[REVIEW] fanfiction "La grâce d'Azurah" (The Elder Scrolls)

Auteur : @Fahliilyol
Fandom : The Elder Scrolls
Rating : G
Nombre de mots : 3650 mots (site)
Lien vers la fanfic : :computer_mouse: La grâce d’Azurah, par Fahliilyol
Résumé : Après un long périple chargé de merveilles, Nahssa, jeune khajiite rêveuse et innocente, découvre enfin le mythique autel bordecéleste d’Azurah. Cependant, malgré son imagination fertile, elle loin d’imaginer les trésors que la déesse est sur le point de lui offrir.

Style/orthographe : 9/10
Histoire/personnages : 10/10
Note globale : 9,5/10

Coucou Fah ! Sans trop grande surprise, voici la review un peu spontanée de ta contribution au défi d’écriture du forum de septembre/octobre 2022 ! J’espère qu’elle sera à la hauteur de tes attentes, car j’ai encore une fois pris un grand plaisir à te lire !!
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I. La forme

  • Orthographe, grammaire et conjugaison

On ne présente plus ta rigueur dans ton travail d’écriture. Il y a très peu de fautes, pour ne pas dire aucune car j’en ai malgré tout relevé… trois ! La première est une confusion entre un adjectif et un participe présent (« […] les moustaches frémissantes au gré des courants boréaux. » ; ici, les moustaches frémissent, et c’est davantage le participe présent qui serait adapté), et j’en ai trouvé une similaire plus tard (« […] la tête bourdonnante de questions et d’incertitudes. » ; à mon sens il vaudrait mieux utiliser le participe présent plutôt que l’adjectif qualificatif). Enfin, la troisième et dernière coquille est une simple erreur de conjugaison due au parlé des Khajiits (« Mais Nahssa ne peux s’occuper d’une petite fille » ; c’est de la troisième personne, donc « peut », malgré la tournure étrange des Khajiits pour parler d’eux-mêmes). Sinon, mis à part ça, il y a seulement une occurrence de « dame Azurah » qui ne dispose pas d’une majuscule (pour « Dame Azurah », le « dame » étant un titre honorifique et révérentieux).
Si je devais vraiment pinailler, je viendrais te reprendre sur l’absence d’accents sur les voyelles majuscules (« Écoute ton cœur […] ») ainsi que l’absence de majuscule lorsque tu mentionnes les ethnies (Khajiit.e, Dunmer, Senche…). À la manière dont nous parlerons d’un Européen ou d’une Allemande, je considère personnellement que nous devrions mettre une majuscule aux ethnies de l’univers de The Elder Scrolls. Mais ce choix de ne pas en mettre ayant été fait dans les jeux (tout du moins, au moins dans Skyrim, ma référence) aussi bien en VO qu’en VF, je ne t’en tiens pas rigueur. Ce serait davantage du chipotage qu’une réelle erreur !
Je n’ai rien relevé d’autre, ce qui montre combien tu maîtrises la langue et procèdes à une relecture et correction attentive de ton travail ! Bravo !!

  • Syntaxe et construction des phrases

Une fois encore, ta maîtrise de la langue et de la typographie sert ton propos. Tu utilises la ponctuation de sorte à fluidifier ton texte et la lecture et tes phrases sont très bien construites. J’ai simplement relevé deux moments j’ai un peu tiqué, que voici.
Le premier se trouve dans la phrase suivante : « Après avoir quitté sa chambre par la fenêtre, des jours auparavant, guidée par le seul éclat des lunes et le murmure de ses rêves, après s’être faufilée entre les troncs noirs et menaçants d’immenses conifères, après avoir joué à esquiver les bandits dans les forêts et les steppes blanchies par l’hiver, elle arrivait enfin à destination, elle le pressentait. » Je trouve que la conclusion perd de son importance du fait de la succession de propositions entrecoupées de virgules. J’opterais peut-être davantage pour une scission plus marquée, isolant la proposition finale (« […] elle le pressentait »), via un cadratin ou un point virgule, si ce n’est un point final qui offriraient une sorte de rupture dans la monotonie des virgules, et donc mettraient un point d’orgue, si l’on peut dire, sur ce sentiment puissant qui anime Nahssa.
Le second, moins impactant, se trouve deux paragraphes plus loin : « La déesse parut entendre sa demande, car, au détour d’un roc acéré, elle sortit des nuages et déboucha, en plein soleil, sur un plateau au bout duquel se dressait une immense statue. » J’estime que la première virgule, celle antéposée à « car », n’est pas nécessaire, bien que je comprenne parfaitement la raison pour laquelle elle s’est retrouvée là.
Tes tournures et autres phrases complexes témoignent d’une maîtrise du français et de ses codes, et c’est extrêmement plaisant à la lecture !

