Cadavre Exquis [Harry Potter] - Les mésaventures maléfiques du manuscrit moldu

Contribution de @morganecach

Qu’était-il donc censé faire ? La chaleur suffocante l’empêchait de former la moindre pensée cohérente. La fumée qui envahissait ses narines et ses poumons lui faisait tourner la tête. Au bord du précipice, devant les flammes qui montaient presque jusqu’à lui, il entendait très vaguement ses frères crier des exhortations incohérentes. Les deux jaloux tentaient de lui ravir son précieux. Ce livre fantastique l’avait libéré de leur mesquinerie et propulsé vers les sphères supérieures qu’il attendait depuis toujours, celles des véritables héros ! Quand il l’avait auprès de lui, il se sentait pousser des ailes, et une chaleur agréable venait apaiser son cœur… Les jumeaux se trompaient… ou tentaient de le tromper…

– Ce livre n’est pas un remède à nos malheurs, Ron, il en est la cause ! C’est lui qui t’envoûte !

La sueur perlait à grosses gouttes sur son front. Moi, envoûté ? Ils sont en plein délire… pas vrai ? Ron voulait bien admettre que son nouveau statut le dépassait quelque peu, mais tout de même !

– Réfléchis, Ron ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Nous sommes sur un volcan en Islande, voyons !! Tu viens ici tous les jours, peut- être ?

C’est vrai ça, pourquoi diable avait-il choisi de venir dans ce volcan précisément ? Il ne se souvenait plus quand et comment il avait pris la décision… était-ce bien là une décision ?

Ron se sentait tiraillé entre l’urgence de ses aspirations héroïques et la terne raison prosaïque de ses encombrants aînés.

La Vélane guettait l’expression hagarde inscrite sur le visage du rouquin. Quel idiot ! Pourquoi n’écoutait-il donc pas sa douce voix, qu’elle s’efforçait tant de garder mélodieuse ? Elle ne pouvait plus attendre… Si cet abruti de laideron mélanique ne jetait pas l’anneau, elle allait devoir s’en emparer elle-même ! Elle tenta son irrésistible sourire de petit chaton traqué, mais le regard de sa proie rousse se chargeait d’une ombre soupçonneuse.

Au moment où elle se jeta sur Ron, elle tenta de se rappeler que sa mission la plus importante était de préserver les pages du livre, et non de déchiqueter les entrailles de sa victime, mais sa rage l’aveuglait quelque peu, d’autant plus que “l’abruti” osait se défendre et l’attaquait en retour. Tandis que le grondement du volcan devenait de plus en plus intense, elle frappait, griffait, mordait, et dans un nuage de scories et de nuées ardentes, elle vit des pages déchirées s’envoler et s’éparpiller en direction des flammes. Elle s’arrêta un instant. Des pages déchirées ?

.oOo.

L’assaillante de Ron l’avait abandonné sur le sol brûlant et… tremblant. Le volcan semblait se réveiller. La lave en ébullition s’était élevée de plusieurs mètres depuis l’arrivée des frères, et se rapprochait dangereusement des Weasley. Georges hurlait des sorts de protection, mais ses « IMPERVIUS » et ses « DEPRIMO » ne semblaient n’avoir eu que peu d’effet sur l’immense masse rougeoyante qui s’élevait vers eux.

– Ron !! Lève-toi, il faut s’en aller ! Maintenant !

Les trois frères s’élancèrent dans la pente, louvoyant entre d’immenses coulées de lave menaçante qui perçaient le flanc de la montagne, les poursuivant de lueurs visqueuses.

Complètement désorientés, les jumeaux allaient de l’avant au hasard des gouffres béants et des coulées brûlantes, suivis de près par un Ron très perturbé.

Soudain le trio s’arrêta : ils étaient bloqués au bord d’un précipice !

– Il faut absolument qu’on trouve comment passer ce ravin ! s’exclama Georges. La lave continue de progresser derrière nous !

– Brillante idée, maintenant dis-nous COMMENT on va réussir ça ? A moins que tu connaisses un sortilège pour construire un PONT ENTIER bien évidement ?

Tandis que les jumeaux se disputaient, Ron tentait de retrouver ses esprits. Il était sonné et avait du mal à se souvenir de tout ce qu’il s’était passé. La fumée épaisse qui les environnait lui piquait les yeux, lui brûlait la gorge et semblait obnubiler son esprit. Souvenirs et fantasmes se bousculaient dans les ombres, la glace et le feu. Où étaient donc passés la Vélane et l’anneau ? Avaient-ils disparu lorsque les pages avaient été brûlées ? Ou alors la femme s’était jetée sur lui sous l’apparence d’un monstre ? Avait-elle fui avec le précieux ?

– Ron !! Réagis enfin !! On va se faire cramer ! Alors remue tes méninges!

– On va finir en écrevisse islandaise, si tu restes planté là sans rien faire !

Pour reprendre le contrôle de ses idées, Ron ne sut rien faire d’autre que tenter de remettre de l’ordre dans les quelques pages froissées qu’il tenait en main. Il jeta un œil à l’un des rares chapitres qui paraissaient indemnes. Une étrange créature, tapie là, marmonnait dans l’ombre rougeoyante. Ron parcourut en diagonale les pages suivantes, mais le personnage semblait y débattre sans fin dans le labyrinthe de son esprit schizophrène. Ce livre n’avait décidément aucun sens ! De dépit, il jeta les pages restantes à ses pieds.

Une voix grommelante qui semblait provenir du ravin interrompit le cours de ses pensées :

– « Plus de hâte, moins de vitesse. On ne doit pas risquer de se casser le cou, n’est-ce pas, mon trésor ? Non, mon trésor ! Gollum ! » [1]

Les trois frères se penchèrent au-dessus du fossé, et y virent, accroché à la paroi, une espèce d’elfe de maison qui les fixait avec ses yeux immenses.

[1] J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux

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Contribution de @OldGirlNoraArlani

:point_up_2: Pour faire court, vous êtes ici chez les salopards. C’est admis. On n’a pas des idées bien jojos, et on n’a pas peur de le dire ! On fomente, on renégate… (Loth d’Orcanie / Kaamelott)

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Quand un grand homme contrefait apparut dans la salle de réception, il fit sursauter toute la petite cour servile entourant lord Voldemort. Les chandelles vacillèrent, peinant contre la pénombre éternelle envahissant les moindres recoins. Tous restèrent figés deux secondes de trop, à l’exception de Greyback, Rogue et Malefoy, déjà prêts à contrattaquer.

L’intrus épousseta son pardessus froissé tout en leur adressant son meilleur sourire cruel. Puis, il transmuta sous leurs yeux en abandonnant la silhouette et la figure ravagée d’Alastor Maugrey. Méprisants, Rogue et Malefoy rengainèrent leur baguette et Greyback plissa ses yeux de fauve en ricanant.

— Barty ! l’accueillit le maître des lieux de son habituel ton fallacieusement suave. J’espère que tu as de bonnes nouvelles pour moi…

Le visage chafouin au long nez mince de Croupton Jr s’éclaira, tandis qu’il triomphait en sourdine.

— Excellentes, monseigneur. Nous avons l’anneau !

Tous les visages grimacèrent fugacement, sauf celui de Rogue resté de marbre. La longue robe sombre du Seigneur des Ténèbres tangua en léchant le sol, lorsqu’il pivota vivement.

— Oh, vraiment ? Tu as su égarer les gêneurs, Potter et sa clique pitoyable ?

— Oui. Macnair y a contribué en attirant la Sssang-de-bourbe. Le rouquin imbécile s’est jeté tête baissée dans le piège tendu par la Vélane. Ssoumis au sort de chamboultête, et faute de ssavoir ce qu’il avait entre les mains, il lui a remis l’objet et elle me l’a rapporté…

Ménageant son effet, Croupton tira d’une poche un anneau doré semblant fait d’un chaud métal vivant. Il le leva entre le pouce et l’index, en prenant soin de faire miroiter ses mystérieuses inscriptions gravées. Affectée par l’aura de puissance terrible qui s’en dégageait, l’assistance des Mangemorts fit un pas en avant.

— Donne-le ! ordonna le Seigneur des Ténèbres.

L’objet resplendit dans la paume ouverte de Barty, comme il s’exécutait avec respect. D’un mouvement du poignet, lord Voldemort refoula les curieux, avec un regard acéré pour Croupton et Rogue – les deux seuls Occlumens qui n’avaient pas bougé et s’avéraient capables de résister à la pression formidable exercée par l’Anneau de pouvoir.

Un sourire effroyable aux lèvres, le Seigneur des Ténèbres recueillit le précieux bijou et le caressa de l’index. Il sentait dans son esprit toute sa puissance corruptrice et s’en délectait sans pour autant s’y soumettre.

Ivre de cette sourde puissance, il claqua ses longues mains l’une contre l’autre pour congédier son monde. Un par un, les membres de sa garde rapprochée s’éclipsèrent en transplanant. Certains eurent assez de temps pour voir Peter Pettigrow s’introduire par une petite porte latérale.

— Monseigneur, le magicien est là, chuchota-t-il.

