Rendre ses fics accessibles aux lecteurs extérieurs au fandom

Purée, quel topic fascinant, tout comme vos nombreuses réponses ! :open_mouth:

Je me suis un peu sentie attaquée (poke Oldie avec ton “les auteurs s’illusionnent en pensant qu’une fanfiction sur laquelle ils ont pourtant fait des efforts est vraiment accessible à tous” :face_with_hand_over_mouth:). Puis j’ai relu, cogité, achevé une narration qui m’a très retournée et faite réfléchir sur mon rapport à la littérature (terme générique pour désigner les œuvres de fiction en général, peu importe le medium), et je pense avoir des éléments de réponse… ou au moins mon humble avis à partager.

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En effet, tu soulignes là un point très intéressant ! Pourquoi irais-je me farcir je ne sais combien de mots d’une fanfiction sur un fandom auquel je ne connais (quasi) rien ? Je ne fais pas partie du fandom, comment pourrais-je apprécier le texte à sa juste valeur ?

Eh bien parfois, ça arrive. Et étonnamment, ma première réalisation s’est faite dans la lecture des défis d’écriture du forum, à mon arrivée en ces lieux. Certains textes étaient plus accessibles que d’autres, exigeaient moins de connaissance que d’autres, et j’ai pu comprendre au mieux de quoi il en retournait. J’ignore si l’auteurice avait écrit sciemment son texte pour qu’une profane telle que moi y comprenne tout, et je pense que ça n’était pas toujours volontaire, mais je les remercie du fond du cœur.

Et tout comme tu le dis si bien, Oldie :

Pour m’être prêtée à l’exercice, que ce soit dans le cadre d’OS de défis ou de pures fanfictions personnelles, je le trouve très intéressant d’un point de vue narratif. Comment être démonstratif et expliquer les tenants et aboutissants sans alourdir trop la narration et être presque rasoir ? Comment faire comprendre aux lecteurs l’importance d’un élément de contexte sans risquer de les agacer avec une quinzaine de paragraphes denses qui retracent l’histoire de tel lieu, tel personnage, tel objet ?

Aux premiers écrits de défi, je me donnais du mal pour contextualiser le plus possible, rendre ça accessible, car je savais que j’allais être lue par autrui. Alors j’ai appris à la dure ; peut-être était-ce dense et barbant au début, peut-être était-ce plus digeste avec le temps et les efforts, je l’ignore… Mais avec tout ça, j’ai appris à doser pour obtenir la crêpe la plus délicieuse et la mieux cuite de mon crû – en tout cas, la crêpe qui me satisfera le plus.

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En ce qui concerne tes questions initiales, Anthaus :

:green_circle: Faut-il [rendre ses fics accessibles aux lecteurs extérieurs au fandom] ?

Je pense que non. Dans le sens, il ne le faut pas. Ce n’est ni une nécessité, ni une obligation. C’est éventuellement un petit plus qu’on peut s’accorder, par envie, par besoin, mais nous n’avons aucun compte à rendre à nos lecteurs sur nos écrits à proprement parler, et encore moins aux éventuels lecteurs hors fandom qui viendraient jeter un œil à notre plume.

Pour moi, c’est une décision entièrement personnelle qu’il nous faut prendre seul.e ou accompagné.e de pré-lecteurices ou bêta-lecteurices. J’en ai fait l’expérience lors de l’écriture d’un cross-over entre deux fandoms relativement bien représentés ici (il y a bien quelques lecteurices qui se cachent dans l’ombre, même s’ils ne me lisent pas moi spécialement), et j’avais l’aide de ma bêta à qui je demandais si ma façon de narrer et expliquer rendait ça accessible… parce que j’envisageais de toucher un public connaissant soit le fandom A, soit le fandom B, soit les deux, soit aucun (s’il y avait des motivé.e.s). Je me figurais que les fans A pourraient être curieux de lire ce cross-over même sans connaître B, et vice-versa. De fait, peut-être pouvais-je aussi toucher un public inédit, ne connaissant ni A ni B, qui auraient juste deux fois plus d’informations à ingurgiter ; au final il me fallait seulement rendre ça digeste.

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:green_circle: Comment rendre ses fics accessibles aux lecteurs extérieurs du fandom ?

Comme dit plus haut dans mon pseudo préambule, le dosage est la clé.

On prend souvent pour exemple, et pour rire, Victor Hugo ou J. R. R. Tolkien qui passaient des pages et des pages à nous décrire des histoires propres à un détail, juste pour le fun ou pour apporter du contexte. N’ayant lu ni l’un ni l’autre, je ne peux dire… :stuck_out_tongue:

Si je réfléchis à mes tentatives dans mes fanfictions que j’ai volontairement rendues accessibles aux néophytes, le premier point qui ressort est la taille du texte. S’il s’agit d’un OS, comme vous l’avez déjà souligné ici, il devient plus difficile de fournir énormément de lore, alors qu’on peut plus aisément le disperser ici et là dans une fanfiction à chapitres.