  • Stylistique, richesse du vocabulaire & symboliques

Ce qui m’a de suite sauté aux yeux à la lecture est la recherche du vocabulaire soutenu, voire rare par moments, qui n’est pas sans ajouter une touche de poésie à ta plume déjà très riche. Je pense notamment à « sépulcral », « adamantine », « amarantine » et « aquilon », que l’on ne voit que trop rarement dans la littérature et dans les fanfictions.
En outre, tu fais usage de métaphores (« des dizaines de minuscules perles opalescentes », pour désigner les flocons de neige ; « de minuscules épingles d’argent s’allumaient », pour désigner les étoiles) et d’oxymores (« un instant aussi éphémère qu’éternel ») qui nous plongent davantage encore dans une contemplation du moment, et nous transportent dans cet autre univers fictionnel mais palpable sous tes mots.
Tu uses de descriptions tangibles et, bien que cela soit dû à une contrainte du thème du défi (show, don’t tell), tu t’en sors avec brio ! Grâce à cette narration omnisciente quoique interne dans le même temps, tu rapproches ton lecteur de ton personnage tout en lui accordant un panorama contemplatif, aussi bien des lieux que des ressentis de Nahssa.
Bien que ce texte soit un peu trop court pour évoquer une symbolique sensible, je tiens à noter que le paragraphe décrivant le coucher de soleil, et donc le passage du jour à la nuit, ce même intervalle que représente et qui représente Azura(h), est l’apothéose des descriptions filées dans ce qu’on pourrait qualifier d’incipit à ton oneshot. Était-ce l’effet recherché ? Je m’interroge ; cet entre-deux du crépuscule n’est pas sans rappeler le terme japonais de kawatare doki (彼は誰時 ; grossièrement traduit « heure du ‘qui est-il’ »), désignant ce moment de la journée où il fait sombre et où il devient difficile d’identifier la silhouette à qui nous nous adressons. Cela peut donc par extension donner naissance à des rencontres un peu étranges et mystiques, comme cette entrevue entre Nahssa et Azura(h), qui fait apparaître par magie, littéralement, la petite Velyna. Si le jour est considéré comme « l’être » et la nuit « le néant », le crépuscule symbolise quant à lui cet état du « devenir », et donc par extension du changement ; bien qu’il ne se soit agi que d’un court instant, nous avons vu Nahssa quitter l’enfance pour entrer dans l’âge adulte, chargée d’une mission à laquelle nous savons qu’elle ne se soustraira pas.
Enfin – et je tiens à le souligner car c’est un détail qui me ravit – tu t’appropries à merveille le fandom et son univers étendu afin de mêler des expressions ou des parlers propres à celui-ci dans ta narration. Plutôt que de mentionner simplement « les lunes », tu les nommes par leur appellation khajiite (Jone et Jode), ou encore tu nommes Azura par son nom khajiit (Azurah). Ce travail de remodelage du langage en fonction de l’origine ethnique de la protagoniste renforce ta plume, et dévoile l’étendue de tes capacités d’adaptation en fonction du fandom sur lequel tu écris !