Le Seigneur des Ténèbres s’amusa de ce titre. Les magiciens ne produisaient que des tours de foire pour amuser les sots, seuls les sorciers maîtrisaient les véritables arts sombres.

Celui qui venait d’entrer le laissa pourtant légèrement perplexe. Il se présentait comme un grand barbu sec et chenu, revêtu d’une bure claire. Dans tout ce blanc répugnant, émergeaient des yeux perçants aux poches profondes, un nez busqué et les lèvres minces de ceux qui brident leurs émotions. Appuyé sur un bâton acéré surmonté d’un cristal opaque, il passa en revue toute la pièce avant de s’arrêter sur Lucius Malefoy. Pour quelque mystérieuse raison, le visage aristocratique et les longs cheveux lisses trop pâles du Serpentard ne lui revenaient pas…

Le nouveau venu daigna se présenter sans baisser le regard, avec un simple signe de tête. C’est là que Voldemort apprit à reconnaître la maîtrise du magicien Saroumane. Quand ce dernier parvint à attirer l’anneau à lui, en un bras de fer de sorcellerie que l’invité gagna au grand dam de son hôte.

— Allons, soyez raisonnable, sorcier. Je vous laisse le livre et ce n’est pas rien. De fait, vous allez hériter d’une armée d’orcs, de wargs, une poignée de trolls et deux nazguls… Ne soyez pas trop gourmand. Avec ces renforts, vous écraserez vos opposants.

.O.

Dans leurs cadres dorés, les portraits des anciens directeurs lui adressaient des reproches silencieux pendant qu’il s’efforçait de calligraphier un court billet. Le vieil homme leur jeta un coup d’œil, au-dessus de ses bésicles en demi-lune et passa outre leurs moues réprobatrices.

— Mes bons amis, il faut qu’Harry franchisse cette porte de son plein gré. Vous savez ce dont on m’accuse à son propos…

— Et bien les accusations seront pires si on découvre que vous envoyez ce genre de lettre à une élève ! pesta Phineas Black dans sa large barbe. Par les temps qui courent, si vous étiez renvoyé, Poudlard ne serait plus en sécurité !

— Je ne le fais pas de gaité de cœur, croyez-le bien. Mais Miss Granger est une jeune fille très perspicace. Elle ne mettra pas longtemps à comprendre que quelque chose cloche dans ces missives que je retouche. Et comme Harry voudra forcément l’accompagner…

Le grincement de la gargouille qui livrait passage les fit tous se tourner en direction du bruit.

— Qu’est-ce que je vous disais ? Ils sont déjà là.

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Contribution de Praefectus Cadaveris

Les yeux globuleux fixaient Ron. Lorsque les jumeaux se penchèrent à leur tour au-dessus du précipice, le corps malingre et quasi-squelettique du pauvre hère interrompit sa reptation le long de la paroi.
Des vapeurs suffocantes s’échappaient des crevasses. Leur odeur entêtante de souffre émoussait les esprits.
La créature, qui semblait se jouer de l’à-pic comme si ses membres pouvaient coller à la roche, scrutait les Weasley avec une lueur de méfiance dans ses orbites vitreuses.
Le volcan vomissait lentement sa colère, agité de grondements sourds et menaçants.

— Laissez-moi lui parler, les gars, souffla Ron, enjoignant d’un geste à ses aînés de se reculer pour ne pas effaroucher la créature.

Il plongea son regard dans celui du curieux humanoïde, dont la posture à ce moment rappelait plutôt une araignée grêle, cramponnée au mur de quelque cellier.

— Tu es un elfe, n’est-ce pas ? essaya Ron d’un ton plein d’espoir.

Les yeux immenses de la créature se plissèrent en une mimique méfiante mais le ton engageant de Ron et surtout son air de franchise naïve et fruste eurent raison des doutes qui marquaient la face blême et chafouine.
Un instant pris de vertige dans les vapeurs empoisonnées, Ron cligna des yeux, surpris par des visions trompeuses.
Lorsqu’il les rouvrit, ce fut comme si ses mirages avaient transmué la créature, dont la tête s’ornait à présent de longues oreilles triangulaires, corroborant à merveille cet air de caniche docile et malheureux des elfes de maison malmenés par leur maître.

— Je sais ce que tu endures, lança Ron dans un élan d’empathie héroïque.

.oOo.

Les jumeaux ne surent pas ce que leur cadet avait su partager avec la créature, les doutes, les remords et les souffrances qui les avaient rapprochés.
Ron et la créature avaient longuement chuchoté dans les grondements d’apocalypse, jusqu’au moment où Fred et Georges, acculés par les coulées de lave, s’étaient enfin agrippés aux épaules de leur frère.

Tous trois disparurent dans un claquement sec.

.oOo.
L’âpre froissement de tôle distordue cessant, les rescapés se matérialisèrent dans la salle commune du Terrier. De retour dans la sécurité du nid familial, les jumeaux s’entre-regardèrent avec stupeur, étonnement, puis émerveillement.
Après s’être assurés de la réalité consistante l’un de l’autre, laissant éclater leur joie, ils se ruèrent sur Ron pour submerger leur frère de viriles embrassades.
Celui-ci, accroupi sur un fauteuil, semblait encore en tête-à-tête avec lui-même, débattant de quelque regret dans le double-fond de ses pensées.

Aucune trace de l’elfe du volcan, ou quoi d’autre que ce put avoir été, mais lorsque la tornade jumelle s’abattit sur Ron, ce dernier leur jeta un regard ambigu :

— Mon Précieux, vont-ils enfin nous laisser tranquilles ?

Mais les chicaneries complices de ses frères le dépouillèrent de son air maussade. Les rouquins se ruèrent sur le garde-manger, chambardant sans vergogne les réserves de Maman Weasley, pour finir leur sarabande affalés pêle-mêle sur le sofa.

Le trio goûta un instant la quiétude du Terrier :
— …
— C’est pas normal, ça ! s’étonna Ron, fronçant le sourcil.
— …
— Mais c’est vrai, où sont Hermione, Ginny et Harry ?
Fred et Georges échangeaient un regard de commisération, lorsque la cheminée, dans une bouffée verdâtre, vomit sont lot de problèmes supplémentaires :

Flanquée d’Arthur et Molly, Tante Muriel s’avança, la face revêche et le sourire pincé.

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Contribution de @ensorceleurisee

Les jumeaux se liquéfièrent sous le regard fulminant de leur Tante Muriel. Elle cria d’une voix hystérique :

– Vous allez me payer ce mauvais tour ! Oser me jeter un sort de confusion ?! A cause de votre total irrespect j’ai fini nue, chantant en plein milieu d’un rond-point de Moldus ! La honte de ma vie !

Les coupables ne purent s’empêcher de pouffer à l’évocation avant de prendre leurs jambes à leur cou, courant en zigzag dans des directions opposées. Leur hilarité ajouta à la fureur de la femme qui entreprit de les poursuivre, armée de son parapluie avec lequel elle essayait de les battre tout en leur hurlant des noms d’oiseaux :

– Revenez immédiatement, fripouilles, vauriens, énergumènes sans éducation, gobelins mal léchés ! Attendez que je vous attrape et vous apprendrez à respecter vos ainés. Vous êtes d’épouvantables bigorneaux baveurs, des scolopendres grouillants, des microcéphales mono-neuronaux ! Une belle paire de glands sur le vénérable arbre de notre famille !

Ron, Molly et Arthur regardaient la scène avec des yeux ronds, sans penser à intervenir. Le fou-rire gagna le jeune Weasley, se propageant à ses parents. Tous finirent en larmes, assis au sol en se tenant les côtes tandis que l’infatigable Tante Muriel continuait de poursuivre les jumeaux mi terrifiés, mi hilares. C’est Molly qui finit par reprendre ses esprits et qui sortit sa baguette magique pour lancer un sort d’apaisement. Dans l’immobilité qui suivit, le silence se fit enfin. Les jumeaux furent contraints par le regard sévère de leur mère de présenter leurs plates excuses. La Tante Muriel elle-même se soumit exceptionnellement à sa sœur qui irradiait d’une autorité rappelant leur chère maman. Elle renonça, provisoirement du moins, à corriger ses neveux comme il se devait. Molly questionna alors ses trois fils :

– Par Merlin, pourquoi êtes-vous dans un tel état ? Vous avez l’air roussis et sentez… le souffre ?! Et où sont donc Harry, Hermione et Ginny ?!

George, Fred et Ron s’interrogèrent du regard, se demandant comment expliquer la situation aux adultes sans aggraver leur cas. C’est Ron, pris d’une inspiration soudaine probablement soufflée par son ouvrage dérobé, qui prétexta un devoir de potions ayant mal tourné et pour lequel les trois autres seraient partis consulter des livres pour en trouver la solution. Cette explication bancale sembla convenir à sa mère qui, après un soupir las, les envoya tous se doucher en attendant le retour du reste de la bande pour dîner. Elle en profita pour détourner l’attention de sa sœur en l’amenant en cuisine où les attendait le festin si longuement mitonné.