:green_square: … dans un OS : distiller les informations via quelques descriptions des lieux et des personnages permet d’ancrer le réel de la fanfiction dans les yeux de tous. Si cette façon de faire est déjà une habitude pour vous, c’est tout bénéfique ! Peut-être n’est-ce pas nécessaire de tout décrire à la perfection afin que chacun se représente les personnages tels que vous vous les figurez. Parfois, alléger en allant au plus simple et direct donne juste assez de matière pour présenter les enjeux de l’univers ou de votre intrigue, ou au moins le contexte.

Une de mes fics récente (hors défi) commence ainsi :

Le crissement des seikrets se fit entendre peu de temps après le tambour de leur galop. Reconnaissant les cris des petites wyvernes rapaces généreusement cédées par le peuple de Kunafa aux membres des unités Avis et Astrum, Nata se précipita à leur rencontre. Répartis sur cinq montures, les huit membres de la Guilde approchaient du campement érigé en bordure du lieu sacré des résidents du village wyvérien de Suja.

J’opte pour une progression simple. Premier mot inconnu, “seikrets”, rapidement expliqué au début de la deuxième phrase qui, elle, mentionne les “membres des unités Avis et Astrum”. Qui sont-ils ? Eh bien la troisième phrase va venir expliquer qu’ils sont des membres de la Guilde. Un fan qui n’aura pas forcément joué à cet opus comprendra de ce fait que ce sont des chasseurs, entre autres. Il est vrai qu’un néophyte total se demandera bien ce qu’est cette Guilde ainsi mentionnée, je l’accorde. Les paragraphes suivants, qui permettent autant l’amorce de l’histoire qu’une description des personnages (noms, rôles et physique), suffisent à poser le contexte et à préciser les personnages principaux et secondaires.

En ce qui concerne une contribution de défi, voici l’incipit :

Se débarrasser de gnomes motivés par le désir de faire d’une adolescente humaine leur reine, en venir aux mains – ou tout autre appendice au même rôle – face à un métamorphe avide de vengeance, ou bien lutter contre des statues de cire cherchant à se venger de leur propriétaire qui les avait abandonnées dans une remise pendant de longues années, ça n’était finalement pas si difficile que ce que l’on pouvait croire.

C’était ce que se disaient Dipper et Mabel, face à l’énième péripétie surnaturelle qui leur arrivait.

Cela faisait un peu plus d’un mois qu’ils séjournaient chez leur grand-oncle, dans le fin fond de la campagne de l’Oregon, et tout autant de temps qu’ils faisaient quasi-quotidiennement face à toutes sortes d’étrangetés. Les gnomes, pour commencer, puis une sorte de parodie mécanique du monstre du Loch Ness, puis ces étranges statues de cire animées la nuit… Dès les premiers jours, il leur avait fallu repousser les limites de leur imagination fertile d’enfants. À Gravity Falls, dans cette petite bourgade de l’est de l’Oregon, n’importe quoi pouvait avoir lieu. De l’apparition de fantômes s’en prenant qu’aux adolescents jusqu’aux licornes imbues d’elles-mêmes raillant les âmes impures, en passant par des voyageurs dans le temps plutôt maladroits.

Et cette fois-ci, étrangement, ils savaient quoi faire face au Bigfoot venu déranger la paisibilité de la Cabane aux Mystères, attrape-touriste le jour et demeure de la famille Pines le reste du temps.

Là où je le trouve réussi (je me permets de me jeter des fleurs), c’est dans cette succession d’informations qui amorcent l’intrigue tout en posant le contexte. On a, dans l’ordre, des références à des épisodes de la série, une première accroche pour le cœur du texte (“l’énième péripétie surnaturelle”) + énonciation des protagonistes de la fanfiction, un élément de contexte général qui résume assez bien la série et situe l’intrigue (Gravity Falls, dans l’Oregon, où il se passe beaucoup de choses surnaturelles), et un retour immédiat à l’action avec la présentation de l’enjeu de la fanfiction (le Bigfoot qui les poursuit).

Et pourtant… ça n’est qu’une fraction de la fanfiction ! 4.70%, pour être exacte (selon Word, hors notes et mentions). C’est là où cet exercice proposé par les défis d’écriture via son N3 implicite peut être intéressant. Il nous pousse à raconter, avec peu de choses, suffisamment pour poser le contexte, sans alourdir de trop le contenu de la fanfiction. Avec cette entrée en matière, les membres qui ne connaissent pas le fandom pouvaient facilement avoir une vue globale sur la série et comprendre l’enjeu présent dans ce texte : deux adolescents en vacances chez leur grand-oncle qui font face à du surnaturel, et une fois n’est pas coutume ils ont des ennuis à cause d’une de ces créatures. Et rien de mieux qu’un avis de lecteur pour le confirmer… Ici, celui de Maczin : “Sur ce point, le paragraphe d’intro est génial: en quatre lignes (plus une juste après ;)), on sait qui sont les protagonistes, que l’endroit où ils résident actuellement ne convient certainement pas à des enfants, qu’il s’agit d’un univers où la logique existe selon ses propres règles (depuis quand une adolescente, voire préado, aime tricoter ses propres pulls?!), et surtout, surtout, que l’on n’aimerait pas du tout être à la place des jumeaux!

