[REVIEW] fic "Etoiles et Chaos" (Saint Seiya)

par Reimusha

Publié le : 20 septembre 2017 à 07:54:41

Review de la fic Étoiles et Chaos

Auteur : Ardell
Fandom : Saint Seiya
Rating : T à MA
Nombre de mots : 152 000
Résumé : Durant la bataille des sept Océans, les Chevaliers d’Or doivent rester au Sanctuaire. Officiellement pour se préparer au retour d’Hadès et de ses cent huit Spectres. Et si ce n’était pas la seule raison ?

Style/orthographe : 7/10
Histoire/personnages : 6/10
Note globale : 7/10

Lorsqu’Ardell m’a contactée pour me demander de reviewer sa fic Étoiles et Chaos, je n’imaginais pas que je replongerais tête la première dans l’un des univers marquants de mon enfance, fait d’armures de bronze, d’or et d’argent, de météores de Pégase et de TDI. Si mon premier réflexe était de refuser, de peur de passer à côté de références malheureusement oubliées, il a suffi de quelques minutes de lecture pour m’immerger dans l’histoire, accrocher et finalement accepter. Non sans avoir au préalable relu tous les mangas pour ne pas commettre d’impair de néophyte.
Alors, mes braves, éveillez votre septième sens et brûlez votre cosmos. Nous nous envolons vers les étoiles, au milieu du chaos ordonné que sont les constellations.

Style/orthographe

Dès le prologue, une bonne surprise : une orthographe impeccable malgré quelques fautes, sans doute d’inattention. Sur la longueur, c’est minime et ça ne représente pas d’inconfort.
La lecture est très agréable et le texte est aéré avec des indications spatiales et temporelles régulières qui permettent toujours de savoir précisément quand on se situe dans la chronologie.
Les dialogues sont vivants et apportent un vrai plus au récit en rendant chaque personnage unique dans sa façon de s’exprimer. Et vu le nombre de protagonistes, c’est presque un exploit. Les incises, pas systématiques, sont presque parcimonieuses mais utiles et l’emploi du tiret cadratin m’a comblée.

La narration, extradiégétique, n’est pas omnisciente comme on pourrait le croire de prime abord, mais alignée sur plusieurs personnages. Cela permet au lecteur d’en savoir beaucoup, mais jamais davantage que les personnages, et il doit découvrir l’intrigue au rythme imposé par l’auteur. Ainsi, même l’OC qui est la clef de tout n’en divulgue que très peu, une pirouette justifiée par son déni des événements.
L’auteur a un style énergique qui interpelle souvent le lecteur. Cela rend son texte dynamique même si, parfois, on aimerait donner aux Chevaliers des expressions peut-être moins… familières. Mais l’avantage de cette écriture est qu’elle les rend proches de nous et facilite grandement l’immersion. Ainsi, même si l’histoire est longue (cent cinquante mille mots répartis sur trente-deux chapitres organisés en trois parties), elle se lit bien et on ne sent pas passer les chapitres les plus longs (parfois plus de dix mille mots).

Cependant, j’ai aussi des bémols à faire valoir. Un surtout : je ne suis pas convaincue par l’emploi très régulier de l’anglais pour évoquer par exemple les armures (Cloths), les Chevaliers d’Or (Golds) ou même le Cancer (DeathMask). Je sais que ce sont les termes consacrés du fandom, mais le manga ne les utilise pas (à part DeathMask, qui est pourtant facilement traduisible par Masque de Mort – de mémoire, c’est d’ailleurs le nom qu’il portait dans l’anime du temps du Club Dorothée) et, dans une fic en français, même s’il faut effectivement respecter les idiomes propres à l’univers, j’apprécie de lire du français. Un fan absolu, habitué à ce sabir franco-britanique, ne trouverait sans doute rien à redire mais moi, ça m’a parfois fait froncer les sourcils.

Histoire/Personnages

La seule condition au triomphe du Mal est l’inaction des gens de Bien . Cette citation, que l’on doit entre autres à Edmund Burke, traduit mon sentiment suite à la lecture de cette fic. Laissez-moi le temps de cette review pour m’en expliquer.