Le carnage qui l’attendait en cuisine lui fit dresser les cheveux sur la tête, ses goinfres de fils étaient passés par là et aucun plat n’avait été épargné. Molly sentit la moutarde lui monter au nez, renforcée par les commentaires désobligeants de Muriel qui jubilait de pouvoir s’en prendre à sa sœur, à défaut de ses épouvantables neveux. Maman Weasley rougit, puis blêmit, étouffa un cri et se mit à convulser de contrariété, tournoyant sur elle-même comme une toupie électrique prise de folie.

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Contribution de @kitsune-aux-amandes

Quand Albus Dumbledore, directeur en chef de Poudlard depuis plusieurs décennies (en témoignait la longueur de sa barbe qu’il n’avait pas coupée depuis son ascension au poste) entendit sa cheminée crépiter, il dut délaisser son dilemme cornélien journalier – entendez par là son choix entre bonbon au citron ou suçacides – pour accueillir le jeune Sauveur-du-monde-sorcier et sa meilleure amie. Et, à en juger par les cheveux encore plus décoiffés que d’habitude de son protégé, et ses yeux orageux, la discussion allait être houleuse. L’éminent personnage eut à peine le temps de dire à la Princesse des Gryffondors que son soupirant se morfondait dans la bibliothèque que la jeune sorcière disparaissait plus vite qu’un rominet dans les couloirs de l’illustre école. Il soupira. Il avait fait le choix de laisser à cet amoureux transi l’occasion de révéler son histoire à Hermione en personne, mais la conversation qu’il allait avoir avec Harry ne serait pas de tout repos non plus. Il aurait bien besoin d’un bonbon au citron.

La jeune femme marchait d’un pas pressé en direction de son lieu préféré. Mille questions trottaient dans sa tête déjà bien remplie. Qui était réellement Laurent Dupont ? Que lui voulait-il vraiment en prenant contact avec elle ? Se moquer d’elle ? Y avait-il une once de sincérité dans toutes les belles paroles qu’il lui avait envoyées ? Et s’il s’agissait du Professeur Flitwick ? Ou pire, de Rusard ? A cette obscure pensées sortie d’on ne sait où, Hermione s’arrêta net. Elle était prête à tout entendre, pourvu que ce ne soit pas Rusard son prétendant. Se donnant du courage – cette qualité si représentative de sa maison – elle reprit sa marche, se répétant que Dumbledore n’aurait jamais permis que son concierge courtise une élève.

Quand elle pénétra dans la pièce, il ne lui fallut que quelques secondes pour découvrir son prétendant, anxieusement assis dans l’alcôve d’une fenêtre. Son cœur battit plus fort, alors qu’un soulagement intense l’envahissait. Ce n’était ni Rusard, ni le professeur Flitwick. En fait il ne s’agissait pas d’un professeur, mais bien d’un élève, même si la Gryffondor n’avait pas le souvenir de l’avoir déjà vraiment vu. Mais tout de suite après, la sensation d’avoir été bernée refit surface, et c’est avec fureur qu’elle se dirigea à grand pas vers lui. En la voyant arriver, son prétendant se leva vivement, et eut la bonne grâce de prendre un air coupable.

—Hermione… Je…

Mais devant la rage visible dans les yeux de la Gryffondor, le Serdaigle se tut subitement, comme réduit au silence d’un simple regard. La sorcière en profita pour prendre l’avantage.

—COMMENT AS-TU OSE ? Quel était le but de toute cette machination ? Te moquer de moi ? M’humilier ? J’espère que tu t’es bien amusé avec tes petits amis, parce que c’est terminé ! Je ne serai plus le dindon de la farce !

Ahuri, le Serdaigle eut le réflexe de retenir les bras d’Hermione, alors que cette dernière levait les poings, prête à le frapper, oubliant momentanément qu’un sort aurait probablement été beaucoup plus efficace.

—Hermione, tu n’y es pas du tout ! Je n’ai jamais voulu sciemment jouer avec toi ! Laisse-moi t’expliquer s’il te plaît. Je voulais avoir une chance de tout te raconter moi-même, c’est pour ça que j’ai demandé au professeur Dumbledore de ne rien te dire.

Hermione aurait bien voulu continuer à hurler sa colère et sa douleur, mais la lueur désespérée dans les yeux de son vis-à-vis la poussa à consentir à sa demande. Qu’importe son histoire, elle pourrait toujours lui crier après ensuite, si l’envie l’en prenait. Soufflant de soulagement, son interlocuteur se retourna vers la fenêtre donnant sur le lac, trouvant dans le paysage le courage de raconter comment cette pseudo relation était née.

—Mon vrai nom est Pierce Blake. Je suis en dernière année à Serdaigle. Je t’ai toujours observée depuis ton arrivée à Poudlard, Hermione. Vraiment. J’admire ton courage, ta force de caractère, mais aussi ton intelligence et ta vivacité d’esprit. Je t’ai croisée de nombreuses fois dans les couloirs, accompagnée de tes amis, mais toi, tu ne m’as jamais remarqué. Je sais que je suis quelconque. Je n’ai pas pour moi la célébrité d’Harry Potter, ou la beauté glaciale de Drago Malefoy. Alors, je me suis dit que si je me rendais un peu plus attrayant, tu me remarquerais enfin.

Par un coup du destin, alors qu’il parlait, son physique commença à se modifier sous les yeux d’une Hermione médusée. De blond, ses cheveux devinrent d’un brun clair, ses yeux bleus retrouvèrent leur couleur verte naturelle et son visage devint moins parfait, plus rondouillard. Il restait malgré tout un bel homme, mais pas une personne que l’on regarderait immédiatement dans la rue.

—Du Polynectar…

—Oui. J’ai commencé à me déguiser quand je suis arrivé en France pour les vacances. J’avais entendu dire que tu irais sur Paris pour quelques jours, mais je ne savais pas quand, alors je me suis débrouillé pour y passer mon été. Dès le premier jour, j’ai commencé à prendre du Polynectar, en empruntant des bouteilles à un oncle par alliance. Quand nous nous sommes rencontré par hasard dans la rue et que tu t’es intéressée à moi, j’étais aux anges. Même si tout ce stratagème me mettait mal à l’aise, je me disais que si tu découvrais le pot-aux-roses, tu m’en voudrais et je te perdrais. Mais ne rien te dire à finalement causé ma perte. Mon parent m’a découvert en train de prendre ses flacons. Ce que j’ignorais, c’est qu’il travaillait pour Tu-sais-qui, leur fournissant la fameuse potion. Il m’a menacé et a juré de s’en prendre à ma famille si je ne faisais pas ce qu’il disait. Je devais, à travers mes lettres, t’éloigner de tes amis pour les rendre vulnérables. Quelque part, je me disais que cela te rapprochait de moi, même si je détestais te mentir sur mon identité. Mais je n’ai pas eu le choix. Je suis sincèrement désolé Hermione. Tout ce que j’ai pu te dire était sincère. Mes sentiments l’étaient et le sont toujours. Je n’ai juste pas pu faire autrement.

Pendant un long moment, Hermione resta silencieuse devant le Serdaigle – Pierce. Quelque part, elle était flattée qu’un garçon plus âgé se sente intéressé par elle au point d’en arriver à tenter n’importe quoi pour lui plaire. Et puis, il n’était pas si moche, sous son apparence naturelle, et elle se disait qu’avec un peu de temps et s’il avait eu le courage de l’aborder, elle aurait pu véritablement s’intéresser à lui. Mais d’un autre côté, elle n’approuvait pas du tout la manière dont il lui avait menti, se jouant d’elle. Elle ne pouvait pas passer outre le fait que cela avait mis son meilleur ami en danger – enfin plus qu’il ne l’était habituellement. Forte de la décision qu’elle venait de prendre, elle reprit la parole, et se félicita intérieurement quand sa voix ne trembla pas.

—Merci de t’être autant intéressé à moi Pierce. Mais je ne suis pas d’accord. Quel que soit les difficultés que l’on rencontre, on a toujours le choix. Je sais que c’est parfois difficile, mais tu aurais pu te tourner directement vers le professeur Dumbledore. Tu dis que tu aimes mon courage, mais je ne suis pas intrépide. J’aimais les lettres de Laurent, mais j’aurais certainement pu aimer celles de Pierce si tu avais fait le choix de ne pas plier devant la volonté de quelqu’un. Je t’en veux mais je peux comprendre que ça soit difficile de savoir quoi faire. J’accepte tes excuses. Néanmoins, pour le moment, je ne veux plus avoir de contact avec toi. Je dois… digérer tout ça.

Sans attendre de réponse, Hermione Granger, princesse des Gryffondors, tourna les talons, fermant ainsi une page de sa vie d’adolescente. Harry avait raison, elle était bien trop terre-à-terre pour rêver longtemps. Mais elle ne se doutait pas que, en quittant la bibliothèque, elle était suivie par le regard admiratif d’un Serdaigle de septième année, pensif devant tant de sagesse, et bien décidé à désormais reconquérir le cœur de sa belle sans aucun mensonge.