:green_square: … dans une fic longue :

Chercher des exemples concrets dans les nombreux chapitres susceptibles serait bien chronophage et sûrement peu intéressant pour ce topic (et un poil trop égocentrique, non ?), alors je vais tenter de résumer brièvement mon processus.

Comme le dit si bien Anthaus, amener les informations importantes au moment où elles sont utiles, tout au long de la fic est un excellent premier pas, et c’est ma façon générale d’aborder les choses. Certes, vous me verrez m’épancher des lignes durant sur l’histoire d’une ville qui n’est “que” de passage pour notre protagoniste, mais cela permet de la placer dans le contexte géographique, peut-être géopolitique, du monde où le personnage évolue. J’ai trouvé un exemple très parlant de ce procédé en lisant Metro 2033 de Dmitri Gloukhovski. Si une carte du métro est consultable dans la première et la dernière page (dans mon cas, c’était la version primo-éditée, et les cartes se trouvaient dans les rabats des première et dernière pages) et permet au lecteur de suivre le chemin du héros ainsi que d’identifier les différents groupes politiques qui se partagent le métro moscovite, l’auteur se permet néanmoins de glisser autant d’informations de worldbuilding que possible lorsqu’il est fait mention d’une station ou d’un groupe, afin que le lecteur (et le héros) disposent des informations nécessaires.

Ce que j’ajouterai néanmoins au point d’Anthaus est qu’il n’est pas obligatoire de se contenir qu’au minimum nécessaire pour la scène X à l’instant T. Si vous prévoyez un retour en ces lieux ou une autre conversation avec ce personnage secondaire ultérieurement, même si cela n’interviendra que bien plus tard, peut-être pourriez-vous déjà semer des graines qui fleuriront entre les chapitres ! (en somme, un bon vieux fusil de Tchekhov) Ou, au contraire, pourriez-vous peut-être omettre volontairement des détails (descriptifs ou d’histoire personnelle de l’univers ou du personnage) pour mieux surprendre par la suite en le dévoilant à un moment opportun !

Pour l’un comme pour l’autre, ce peut être un vrai luxe d’avoir des pré- ou bêta-lecteurices qui ne connaissent pas du tout l’univers en guise de cobaye. Bon, à force, ils finiront pas le connaître, votre univers (je pense à Hellth et Angel-Dust :face_with_hand_over_mouth:), mais les premières fois ça peut vous permettre cet exercice de rendre digeste et compréhensible les éléments d’univers que vous voulez mettre en scène dans votre texte, et donc l’accessibilité des néophytes à votre fanfiction !

Gardons seulement en mémoire que la fanfiction s’adresse théoriquement aux fans de l’univers ! L’accessibilité, c’est bien, mais réfléchissez un instant ou deux à la portée de votre fanfiction et au public que vous souhaitez toucher. Si vous êtes sur le forum et présentez vos fics, sur un malentendu un néophyte pourrait venir vous lire, peut-être parce qu’il aime votre plume ou est juste curieux de la découvrir, et puis vous avez indiqué avoir fait en sorte de rendre cette fic la plus accessible possible… :stuck_out_tongue: Mais d’ordinaire, votre fanfiction devrait être surtout lue par des membres du fandom, qui connaissent donc les personnages et l’univers !

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Quant aux notes de bas de page… Deux pommes se battent en moi, et j’ai envie de les croquer autant l’une que l’autre ! :green_apple:

Blague à part, j’adore les notes de bas de page lorsque je lis un texte au format imprimé, relié… un livre, quoi. Qu’il s’agisse de notes de traduction, notes de l’auteur, pour contextualiser ou expliquer quelque chose qui ne peut être traduit/adapté correctement… Mais je ne supporte pas lorsqu’elles sont mises à la fin du livre. Si je dois complètement m’interrompre et tourner les pages pour les lire, je suis extrêmement frustrée (et c’est le cas dans ma lecture actuelle, ça me met dans tous mes états).

Lorsqu’il s’agit de fanfictions… eh bien je comprends entièrement l’envie et le besoin qu’ont certaines personnes à glisser des notes ici et là et, malheureusement, le format fait que tout doit être rassemblé à la fin. Et ça m’ennuie fortement, parce que ça gâche le plaisir de les lire au fil de ma lecture. Ca m’est déjà arrivé d’en utiliser, et c’était presque aussi frustrant en réalité. L’idéal serait de pouvoir les regrouper sur un onglet à part, une sorte de pop-up ou bien de référence en survolant le texte (un peu à la manière des mots-clés dans les reviews)… une amélioration possible ? :smirking_face:

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