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II. Le fond

  • Respect de l’œuvre originale

Déjà mentionné dans le paragraphe supérieur, je note avec grande joie ton respect et ton appropriation du fandom. L’univers de The Elder Scrolls est très vaste et développé, si bien que tu as pu bâtir un fragment de vie vraisemblable qui pourrait très bien s’inscrire dans le canon de cet univers étendu. Tu nous décris avec brio l’autel d’Azura érigé près de Fortdhiver tel qu’on le retrouve dans l’opus de Skyrim, et nous ramènes dans cette province enneigée le temps d’une courte histoire. Les descriptions soignées restituent le décor, et permettent au lecteur de se (re)figurer les lieux comme s’il s’y trouvait (virtuellement).
Cela passe aussi, comme indiqué plus haut, par un remaniement de la langue de la narration pour l’adapter aux expressions et autres tournures propres au fandom, mais aussi par un habile jeu d’ajustement du parlé des personnages pour, une fois encore, restituer les spécificités linguistiques du peuple khajiit. Ici, donc, ce sera d’employer des tournures à la troisième personne, les dialectes khajiits ne disposant pas d’équivalent au pronom personnel « je ». Ainsi, lorsque Nahssa s’adresse à Azura(h) en langue commune (je présume), elle lui parle bel et bien comme le ferait canoniquement une Khajiite si elle venait à utiliser autre chose que son dialecte khajiit.

  • Cohérence & vraisemblance de l’histoire

En soi, l’histoire est bien vraisemblable. Tu nous présentes une tranche de vie, celle de Nahssa, qui semble être destinée à de grandes choses, et nous trouvons toute la structure narrative d’une telle histoire, même courte. Bien entendu, il faut admettre que dans cet univers les divinités vénérées sont réelles, et qu’il leur arrive de s’adresser aux mortels, ce qui est propre à ce fandom. C’est un sans-faute, une histoire qui se tient du début jusqu’à la fin.
Le seul souci de cohérence que j’ai pu relever, mais là encore c’est du pinaillage comme tu t’en doutes certainement, est l’utilisation du parler khajiit entre Nahssa et ses parents. Pour faire simple, sa structure dénuée d’équivalent à notre « je » les oblige à parler à la troisième personne lorsqu’ils utilisent la langue commune (= la langue de narration, ici le français). De ce fait, lorsque Nahssa parle à Azura(h), nous pouvons admettre qu’elle s’exprime en langue commune, et devra donc parler d’elle à la troisième personne. En revanche, entre Khajiits, ceux-ci parlent dans leur dialecte, et nous pouvons alors leur permettre d’utiliser la première personne du singulier puisque c’est le sens voulu à travers leurs tournures. Pour résumer, j’estime qu’il faudrait remodeler le dialogue final entre les parents et Nahssa pour les faire s’exprimer « normalement » (d’un point de vue francophone), et seulement opter pour la tournure khajiite lorsqu’ils s’adressent à une personne non-khajiite ; ici, lorsque le père de Nahssa parle à Velyna. Toutefois, ta façon d’aborder la question ne pose aucun problème en soi ; c’est uniquement mon point de vue, et tu es libre de conserver ta façon de procéder !

  • Originalité du scénario & messages du texte

Ce que j’affectionne beaucoup dans ce fandom, et ce qui rend ses fanfictions aussi agréables à lire, c’est son univers vaste dans lequel tout scénario peut avoir lieu ; ta fanfiction n’y fait pas défaut, et c’est l’un de ses points forts. Outre sa crédibilité et sa vraisemblance, c’est le fait qu’elle s’inscrit parfaitement dans ce monde gigantesque qui la rend aussi agréable à lire.
Bien qu’il soit très court, et ne permette donc pas de s’épancher des heures durant, ton texte impacte par sa singularité. Une héroïne khajiite suit envers et contre tout l’appel de ses rêves et brave l’inconnu pour se rendre au pied de la statue d’Azura dans l’espoir que cette dernière réponde à ses questions. Elle n’y trouve toutefois que davantage de questions encore, en la personne d’une petite Dunmer à laquelle elle est liée par un destin décidé par Azura(h), que leurs deux peuples vénèrent grandement.
Ce texte prend la forme d’une préquelle ou d’un teaser qui appelle à une prochaine aventure qui se déroulera lorsque Nahssa et Velyna auront grandi, et tu ne tombes pas dans le piège en proposant une conclusion digne de ce nom tout en amenant le questionnement d’une possible suite. En tous les cas, c’est un pari réussi, car le lecteur n’attendra qu’une chose à l’issue de sa lecture : découvrir quel est ce destin auquel sont promises Nahssa et Velyna !