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Contribution de @morganecach

Harry observa le vieil homme plonger sereinement sa main dans une coupe remplie de bonbons d’une couleur jaune criarde. Comment pouvait-il être aussi calme alors qu’il venait d’envoyer Hermione rencontrer un type aussi louche que Laurent Dupont? Que savait-il donc des événements qui s’étaient déroulés ces derniers jours, et surtout, pourquoi diable était-il toujours au courant de tout ?

Comme toujours, Dumbledore semblait lire dans ses pensées et sa voix résonna clairement dans le bureau.

– Mon cher Harry. Tout d’abord, je tiens à t’assurer que ton amie Hermione ne court aucun danger. Le jeune Pierce – que tu connais, il me semble, sous le nom de Laurent Dupont – ne constitue en aucun cas une menace pour elle, il est tout simplement une personne très influençable. Mais rassure toi, il suivra dès la rentrée des cours de protection contre la manipulation mentale avec votre nouveau professeur de défense contre les forces du mal.

– Mais professeur, comment connaissez vous Laurent ? Enfin, Pierce, s’il s’appelle réellement comme ça ! Les pensées de Harry tourbillonnaient dans sa tête et étaient presque aussi désordonnées que ses cheveux. Est-il lié à toute cette histoire de livre ? Ou est ce qu’il écrivait à Hermione sous vos ordres ?

– Oh non, non, il ne lui écrivait pas sous mes ordres, bien au contraire. Je dois avouer avoir dû écrire quelques lettres à ton amie moi-même, afin de ne pas la désorienter, mais il faudrait commencer au commencement… L’histoire de ma rencontre avec lui est un conte tout à fait palpitant qui a débuté à la fin de l’année précédente, lorsque tu étais, je le crains, bien trop préoccupé par de nouvelles rencontres…

Le regard pétillant de Dumbledore croisa celui de Harry,

– … pour porter ton attention sur autre chose. Comme tous les ans, tu le sais, les 7èmes années passent leurs ASPIC. Comme tous les ans, certains élèves consacrent plus de temps et d’intelligence à trouver un moyen de réussir leurs ASPIC sans réviser qu’à réellement réviser. Et, comme tous les ans, notre aimable concierge Rusard a fait du démasquage de ces élèves sa mission personnelle. Il m’a alors rapporté des faits étranges, comme par exemple des élèves se trouvant à plusieurs endroits à la fois.

– Est ce qu’ils utilisaient un retourneur de temps, comme Hermione l’an dernier ? Je pensais qu’elle était la seule élève à en avoir reçu un !

– Et tu as bien raison ! Il s’agissait d’un autre stratagème, dont tu as toi même également fait usage il y a quelques années…

– Du Polynectar ! S’écria Harry.

Le sourire bienveillant du professeur, satisfait que son élève trouve une bonne réponse, grandit.

– Oh, il était déjà arrivé, bien sûr, que des élèves essaient de concocter cette potion afin d’envoyer des amis qu’ils considèrent comme plus doués qu’eux passer leurs épreuves à leur place. Cependant, c’était la première fois qu’ils n’eurent pas à la concocter eux même. Vois-tu, j’ai appris quelques temps après par le barman de la tête de Sanglier qu’il se déroulait là bas un discret petit trafic de potions entre un homme et nos chers 7èmes années. Malheureusement, en y allant boire une petite bièraubeurre – et pour enquêter, comme tu peux t’en douter – j’ai aussi découvert qu’il avait également pour clients des sorciers peu recommandables. Peut être sais-tu déjà de qui il s’agit ?

– Des Mangemorts ?

– Très certainement, ou du moins des personnes ayant un pied bien ancré dans la magie noire. Tu devines donc que j’ai alors du… discuter, avec lui. Tu aurais dû l’entendre, le malheureux était presque rongé de remords : « le pauvre Pierce, il voulait simplement séduire une camarade, et moi je me suis retrouvé forcé à menacer sa petite sœur ! Si seulement j’avais su que vendre mes concoctions m’attirerait autant d’ennuis… »


Harry coupa court aux imitations de Dumbledore pour l’interroger sur l’identité de l’homme en question.

– Tu sais, ses paroles décousues et incohérentes nous ont tout de suite fait comprendre, aux Aurors présents lors de cet interrogatoire ainsi qu’à moi même, qu’il était sous l’influence du sortilège de l’imperium. Les Aurors voulaient l’utiliser pour infiltrer les mages noirs, mais j’ai heureusement réussi à les convaincre qu’il était plus prudent de le garder protégé. Après la disparition d’une employée du ministère, qui a eu lieu cet été, qui sait ce qui pourrait lui arriver. Je crains donc que son nom soit désormais classé secret, répondit le directeur avec un clin d’œil.

En observant le regard malicieux de son directeur, Harry songea avec amusement qu’une fois de plus, celui-ci semblait plus vouloir l’encourager à découvrir cette identité secrète qu’à laisser tomber l’affaire.

– En revanche concernant ce… livre ? , j’ai bien peur de ne pas savoir de quoi tu parles. Y a t’il quelque chose dont tu voudrais me parler ?

– Et bien… Supposons, Professeur, qu’une… personne, née d’un sortilège d’illusion, se croie fondamentalement réelle… et que cela lui ait ainsi créé une attache dans notre monde, qui l’empêcherait de disparaître… comment est ce que vous vous y prendriez pour la convaincre qu’elle n’est en fait… pas vraiment réelle ?

– Oh, j’imagine que n’importe qui serait extrêmement offensé de découvrir qu’on ne le croit pas réel. Il s’agirait là d’une démarche quelque peu insultante et même blessante envers cette pauvre illusion ! La cruauté n’est pas dans mes manières ; je n’ai donc malheureusement aucune solution à te proposer… Mais tu sais, Harry, une bonne nuit de sommeil pourrait vous porter conseil. Les rêves offrent parfois des réponses à nos questions et des clés à nos portes verrouillées.

Après quelques instants d’un silence lourd de réflexion, la porte s’ouvrit sur le visage de Hermione, grave et fermé. Avec sobriété, les deux élèves saluèrent et prirent congé du Directeur.

Dumbledore regarda ses deux élèves sortir de son bureau avec ce petit sourire entendu, tapi sous sa moustache, de qui a fait discrètement passer son message. Il ouvrit un nouveau bonbon au citron, acide et pétillant, qu’il glissa dans sa bouche. Il ne savait peut être pas ce qu’était ce fameux livre, dont Harry avait vanté mérites et périls, mais il croyait deviner. Et généralement, il devinait bien.

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Contribution de @OldGirlNoraArlani

Harry et Hermione sortirent dépités du bureau de Dumbledore qui les avait gentiment mis à la porte en prétextant une course urgente. Sans lui, comment pourraient-ils faire cesser les tractations inquiétantes des Mangemorts ? Le journal de Rita Skeeter avait beau être un torchon, il rapportait des faits étranges difficiles à débouter car Harry avait vu les drôles de détraqueurs juchés sur des sombrals.

— Écoute, dit-il, on tourne en rond. On va se débrouiller. Retournons fouiner chez Fleury & Bott. C’est de là qu’est parti tout le battage autour du livre… Ils doivent bien savoir où trouver le bonhomme aux pieds poilus. Il te reste du Polynectar ? Il faudrait y aller incognito.

Hermione farfouilla dans son sac et en sortit une fiole presque vide.

— Quelques gouttes, ça ne tiendra pas longtemps. Tu as raison, le petit grand-père est lié à tout ça. Mais s’il n’est pas un sorcier comment pourrait-il être ici ? D’où est-ce qu’il sort ?

— Du livre ? ricana Harry pour plaisanter.

A sa surprise, la jeune fille écarquilla les yeux en le prenant très au sérieux.

— Pas bête ! Mais qui aurait assez de puissance pour donner corps à un être fictif ?

— Peut-être que ce n’est pas « quelqu’un » ? Après tout, on sait tous les deux que c’est un livre moldu. Et si sa photo de couverture avait « bugué » en arrivant dans le monde sorcier ?

.oOo.

Très élégant dans une cape sombre estampillée Dingotte, l’homme aux longs cheveux platine pénétra dans la boutique comme en terre conquise et se planta au milieu. Le visage hautain, il attendit qu’on daigne venir s’occuper de lui.

— Pourquoi ce n’est pas moi qui fais Lucius Malefoy ? chuchota Harry. Je ne me sens pas très à l’aise déguisé en Draco…

— Prends un air idiot et arrogant : tu seras parfait. Chut. Voilà Fleury…

Hermione-Lucius se pencha vers le libraire qu’elle le toisa d’un regard de glace. Elle tapota le gilet du brave homme du pommeau de sa canne.

— Où est l’auteur du roman ? Je veux qu’il dédicace l’exemplaire de mon fils.

Fleury jeta un coup d’œil sur la progéniture au sourire torve et bredouilla des sons inintelligibles qui semblaient vouloir dire qu’il n’en savait rien.