L’histoire débute par un prologue se situant à l’aube du chapitre d’Hadès et évoque les Chevaliers d’Or cloitrés au Sanctuaire sur les ordres du Vieux Maître, le Chevalier de la Balance. Il leur est interdit de quitter les lieux sous peine d’être accusés de trahison envers Athéna, ce qui, comme chacun sait, est passible de mort chez les Chevaliers. Alors, pour passer le temps, ils devisent, plus ou moins aimablement, le bouillant Lion manifestant son désir d’aller aider les jeunes Bronzes livrés à eux-mêmes. C’est le moment que choisit l’armure du Sagittaire pour quitter le confort douillet de son Temple pour rejoindre les Bronzes, dispensant Mû du Bélier de remettre Aiolia dans le droit chemin.

Cette scène se retrouve fidèlement dans l’anime. S’ensuit alors en guise de déviation une discussion sibylline à propos d’une mystérieuse jeune fille qu’ils décrivent comme la complice du félon Saga, et ils évoquent leur inquiétude à propos de l’endroit où elle peut bien se trouver au même moment.

La réponse nous vient des flots tourmentés du Temple de Poséidon où nous retrouvons Kanon, gardien du pilier de l’Atlantique Nord et usurpateur de l’écaille Marina du Dragon des Mers. Il parle à une jeune personne visiblement tourmentée qui répond au nom de Cinnamon et que nous devinons être l’inconnue dont l’absence perturbait les Or restés au Sanctuaire d’Athéna.

Suite à ce prologue qui introduit également Julian Solo, l’incarnation de Poséidon, l’auteur nous propulse quelques semaines auparavant, à la fin de la Bataille du Sanctuaire, pour une première partie, Aberration Zodiacale. Deux autres suivront : Maitriser le Chaos et Ce que le Phénix aurait pu révéler .

La première partie nous permet de faire plus ample connaissance avec l’OC de la fic, Cinnamon , et nous apprenons entre autres choses qu’elle a été invitée au Sanctuaire par le Grand Pope lui-même, mais a dû franchir les douze temples pour pouvoir prétendre à cet honneur. L’auteur nous laisse entendre que, si son épreuve s’est globalement déroulée sans heurt, les Chevaliers répugnant évidemment à faire le moindre mal à une civile, son passage dans la Maison du Cancer a quant à lui été traumatisant. Connaissant son hôte, on ne peut être surpris. Après tout, DeathMask est le croque-mitaine du Sanctuaire, l’un des rares Chevaliers à savoir qui était vraiment le Grand Pope et à adhérer au Mal qu’il représentait.
Rapidement, cette étrange adolescente, qui semble avoir souffert sous la férule du cruel Cancer, se révèle dotée d’un pouvoir terrifiant doublé d’un caractère bipolaire à la limite de la schizophrénie. On apprend qu’elle entretenait avec son bourreau une relation malsaine et avait trouvé un confident apprécié en Aphrodite du Poisson. Entre Saga, le faux Grand Pope, DeathMask et Aphrodite, elle cumulait donc les mauvaises fréquentations. Elle bouscule les Bronzes et se montre insolente avec eux et avec Saori Kido, l’incarnation terrestre de la déesse Athéna, au point d’attirer leur méfiance. On soupçonne que quelque chose de grave lui est arrivé mais, à ce stade, nous en sommes réduits à de simples hypothèses.
Parallèlement, les Or sont confrontés à un surprenant comportement de la part de leurs Armures, qui ne reconnaissent plus leur porteur légitime et, au choix, habillent le mauvais Chevalier ou ne dégagent rien de plus qu’une vulgaire armure de fer-blanc. Les fiers Chevaliers d’Or, si puissants, deviennent en conséquence plus fragiles que des chatons et doivent réapprendre à se servir de leurs armures avec une énergie au plus bas, et ce dans le plus grand secret pour ne pas éveiller les soupçons et tenter les indélicats qui souhaiteraient profiter de leur faiblesse temporaire.
La narration, alignée sur plusieurs personnages, nous permet de supposer que c’est Cinnamon qui est responsable de ce phénomène, mais nous ne savons ni comment, ni pourquoi. Perturbée par ses démons, la jeune fille devient de plus en plus instable et, après quelques errances seules au sein des ténèbres de Yomotsu Hirasaka, elle est surprise en train de tuer de sang-froid deux gardes grâce à la technique du Cancer, le SekiShiki, et elle révèle enfin son cosmos, noir et tentaculaire.

Voulant échapper au Sanctuaire qu’elle ne reconnait plus comme son foyer depuis qu’Athéna en a repris possession, elle disparaît alors au fond des flots où Kanon la recueille, marquant le début de la seconde partie.

