Le Terrier bourdonnait comme un vieil alambic. Un feu rustique et patient rougeoyait sous sa bonbonne ventrue, tandis que, dans ses étages biscornus, fusaient et tourbillonnaient les esprits vifs et limpides de ses habitants. La maison ronronnait sereinement lorsque la tribu endormie rêvait sous ses chaumes. Le foyer chantait sa douce et joyeuse ébullition dans la salle commune ou en cuisine lorsque le clan s’y réunissait. Le logis, cornue pansue, crachotait et toussotait lorsque survenait quelque dispute familiale, mais en tous temps la maison distillait à chacun, même de passage, l’affection des Weasley qui vivaient ou avaient vécu là.
Ginny et Hermione, seules jeunes filles du manoir-bicoque, partageaient une mansarde claire et douillette. La cadette des Weasley avait peuplé de ses propres colifichets le fatras accumulé par les générations antérieures, son cœur en essor avait dépoussiéré de sa touche naïve les couches épaisses de trophées d’antan.
Au calme de la nuit complice, les filles jasaient doucement, se confiaient l’une à l’autre en s’étonnant des duretés de ce monde et de sa grande absurdité : les garçons !
– Je suis stressée quand il me regarde !
– Tu devrais te détendre un peu quand il est là ! C’est juste un garçon, c’est tout simple un garçon : une petite flatterie, en mode discret, tu le lances sur le Quidditch, et voilà ! Enfin je dis ça…
– Et puis la plupart du temps, il me calcule même pas !
– Mais si, il t’aime bien ! Il faut juste que tu lui montres que tu n’es pas seulement la gentille petite frangine de son meilleur ami. Tu es aussi une jeune fille qui explore le monde à sa façon !
– J’aimerais tellement explorer avec lui !
– Justement, c’est ça qui ne va pas ! Tu dois lui montrer que tu es une fille indépendante, qui a ses idées et qui sait ce qu’elle veut ! Pas un petit satellite qui attendra gentiment en orbite que Monsieur se décide ! Il y a tellement à faire dans le monde des sorciers, comme chez les Moldus d’ailleurs ! Si tu t’intéressais à d’autres choses que lui, peut-être qu’il te trouverait plus attirante… Tout ce que tu risques, c’est de découvrir qu’il n’en vaut pas vraiment la peine !
Dans son for intérieur, Ginny s’étonna : avec ses mots mesurés, la sage Hermione lui conseillait d’aller voir un peu ailleurs ? L’idée semblait bizarre. Rendre Harry jaloux pour attirer son attention… ça aurait peut-être pu marcher si seulement il avait quelque chose à faire d’elle !
Mais Hermione était hantée par d’autres chimères. Son esprit entier se rebellait contre l’injustice. Le comportement odieux du ministre Bartemius Crouch envers sa petite elfe de maison l’avait profondément heurtée. Elle ruminait une résistance, elle brûlait de changer les choses.