— Allons, pas de ça ! On sait que votre aïeul avait du sang gobelin ! Vous seriez incapable de lâcher un tel profit. A ce propos, il serait regrettable que le Ministère vienne contrôler vos…

Affolé, l’homme s’enfuit vers l’arrière-boutique et s’en revint en zigzagant entre les étals qui ployaient sous des monceaux d’ouvrages. Il leur tendit un morceau de parchemin qu’Harry-Draco lui arracha vivement des doigts, avec une insolence plus vraie que nature.

Après un salut froid, les imposteurs se hâtèrent de sortir car Lucius commençait à roussir des pointes… Se réfugiant à la hâte dans le renfoncement complice d’une ruelle, ils contemplèrent le parchemin avec consternation.

— C’est dans le Worcestershire ! s’étrangla Harry. Comment on va y aller ?

— En volant assez haut.

— Voiture d’Arthur ou moto d’Hagrid ?

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Contribution de @OldGirlNoraArlani, 2nde partie

Filant au-dessus d’une luxuriante campagne, la moto au GPS magique ne tarda pas à les mener au cœur du bocage anglais. Mais la tanière du vieil excentrique ne se laissait pas découvrir si facilement. Tout l’après-midi, ils arpentèrent depuis les cieux les routes bordées de haies épaisses, où perçaient de temps à autres un portail de bois, l’entrée d’un riant jardin ou le perron d’une chaumière.

Tassés à deux dans le side-car, Ron et Hermione s’usaient les yeux sans succès sur des sorbiers et sureaux, lorsque Ron, très nerveux depuis leur départ, aperçut finalement un pourpoint rouge, à l’ombre d’un talus de belle taille. Il toucha le bras d’Harry qui ralentit et se posa dans un vrombissement sonore.

C’était bien lui. Pieds nus, le bonhomme faisait la sieste sur un banc de bois. Sa tête blanche dodelinait un peu pendant que sa pipe en équilibre précaire, menaçait de déverser son contenu sur le revers de son manteau.

C’est le ronron d’une bien étrange guimbarde roulant jusque devant son banc qui lui fit rouvrir les yeux brusquement et considérer les passagers d’un air effaré. L’odeur forte de l’engin lui fit plisser le nez mais, même s’il aspirait généralement au calme, la curiosité le réveilla tout à fait. Assez pour que la politesse le pousse à les saluer.

— Bonjour ! commença-t-il d’un air affable.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ? Que c’est une bonne journée que je le veuille ou pas ? maugréa Ron pas remis de sa mésaventure, et plutôt méfiant face au…

Voleur ! Voleur !

Le jeune Weasley cligna des yeux pour chasser cette pensée bizarre et aida Harry à caler la moto qu’ils avaient « empruntée » et non volée à Hagrid.

— Ah, monsieur Sockett, soupira Harry, on a eu du mal à vous trouver. Vous habitez vraiment dans un trou !

— Hum, hum, mon jeune ami, c’est notre fierté à nous autres Hobbits de vivre en communauté paisible.

— Harry, ça se prononce Sacquet ! sourit nerveusement Hermione en le poussant du coude.

— Pardonnez-moi. Nous sommes… euh… très fans de vos aventures et nous avons parcouru un bon bout de chemin dans l’espoir que vous nous en disiez plus…

— Ah baste ! soupira l’autre avec un mouvement de la main. Vous êtes bien trop jeune pour être fané. Tenez, vous me rappelez mon neveu… Où est-il donc allé baguenauder encore celui-là ? Il devrait être revenu depuis longtemps ! Je m’inquiéterais presque de son manque de jugeote !

— Oh ? Il est en voyage avec des amis, peut-être ? intervint Hermione pendant que Ron se tenait en arrière en observant tout d’un œil rogue.

Le centenaire se redressa sur ses pieds velus mais il n’arrivait qu’au menton d’Hermione.

— Jeune demoiselle, je vois bien que vous avez lu mon livre un peu de travers, c’est moi qui suis parti avec des amis en quête d’un dragon maléfique gardant jalousement un tas d’or ! scanda-t-il avec grandiloquence et effets de manches, comme s’il contait son histoire aux enfants de son village.

— Ah ? fit Ron un peu plus intéressé. Un norvégien à crête ou un boutefeu chinois ? Mon frère est dans les dragons…

— Ça pour sûr, il boutait le feu ! Il a anéanti toute la cité lacustre non loin de la montagne solitaire… j’y étais !

— Fascinant ! commenta Hermione pour l’amadouer. Et toutes ces aventures ne vous manquent-elles pas un peu ? N’auriez-vous pas envie d’en tenter encore une autre ?

— Non non, ma jeune amie, c’était juste l’histoire d’un aller-retour. Je suis content d’être revenu chez moi dans la Comté, dit-il avec un geste large du bras. Rien ne vaut son bocage charmant, ses douces collines vertes et ses arbres centenaires. Mais les charrettes sont devenues étranges. En tous cas, c’est un havre moins gris que celui où j’aspirais à finir mes vieux jours… Tenez puisqu’on parle d’arbres, voudriez-vous écouter les aventures de Tom Bombadil ? Je les ai justement ici dans mon premier manuscrit… Un vaillant compagnon tout autant qu’admirable, dont j’aurais aimé savoir m’inspirer davantage. Je regrette d’avoir trop peu détaillé tout ce que je lui dois ! Imaginez qu’il était capable de résister au pouvoir corrupteur de…

Ron, Harry et Hermione s’était penchés vers lui avec un intérêt dont le vieil homme sembla prendre subitement conscience. Il se recula d’instinct et tâta fébrilement sa poche de montre à gousset qui était vide.

— Où est-il ? Où l’ai-je mis ?

Ron sursauta en le voyant faire. La face aimable du Hobbit s’était muée en une trogne avide et tourmentée, jetant des regards alarmés autour de lui. Les mains rapaces du bonhomme s’étaient mises à trembler en farfouillant dans ses poches.

— Il est ici, répondit la jeune fille d’un ton réconfortant, en désignant les feuilles mal reliées restées sur le banc. Avec vos amis, votre maison et votre village. Ne voyez-vous pas que vous vous retrouvez dans une impasse ?

— Un ■■■-de-sac ? Évidemment ! Et c’est bien mon intention d’y rester !

— Bien sûr, que nous sommes bêtes ! Vous êtes trop vieux maintenant pour d’autres aventures. Vous préférez rester tranquille sur votre banc, comme un retraité, à caresser des souvenirs au lieu de les vivre !

Refroidi, l’ancêtre ressortit sa blague à tabac pour regarnir sa pipe qu’il ralluma avec un briquet ancien.

— Jeunes gens, je ne vois pas bien ce que vous me voulez et vos insinuations me déplaisent.

Harry retint la fougue d’Hermione et prit un air grave derrière ses lunettes rondes.

— Monsieur Sacquet, nous ne voulions pas vous importuner. Nous sommes ici car nous avons désespérément besoin de votre aide !

— Hm ! A quoi donc pensez-vous que le retraité sur son banc puisse encore être bon ?

— Nous emmener dans votre monde !

Le Hobbit gloussa en tirant sur sa pipe ravivée et émit des ronds de fumée artistiques et joyeux.

— Lisez donc mon histoire et vous y serez en un instant ! Ce sont mes souvenirs, comment voulez-vous y aller ? Vous savez comment remonter le temps ?

Hermione afficha un petit sourire mi-figue, mi-raisin et consulta ses deux amis du regard en dansant d’un pied sur l’autre.

— Eh bien, à vrai dire…

Le vieil homme dressa une oreille à la fois pointue et curieuse face à cette hésitation.

— Monsieur Sacquet, insista Harry, vous avez déjà lutté contre le Mal, et nous avons besoin de votre expérience pour le combattre ici ! Notre monde est magique ! Tout ce que vous avez écrit déborde chez nous et prend forme solide… comme si une porte s’était créée entre votre univers et le nôtre. Des créatures et des personnages malintentionnés la franchissent. Ils envahissent un territoire où ils ne devraient pas être, et bouleversent l’équilibre en servant un mage noir !

— Mais que me chantez-vous là ? Vous avez perdu la raison ? Une porte vers mon passé ? Même mon ami Gandalf ne saurait réaliser un tel tour !

Désespérant de l’amener à comprendre qu’il était justement l’un de ces personnages immigrés, Harry pesta en prenant d’autorité les brouillons au vieil homme pour les feuilleter anxieusement. Stupéfait d’un tel manque d’éducation, Bilbon le regarda manipuler les pages avec inquiétude.

— Il nous faut un objet qui fasse office de portoloin vers vos mémoires, marmonna-t-il. Quelque chose de puissant, auquel vous tenez…

Ron s’approcha, les paupières étrécies par une avidité qu’il ne se connaissait pas, guettant il ne savait pourquoi, l’apparition de son précieux.

D’entre les feuillets malmenés, une fleur séchée glissa pour tomber dans l’herbe. Hermione se pencha pour la ramasser délicatement.

— Ça, qu’est-ce que c’est ? Ce doit être important si vous l’avez glissé ici…

Avec un sourire doux, le Hobbit tendit les mains pour recueillir la fleur avec précaution.

— C’est un lys d’eau et un souvenir très cher… Un cadeau de l’ami dont je vous ai parlé plus tôt.