Celle-ci nous permet de formuler d’autres hypothèses et de découvrir une nouvelle facette de Cinnamon. L’auteur nous laisse croire que Saga, du moins sa mauvaise partie, a abusé d’elle au cours de ces derniers mois et, qu’aux côtés de Kanon, le jumeau du Gémeaux (tout aussi cintré que son frère), elle entretient gentiment son Syndrome de Stockholm. Elle mène le Dragon des Mers par le bout du nez, le déstabilisant et l’horripilant comme une sale gosse gâtée, jouant tantôt la carte de la garce, tantôt celle de la pauvre victime malmenée. Elle l’oblige à lui faire visiter le Sanctuaire Sous-Marin et rencontre dans son dos les autres Marinas qui se rassemblent en prévision de la guerre à venir. Oscillant constamment entre une attitude de courtisane prête à tout et les pleurnicheries d’une petite fille, Cinnamon abuse son monde, embobinant presque machiavéliquement les Généraux de Poséidon, au point de semer le doute dans les esprits. Entre autres joyeusetés, elle redécore la chambre qu’on lui a allouée avec des visages ensanglantés, inspirés de la Maison du Cancer, défigure Kaasa, gardien du pilier de l’Antarctique (l’auteur donnant là sa propre version de la laideur du Général des Lyumnades) et séduit Kanon dans son propre lit avant de battre en retraite, paniquée. Le Dragon des Mers ne sait plus sur quel pied danser avec elle et en devient étrangement malléable. Trop, si l’on me demande mon avis. C’est le principal désaccord que j’ai avec l’auteur. Kanon, cadet des Gémeaux, Marina du Dragon des Mers et mégalomane en puissance, se laisse totalement influencer par cette gosse paumée, s’apitoyant sur son sort et lui trouvant des excuses. C’est facile et cela donne à Cinnamon, pour le coup, un statut de Mary-Sue qui plie les personnages à sa volonté au point de les rendre OOC. Je trouve personnellement les réactions de Kanon exagérées et peu fidèles à sa vraie personnalité.

Cette partie-ci se déroule presque sur un mois et voit naître puis s’achever le conflit opposant Athéna à Poséidon. Les Or règlent le souci de leurs armures inefficaces et, lors de la dernière confrontation de Kanon avec Athéna, Cinnamon tente de tuer la déesse, précipitant sa propre mort de la main même de Kanon.

La troisième et dernière partie nous ramène alors des mois en arrière pour nous raconter les événements précédents toute cette histoire. Ce que l’attaque du Phénix, le Gen Ma Ken, aurait pu et dû révéler sur le passé de Cinnamon. La lumière se fait sur l’arrivée de la jeune fille au Sanctuaire et les horreurs qu’elle a subies de la part du Cancer. De T, la fic passe à un rating MA pour relater les tortures et les abus dont elle a été la victime et nous comprenons mieux son comportement funambule, en équilibre précaire et permanent sur le fil du rasoir. C’est adroit de la part de l’auteur de nous avoir réservé cette partie pour la fin en chamboulant la chronologie narrative. Sans excuser les errances de Cinnamon, cette partie explique ce qu’elle a vécu et la façon dont elle a réussi à s’en protéger : en se niant elle-même.

Concrètement, cette fic plutôt longue se lit bien, l’histoire est assez riche en rebondissements et en détails pour nous tenir en haleine du début à la fin. Il est nécessaire de connaître l’univers pour saisir tous les tenants et les aboutissants de chacun et comprendre les références qui pullulent au cours du récit.
Pour autant, ce texte n’est pas à mettre entre toutes les mains. Le thème principal de la fic reste quand même l’abus d’une mineure et l’exploration de son sentiment de culpabilité teinté d’une fascination morbide pour son tourmenteur. Parler de syndrome de Stockholm est ici un euphémisme. La victime voue un véritable culte à son bourreau et le défend corps et âme, arguant qu’il est le seul à avoir su voir au-delà des apparences et à l’avoir mise à nue (sans faire de mauvais jeu de mots). Nous y lisons parfois en détail les sévices infligés et, si on ne tombe pas dans le graveleux inutile, ça reste très explicite et donc inaccessible aux jeunes lecteurs.
Enfin, amateurs de combats, passez votre chemin. L’histoire n’en comporte aucun, au risque de frustrer les aficionados des joutes homériques de nos chevaliers préférés. Fi donc des Ryusei Ken et autres Shoryu Ha. L’écriture est plutôt féminine, axée sur un récit essentiellement psychologique, mais l’auteur ne s’en cache pas et prévient le lecteur dès le prologue.