  • Traitement des personnages

Mis à part Azura(h), les personnages de cette fanfiction sont originaux. C’est un gros défi en soi, car il faut les présenter suffisamment pour que les lecteurs s’y attachent, sans que l’abus de description et d’exposition ne rende ça inintéressant. Et, bien entendu, c’est une réussite en ce qui te concerne : bien que nous ignorions les raisons pour lesquelles Nahssa et sa famille vivent en Bordeciel, nous ne pouvons qu’espérer que cette petite Khajiite en pleine fuite à travers les zones enneigées de la province parvienne à destination, et trouve ce qu’elle était venue chercher.
En très peu de paragraphes, tu parviens à nous présenter la protagoniste, ses désirs et les raisons qui la poussent à agir, tout en la rendant très attachante. Tu parviens aussi sans mal à la rendre vraisemblable ; si elle montre tout le respect qu’elle doit face à la divinité, elle garde sa part d’enfant dès lors qu’elle retrouve ses parents, et cela la rend très touchante.
Quant à Velyna, elle est trop peu présente pour l’analyser plus en détail, mais tu restitues d’une très bonne façon l’attitude que peut avoir un si jeune enfant dans une situation aussi complexe. La confiance aveugle qu’elle voue à Nahssa du fait qu’elles se soient déjà vues en rêve la rend attachante dès lors qu’elle trouve refuge près d’elle lorsque les parents de la Khajiite s’adressent à elle.
Pour finir, nous retrouvons bien là la douceur d’Azura(h), qui fait preuve de compassion à l’égard des Hommes et de ses disciples. Je l’ai trouvée très fidèle à son apparition dans Skyrim, et tu as bien restitué toute la bienveillance dont elle fait montre, et pour laquelle elle est réputée.
En conclusion, tu as su montrer dans ce texte ton aisance à développer de nouveaux personnages tout comme celle à réemployer des personnages canons en respectant leur identité propre telle qu’établie dans l’univers. C’est un gros point positif !

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III. Appréciation générale & bilan

  • Appréciation personnelle de l’histoire

Difficile de cacher combien j’ai apprécié ma lecture, que ce soit à ma première découverte lors du défi d’écriture comme à présent, dans le cadre de la review. En temps normal, j’affectionne grandement ta plume, qu’on sent soignée et élégante, et ce texte n’y fait pas défaut. C’est un gros coup de cœur, qui coche toutes les cases de mon bingo : une langue et un style soignés, une intrigue qui se tient et des personnages attachants. Mon seul regret serait qu’il soit trop court, mais c’est souvent le cas avec les fanfictions qu’on apprécie ! Si je devais initier quelqu’un aux fanfictions de The Elder Scrolls en sélectionnant un corpus réduit, je pense que je glisserais ton oneshot dans la petite pile tant je le trouve agréable et accessible. Bravo pour ce superbe texte dont je ne me lasse pas !!

  • Bilan & pistes d’amélioration

Je n’ai relevé que très peu de problèmes dans ton texte, la majeure partie étant avant tout du pinaillage relatif au fandom plutôt que concernant la langue et son style. On sent que tu es à l’aise avec l’écriture, que tu connais ton matériau et que tu sais répondre aux attentes qui naissent d’un tel exercice, qui plus est pour un texte en réponse à un défi d’écriture du forum.
Tu dévoiles par ce texte une grande capacité d’analyse et d’assimilation de l’univers, que je t’encourage à poursuivre et à nourrir encore et toujours. À titre d’exemple, l’utilisation du barbarisme / néologisme (c’est selon le point de vue) « bordecéleste » qui n’est en rien un terme canon, mais inventé au sein de la communauté d’auteurices de fanfictions francophones. C’est en questionnant l’univers et en l’étoffant de par ce travail linguistique et scénaristique que tu pourras parfaire toujours plus encore ton style et ton écriture d’une immense qualité.
En tous les cas, je ne saurais conclure cette review autrement que par ceci : bravo Fah, c’est un merveilleux texte dont tu peux être fière tant il est représentatif de tes capacités qui croissent jour après jour !!

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