Harry et Hermione échangèrent un coup d’œil : ils tenaient enfin leur billet aller vers le monde du petit grand-père. Cette fleur ferait parfaitement l’affaire. La jeune sorcière fit signe à ses amis de se rapprocher pour entourer le vieil homme, et à sa surprise, celui-ci se sentit fermement empoigné aux bras. Puis elle sortit discrètement sa baguette pour chuchoter le sort qui transformerait le lys en portoloin.

— Tenez bien votre talisman, monsieur Sacquet, il va nous conduire directement au cœur de ce joli souvenir.

Et après avoir quêté d’un regard rapide l’approbation de ses amis, elle leva sa baguette et s’écria :

Accio Tom Bombadil !

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Contribution du Praefectus Cadaveris

Le silence tomba comme un couperet autour du quatuor. Des bourrasques muettes accoururent de tous les horizons, moissonnant des nuées de suie. En un instant, les jeunes sorciers et Monsieur Sacquet se trouvèrent plongés dans l’ombre, pesante comme un vide primordial. La sensation moelleuse et rassurante du gazon du Worcestershire s’estompait sous leurs pieds. On se serra étroitement autour du petit vieux et son lys fanés. Chacun retenait son souffle. Les battements de cœurs semblaient suspendus au néant.

On s’égara dans le temps d’avant le temps — Longtemps, très longtemps ! devait préciser Ron, bien après leur retour.

Puis un souffle infime, l’avant-goût d’un parfum printanier, l’écho indécis d’une effluve d’humus, vint leur caresser les narines.

Le riche pétrichor d’une forêt profonde montait jusqu’à eux. Des senteurs qui vous font imaginer une vieille forêt, aux taillis impénétrables, aux branches entremêlées en un lacis labyrinthique, avec des mousses pendant au faîte des troncs étêtés par l’âge. Des fragrances terreuses, des senteurs de résine éclaboussaient la nuit de lueurs bucoliques. La brise révélait des foisons de fougères, des branchages tordus, de blancs bourgeons ouverts. A travers les feuillages frémissants perçaient un à un les joyaux suspendus au firmament, flammèches de vie scintillant comme aux premiers jours du monde.

Soudain l’aurore chanta, embrasant la grisaille du sous-bois d’un espoir corallin.

Le premier, Monsieur Sacquet retrouva la voix. Bienheureux, il haletait dans l’air vif, presque piquant aux exhalaisons de menthe. Un air de vigueur adoucissait ses traits, comme il arrangeait joliment son lys à la boutonnière. La fleur, lisse et immaculée, avait elle aussi retrouvé jouvence.

Les cœurs de nos jeunes sorciers bondissaient dans leurs poitrines comme de jeunes cerfs à travers le sous-bois. Ébahis par l’antique magnificence de cette sylve dont chaque printemps renouvelait la jeunesse, ils contemplaient les ramages majestueux leur tendre d’éclatants bourgeons. Ils se regardèrent, tout ébahis.

A bien y réfléchir, chacun des autres avait quelque chose d’un peu bizarre :

Harry s’enveloppait dans une grande cape de rôdeur, comme s’il voilait quelque pouvoir thaumaturgique hérité d’une lointaine et royale lignée. Son regard gris de mer semblait entrevoir des destins et des amours inaccessibles.

La chevelure de Hermione, savamment tressée, dévoilait de mignonnes oreilles pointues. Sa silhouette svelte, moulée de soies elfiques, semblait de pur acier.

– Mais alors je suis qui, moi ? maugréa Ron dont la tignasse tombait sur des épaules carrées et les yeux clignaient d’une lueur changeante, tandis qu’il fourrageait d’un air bourru dans sa longue barbe rousse.

S’avisant de leurs mines dubitatives, Monsieur Sacquet se racla poliment la gorge pour attirer leur attention :

– Mes chers amis – je ne sais pourquoi je vous appelle ainsi, je ne vous reconnais même pas, mais j’ai une sorte d’affection spontanée pour vous ! – vous devez savoir qu’il en est des souvenirs comme des rêves : ils se nourrissent, ils grandissent, ils renaissent et changent sans cesse ! C’est curieux, il me semblait être parti avec des cousins – mais maintenant que j’y pense, je suis bien sûr que leurs bedondaines les auraient retenus à la table du Dragon Vert ! Et vous voilà, vestiges des Dúnedain, des Elfes et des Nains ! Pourquoi pas ? Et d’ailleurs je ne suis pas bien sûr que tout ceci soit vraiment mon souvenir… peut être celui de mon neveu ?

Et ce disant, son visage mûr semblait écarter toute contrariété et se mâtiner d’une moue juvénile, la couleur de ses yeux hésitant à demi.

Les jeunes sorciers – l’Elfe, le Nain et l’Homme – semblaient indécis. Monsieur Sacquet cligna malicieusement de l’œil en s’engageant dans une sente apparue fort à propos :

— Ne faites pas cette tête ! Après tout, vous êtes à demi responsables de l’apparence qui vous échoit par ici !

Ainsi l’improbable compagnie s’engagea sous les frondaisons à la suite du Hobbit. Se demandant quoi faire pour ressortir de ce rêve – était-ce bien un rêve ? – et surgir aux côtés du livre originel qu’ils convoitaient, nos trois sorciers se laissaient conduire, suivant les lacis lascifs d’un sentier aux hésitations un peu soporifiques.

Lentement, longuement, encore et encore — Longtemps, très longtemps ! devait préciser Ron, plus tard — ils cheminèrent sous les branches moussues, écartant délicatement les pousses vivaces qui se dressaient à leur passage, environnés des senteurs entêtantes de champignons. Hermione nota bien, dans un recoin de son implacable intellect, que des champignons au printemps, ce n’était pas cohérent, mais elle accueillit cette rêverie fantaisiste avec une sérénité toute elfique.

La petite troupe, le souffle court dans la tiédeur douceâtre du sous-bois, déboucha dans une clairière. Un ruisseau glougloutait là avec paresse, louvoyant entre les joncs et les racines d’un gros saule tout tordu.

Monsieur Sacquet descendit la berge, suivi de ses compagnons fatigués, qui se délestèrent de leurs baluchons et s’allongèrent qui les pieds dans l’eau, qui sur la mousse, qui adossé au saule. Une douce torpeur enveloppait les compagnons. Harry tentait d’y résister, lorsqu’il se remémora les paroles de son bien-aimé Dumbledore :

— Tu sais, Harry, une bonne nuit de sommeil pourrait vous porter conseil. Les rêves offrent parfois des réponses à nos questions et des clés à nos portes verrouillées.

Mais bien sûr ! Sans doute suffisait-il de sombrer dans le sommeil pour s’échapper de ce rêve et ressortir près du Livre !

L’esprit un peu embrumé mais débordant a posteriori de reconnaissance pour son Directeur, Harry fit part de ses déductions à Hermione. Bien qu’elle y trouvât raison supplémentaire à s’abandonner au sommeil, la jeune sorcière fit remarquer, avec une voix empâtée, qu’il faudrait tout de même s’assurer que l’endroit où ils s’endormiraient, figurerait effectivement dans la version retenue dans le livre.

Or Monsieur Sacquet semblait hésiter : cet endroit, pour familier, lui paraissait receler un doute, un danger…

Ils n’eurent pas à balancer bien longtemps. Soudain un claquement sec se fit entendre, comme la porte du garde-manger que l’on referme avant que les mains avides des petits enfants hobbits ne fassent un sort aux restes du gâteau.

Ron s’était assoupi, lové entre deux larges racines du vieux saule. L’espace entre les racines semblait s’être élargi, Ron y avait basculé et la fissure s’était refermée sur lui, enserrant sa taille.

A présent bien éveillé, l’infortuné nain hurlait des imprécations incompréhensibles , tandis que ses courtes et solides jambes bottées battaient l’air de spasmes frénétiques. Hermione encocha une flèche et Harry dégaina son épée, sans même penser à leurs baguettes, contemplant la scène avec un sentiment d’horreur et d’impuissance.

— Ah, c’est ça, maintenant je me rappelle ! glapit Monsieur Sacquet avec joie. C’est là le Tortoselle !

Il ajouta, avec un mélange d’excitation et d’angoisse :

— Heu… il faut chanter !

Harry et Hermione se regardèrent, incrédules, prêts à secouer leur guide pour en clarifier les souvenirs. Mais le Hobbit avait grimpé sur un rocher et s’égosillait aux quatre vents :

Hé ding ! Delin drol! Tinte un drelin dillon !

Atterrés, Hermione et Harry sondaient la réponse silencieuse et désapprobatrice de la forêt, que seules troublaient les protestations de plus en plus étouffées du pauvre Ron — longues, si longues, les protestations ! devait-il encore protester.

Le Hobbit persévérait, en sueur, battant comme un forcené le rocher de son pied nu et velu :

Drille un dong, Saule dingo, fol là sautillons !

Tom Bom, Joyeux Tom, Tom Bombadillon !