En ce qui concerne les personnages, j’ai été heureuse de retrouver la personnalité de chaque chevalier retranscrite assez fidèlement, avec une mention spéciale pour Saga dont on suit avec passion le combat intérieur dû à sa dualité de Gémeaux.
Ikki est lui aussi fidèle à sa réputation de Deus Ex Machina et survient toujours aux moments où on ne l’attend – presque – pas, souvent sur l’invocation expresse de son frère Shun. Pas de surprise à ce niveau-là, mais à nouveau d’agréables souvenirs qui remontent en flèche.
J’ai été en revanche déçue par les réactions de Kanon, que je trouve dramatiquement gentil pour le coup, et bien trop soucieux du bien-être de cette petite enquiquineuse qui ruine littéralement ses rêves de conquête du monde.
Cinnamon aussi a suscité mon irritation à de nombreuses reprises. Intrigante de prime abord, elle devient vite agaçante à force d’insolence et d’enfantillages, surtout dans la seconde partie face à Kanon, où j’ai plus d’une fois eu envie qu’il lui colle une bonne baffe pour lui apprendre à vivre. La troisième partie nous la rend un peu plus sympathique, même si je ne saisis pas bien pourquoi, alors qu’elle s’échappe d’un voyage scolaire, elle décide bille en tête de se plier aux règles imposées par le redouté Grand Pope. Pourquoi choisit-elle de lui obéir ? Certes, elle est très jeune, donc un peu innocente (dans tous les sens que ce terme peut recouvrir), elle considère que sa vraie vie est pourrie et que, à tout prendre, elle préfère susciter un intérêt, même malsain, plutôt que l’indifférence, mais j’ai trouvé qu’elle incarnait la victime consentante avec une complaisance trop facile.
Venue de nulle part, s’attirant l’attention perverse des gens craints et influents et développant un pouvoir inconnu, elle flirte de très près avec la Mary-Sue. Ce qui la sauve, c’est l’analyse relativement fine que l’auteur fait de son esprit torturé sous le joug du Cancer et le développement de sa personnalité perturbée. Il y avait un risque à prendre avec ce personnage et Ardell a le mérite d’avoir osé.
En même temps, je n’oublie pas que nous sommes dans un shonen, avec tout ce que ça sous-entend d’incohérences et de raccourcis dans le comportement des personnages. Si Cinnamon n’avait pas agi de cette façon, il n’y aurait clairement pas eu d’histoire.

Enfin, dernière remarque mais non des moindres, et qui rejoint la citation avec laquelle j’ai entamé la critique de l’histoire : ces Chevaliers d’Or, ces nobles âmes, si parfaits et proches des Dieux, n’ont-ils donc jamais réalisé qu’une gosse se faisait abuser sous leur nez par l’un d’eux ? Ont-ils volontairement fermé les yeux ? Ou sont-ils naïfs au point de croire que le Cancer, l’exécuteur psychopathe du Grand Pope, ne faisait somme toute rien de bien méchant avec cette jeune civile ? Oui, décidément, avec de tels aveugles, le Mal peut aisément triompher. Chacun d’eux aurait pu intervenir et soustraire Cinnamon à DeathMask, ordre du Grand Pope ou pas. Un Chevalier ne peut laisser un tel acte se perpétrer à côté de chez lui sans réagir. Voulue ou pas par l’auteur, c’est cette attitude d’autruche qui m’a finalement le plus dérangée en me laissant un sentiment désagréable, à la fois amer et désabusé.

En conclusion

Une bonne fic, assurément, mais dont on ne sort pas totalement indemne. Elle a l’avantage de réveiller les consciences et de faire réagir, et je me suis surprise plus d’une fois à rire, râler contre les personnages ou verser ma petite larme. Une immersion réussie, donc, le signe incontestable d’une histoire qui fonctionne. Je suis contente que l’auteur m’ait demandé cette review, car sans cela je ne me serais certainement pas donnée la peine de la découvrir et de replonger en enfance dans le fandom. Je n’ai pas boudé mon plaisir et, pour ceux qui voudraient poursuivre l’aventure, Ardell a publié un appendix avec quelques side-stories à sa side-story… Notamment ce qui s’est vraiment passé lors du premier passage de Cinnamon dans la Quatrième Maison…

Lien vers la fic :
Étoiles et Chaos

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