Mais rien ne répondait. La voix hystérique du Hobbit retombait désespérément, puis reprenait en haranguant ses compagnons :

En avant la chanson ! Chantons donc tous ensemble !

De ciel, d’astres, lune et brume, pluie et vapeurs !

De rosée sur la plume, bourgeons en lueurs !

Toujours rien ! C’en était assez, Ron allait y passer, il fallait agir ! Harry se pencha au pied du saule, prêt à enfoncer son épée dans la fissure entre les racines pour faire levier. Mais Hermione le retint et lui enjoignit d’épauler leur compagnon. Ils joignirent leur voix à celle de M. Sacquet, renforçant ses efforts de leurs « la-la-la » dans le ton de sa comptine.

Au vent des collines, campanes des bruyères,

Algues dans le courant, nénuphars sur l’étang,

Tom Bombadil et la fille de la Rivière !

Tout semblait perdu, rien ne venait et Ron ne remuait plus, coincé dans sa crevasse.

Mais alors que l’espoir mourrait en leurs cœurs et la chanson sur leur lèvres, un écho ténu leur parvint, atténué par les feuillages qui frémissaient de crainte autour d’eux :

Hé ! delin droll là ! cherol drelin ! Ma chérie !

Volette l’étourneau au vent fol étourdi.

Là-bas sous la Colline, au doux soleil brillante,

Attendant au perron l’étoile scintillante,

Ma belle dame est là. Fille de la rivière,

Mince pampre de saule, telle une onde claire.

Tom Bombadil l’Ancien, ses lis d’eau par brassées,

Rentre enfin sautillant. L’entendez-vous chanter ?

Hé ! delin droll là ! cherol drelin poupin gaie !

Baie d’or, Baie d’or, chère drôle drelin baie !

Homme-Saule, tes racines dois retirer !

Tom est pressé à présent. Le jour va céder !

Tom enfin de retour, ses lis d’eau en portage.

Hé ! delin droll là ! Entends-tu mon ramage ?

Les compagnons virent s’approcher un curieux personnage, sautillant dans des bottes jaunes au rythme de ses absurdes élucubrations. Le petit barbu en redingote bleue s’avança, encombré de brassées de lys, il retira son chapeau à plume et salua la compagnie, toujours en chanson.

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En un tournemain l’affaire fut réglée : Tom chuchota quelque incantation bien sentie au vieux saule grincheux. Ron le nain fut éjecté sans ménagement mais entier et combatif, quoiqu’un peu secoué.

Les compagnons n’eurent guère le temps de se congratuler – ils comprirent vaguement que Tom les invitait à dîner et qu’il fallait se dépêcher. En tout cas, personne n’avait envie de s’attarder au fond de ce traître vallon, et les amis s’en furent, suivant la chansonnette qui fusait devant eux sur le chemin :

Trottez, petits amis, le long de Tortoselle !

Tom va devant pour allumer les chandelles

Le soleil sombre à l’ouest : tôt à tâton tu iras.

Sur les ombres de nuit, la porte s’ouvrira.

Par les carreaux, scintillera la lumière ambrée.

Passez outre noirs aulnes et saules fanés

Ignorez racine et rameau ! Tom va devant,

Hé ding ! delin drol ! L’on vous attend céans !

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Contribution du Praefectus Cadaveris

Au terme d’un cheminement – long, très long, dirait Ron bien plus tard - sous les ombres du jour déclinant et les chuchotement malveillants de la forêt, les voyageurs parvinrent à la porte entrebâillée. Une lumière chaude et accueillante coulait jusque dans la cour. Vite, sur le large perron de pierre, Hobbit, Nain, Elfe et Homme se déchaussèrent pour entrer.

Une fois la porte refermée sur la nuit, les compagnons patientèrent, tout clignant des paupières, un peu éblouis par la lumière vive. Des lampes pendaient des poutres de la longère. Les flammes des chandelles, hautes et odorantes, illuminaient la salle basse. La table de bois ciré débordait des plats que Tom y entassait avec entrain.

Dans un fauteuil près de l’âtre était assise une femme. Elle chantait une mélopée douce et bienveillante. Ses cheveux blonds tombaient en longues boucles sur ses épaules, sa robe était verte, du vert des jeunes roseaux, chatoyant d’argent semblable à des perles de rosée, et sa ceinture était d’or, façonnée comme une chaîne d’iris des marais émaillée des yeux bleu pâle de myosotis. A ses pieds, dans de larges vases, flottaient les lys d’eau qu’avait apporté Tom. La fille de la rivière semblait trôner au milieu d’un étang d’argent.1

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Elle sauta par dessus ses lys pour accueillir ses hôtes et les conduire à la table, ravissant les compagnons par la grâce de ses mouvements fluides.

Tous s’attablèrent et firent honneur aux saveurs simples et délicieuses. Beurre, salades, miel, miches, compotes salées, fromages et gratins se succédèrent en une farandole gourmande. L’on n’eut d’oreille et d’yeux que pour la joie de Tom et la grâce de Baie d’Or, qui savaient donner pleinement et recevoir en amitié, si bien que les compagnons se sentirent tout-à-fait comme chez eux, à l’abri du Terrier.

Quelques tartes aux fruits sortirent miraculeusement du four et les bols de poiré ne furent point boudés. Le dîner, joyeux et ponctué de chansons, les mena tard dans la nuit et il n’est pas étonnant que les convives ne se souvinrent pas de quoi il fut question dans leurs discussions animées : seule demeura la joie d’être là. La soirée fut trop courte, se souvint Ron par la suite.

Les hôtes conduisirent les compagnons dans une sous-pente, où les attendaient des lits de jonc frais, tendus de draps blancs et de couvertures colorées. Malgré la fatigue, les jeunes sorciers se concertèrent avec leur guide quant aux périls du réveil. Etait-on bien sûr, en se réveillant, d’émerger non loin du Livre originel ?

Le Hobbit avait retrouvé ses traits mûrs et paternels, mais ses yeux brillaient d’une lucidité complice :

— Il n’est plus temps pour moi. Je crois bien que cet aller sera mon vrai retour… Puissiez-vous redresser les torts que mes vagabondages et débordements ont pu causer dans vos contrées ! Je vais rester ici et attendre le retour de mon neveu, il est le seul avec qui je puis démêler son histoire de la mienne, à présent !

Il détacha le lys de sa boutonnière et en fit cadeau à Hermione.

— … Mais dites-moi… Je me suis demandé… Ne seriez-vous pas parents d’un vieil ami à moi ? Un grand gaillard, tout de gris barbu et vêtu, toujours par monts et par vaux à se mêler des affaires des autres. Le cœur sur la main, notez bien, mais l’humeur parfois un peu vive…

Les trois jeunes sorciers sourirent en s’entre-regardant, mais Harry lui répondit d’un air grave :

— Je crois bien que votre ami est de tous les mondes ! Nous connaissons bien sa barbe grise et son sourire indulgent. Chaque année il nous accueille à l’école des Sorciers !

— Alors je me sens plus rassuré pour vous, souffla Monsieur Sacquet en fermant les paupières.

Et nos jeunes sorciers ne purent faire autrement que de s’endormir à leur tour.

.oOo.

1JRR Tolkien Le Seigneur des Anneaux. Dans la Maison de Tom Bombadil

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Contribution de @ensorceleurisee

Hermione fut la première à ouvrir les yeux. Elle contempla un instant le plafond inconnu au dessus de sa tête, s’étonnant de ne pas le reconnaître. Il était sombre et poussiéreux. Toute l’atmosphère était d’ailleurs obscure, éclairée uniquement par le jour entrant par d’étroits soupiraux.

Elle porta la main à son oreille et constata avec soulagement qu’elle avait retrouvé sa forme ronde. Les ronflements discrets de Harry et caverneux de Ron lui confirmèrent qu’ils étaient tous trois ressortis du livre du hobbit.

Elle secoua sans ménagement les garçons, qui s’éveillèrent en grommelant.

– J’ai fait un drôle de rêve, cligna Ron en s’asseyant, portant la main à son visage pour y découvrir son menton glabre. J’avais une énorme barbe, ça grattait !
– C’était pas vraiment un rêve, Ron, je crois qu’on est entrés dans le livre, renchérit Harry en essayant de raplatir son éternel épi rebelle.
– Oui ! Et voilà justement le livre, renchérit Hermione qui désigna l’ouvrage ouvert, d’où émanait une aura inquiétante. Allons vite le refermer !

Ils n’eurent pas le temps de faire un geste que des créatures effrayantes commencèrent à se matérialiser à la surface des pages. Ils bondirent d’un seul élan sur le livre. Les crânes de Harry et Ron se percutèrent dans un douloureux son creux, qui les renvoya vers l’arrière avec un gémissement étouffé.

Hermione, qui avait atteint le livre, tenta de le fermer mais il résista. D’hideuses créatures aux groins dentus essayèrent d’en sortir. Elle lutta, allant jusqu’à s’agenouiller sur la couverture mais le livre résistait, sautant et frémissant, comme possédé ! Elle avait l’impression de faire du rodéo sur un balais devenu fou. Elle haleta à l’égard des garçons, qui se frottaient la tête, à demi assommés :

– Aidez-moi, par Merlin ! Il faut le sceller !

Harry et Ron jetèrent deux sorts en même temps, l’un fit son office, verrouillant la couverture du livre qui continua de s’agiter, mais l’autre ricocha dans la cave avec un bruit détonant. Des pas lourds se firent entendre à l’étage, puis la porte grinça en haut de l’escalier. Hermione cria :

– Quelqu’un arrive, détruisons vite le livre !

Elle se jeta sur une hache suspendue dans un des râteliers du bourreau et les garçons firent de même. Tous frappèrent l’ouvrage maléfique avec l’énergie du désespoir. Les morceaux de papier volèrent dans une lueur inquiétante, tandis que Macnair descendait l’escalier aussi vite que possible pour tenter de les arrêter.

La baguette en main, il s’apprêtait à lancer un sort vers eux mais Hermione le désarma d’un « Experlliarmus » aussi ferme que suraigu. A peine ralenti, le bourreau se saisit d’une des armes de son râtelier le plus proche, avec un sourire aussi sanguinaire que furieux.

Un claquement sec retentit au moment où il allait frapper. Devant ses yeux étonnés, le vide ! Plus d’ados, plus rien du livre ! Il poussa un hurlement de rage en lançant son arme à travers la pièce.

.o0o.

Les trois jeunes réapparurent, rouges et essoufflés dans le salon du Terrier. La pitoyable créature devant eux lança :

– Il a tout vu, il aiguisait ses vilaines lames. C’était des choses affreuses, affreuses, qui voulaient encore sortir du livre. Les enfants ont eu raison de le détruire alors il a protégé les enfants. Maintenant il retourne auprès de son maître avant qu’il remarque son absence, sinon il va être puni…

En un claquement sec, l’elfe de maison se volatilisa avant même que les trois amis aient pu le remercier.

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Contribution de @Alresha

Derrière les carreaux de la fenêtre, la lune, aux trois quarts dévorée par l’ombre de la Terre, flottait dans le ciel, comme suspendue entre deux nuages.

Les trois adolescents, assis autour de la cheminée, regardaient avec intérêt, perplexité ou méfiance la mixture qui bouillonnait dans le petit chaudron suspendu au-dessus du feu. Un grimoire ouvert sur les genoux, Hermione agita à trois reprises sa baguette au-dessus du liquide incandescent qui prit immédiatement une teinte bleuâtre, piquetée de paillettes d’or.

– Heureusement que quelqu’un a pris la peine de prendre de l’avance dans le programme et de lire le deuxième tome de « Magique pratique du monde » de Cheddar Sang’Hor, fit remarquer la jeune fille sur un ton pincé.

A côté d’elle, Ron ne put réprimer une grimace.

– Tu es certaine que… ça va fonctionner ? murmura-t-il. On ne peut pas dire que l’odeur soit très… enfin, tu vois ce que je veux dire…

La réponse fut glaciale.

– Je suis certaine que tu préférerais boire un bon jus de citrouille, mais malheureusement, l’odeur du foie de dragon est en effet moins appétissante. Bien évidemment, je peux aussi faire disparaître cette potion qui ne m’a demandé que trois jours de préparation et te laisser te débrouiller tout seul !

– Hermione, tempéra Harry, il ne voulait pas dire ça. Je ne sais pas ce qu’on ferait sans toi.

– Des bêtises, conclut la jeune sorcière, non sans un regard inquiet au rouquin qui venait de se prendre la tête entre les mains en marmonnant des mots incohérents.

Depuis leur retour fracassant au Terrier, Hermione et Harry avaient fait de leur mieux pour dissimuler les crises de plus en plus fréquentes de leur ami, que la créature nommée Gollum, dont Fred et George leur avait parlé, ne semblait pas vouloir lâcher. Métaphoriquement, bien évidemment. « Je l’entends dans ma tête », se plaignait le cadet des Weasley de plus en plus fréquemment. Hermione avait sacrifié le peu de foie de dragon qu’ils avaient réussi à acheter sur le Chemin de Traverse (il y avait de cela une éternité, lui semblait-il) pour élaborer un remède aussi complexe que dangereux à réaliser.

Mais lorsque l’on a réussi à brasser correctement du Polynectar dans les toilettes de Mimi Geignarde, concocter une potion de réassociation de la personnalité est un véritable jeu d’enfant.

Les deux adolescents ne s’embarrassèrent pas de scrupules ni de raffinements inutiles : un bon petit Petrificus Totalus suivi d’un léger Orem aperio suffit pour figer Ron, bouche grande ouverte, et permettre à ses amis de lui faire ingurgiter la totalité du remède.

– Ne refaites jamais ça ! s’écria le jeune homme dès qu’il fut libre de ses mouvements.

Harry haussa les épaules sans répondre. Toute cette histoire lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Il aurait mille fois préféré goûter au foie de dragon, même cru et sans assaisonnement, plutôt que d’apprendre que les Mangemorts avaient parfaitement ciblé son point faible : sa hantise de l’abandon et l’amitié qui le liait à Ron et Hermione. Il se doutait que ses ennemis ne s’arrêteraient pas en si bon chemin et, faute de pouvoir l’atteindre à Poudlard, chercheraient à l’affaiblir par tous les moyens possibles.

– Comment tu te sens ? demanda-t-il, secouant ses idées noires.

Le rouquin était devenu verdâtre.

– Mon cerveau va bien, mais mon estomac…

Hermione s’apprêtait à lui lancer une nouvelle remarque cinglante, lorsque la porte s’ouvrit à la volée.

– Eh ! s’indigna Ron. C’est ma chambre !

Les jumeaux ne relevèrent même pas et s’assirent à côté des trois adolescents après avoir pris soin de refermer la porte, et même de lancer sur le bois un solide Assurdiato.

– Contents de voir que tu vas mieux, se contenta de dire Fred.

– On a un problème, enchaîna George, le regard grave.

Hermione, Harry et Ron se regardèrent.

– Un problème du genre « Tante Muriel veut vous forcer à faire le ménage chez elle à la brosse à dents parce que vous lui avez lancé un sort de confusion » ou un problème du genre « un psychopathe cherche à détruire le monde sorcier » ? ironisa leur frère, son mal au cœur oublié.

– Je parierais plutôt pour un problème du genre « on a bricolé un truc et ça a mal tourné », je me trompe ? demanda Harry, qui reconnaissait le regard coupable des jumeaux pour l’avoir lui-même lancé vers diverses personnes un certain nombre de fois.

– C’est juste que…

– … c’était tellement tentant…

– … alors on a voulu essayer…

– … et on a été un peu trop efficaces…

– Vous allez cracher le morceau, oui ? s’énerva Hermione.

Bras croisés sur la poitrine, elle n’était pas sans rappeler Mme Weasley dans ses mauvais jours, ce qui fit immédiatement réagir Fred et George :

– On a trouvé qu’un livre qui permettait de passer dans un autre univers, c’était…

– … disons pratique.

– Ne me dites pas que vous avez fait ce que je pense que vous avez fait ? s’étrangla la jeune fille.

Harry et Ron, un peu plus lents, finirent par comprendre ce que signifiaient ces mots.

– Vous avez créé un livre magique.

Ce n’était pas une question, mais une affirmation. Parfois, Harry était sidéré par l’alliance imprévisible de génie et de stupidité qui présidait aux moindres gestes des jumeaux Weasley.

– … Vous avez trouvé absolument fascinant le livre qui a à moitié ensorcelé Ron et manqué nous tuer tous, et vous vous êtes dit que la meilleure idée du monde, ce serait d’étudier les sortilèges qui permettent le passage d’un univers à l’autre, pour que d’autres psychopathes débarquent ici et essayent de nous assassiner ? compléta Harry.

L’air de plus en plus coupable des jumeaux lui fit comprendre qu’il avait parfaitement deviné ce qu’avaient concocté leurs esprits tordus.

– On a essayé une variante, protesta George.

– Oui, on trouve qu’il y a un peu trop de livres par ici, ajouta Fred avec un regard appuyé vers Hermione.

Harry empêcha son amie de se lancer dans la diatribe habituelle Les livres sont nos meilleurs amis, et posa la question suivante en espérant qu’il se trompait :

– Dites-moi que la fascination de votre père pour la technologie moldue n’a pas déteint sur vous et que vous n’avez pas essayé de…

Il s’interrompit, atterré. Ses interlocuteurs avaient baissé la tête comme des gamins de trois ans pris en flagrant délit la main dans le bocal de bonbons.

– C’est un peu de ta faute, Harry, se défendit Fred.

– Oui, tu te souviens de ce… ce film que tu nous as montré l’an dernier ?

Merlin, faites que je rêve, se dit le jeune homme. Faites que je n’aie pas entendu ces mots. Faites qu’ils n’aient pas vraiment fait ça.

– Oui, je me souviens, soupira-t-il.

Bien sûr qu’ils l’avaient vraiment fait. Ces deux-là étaient aussi brillants qu’irresponsables. Et qu’était-ce qu’un écran de télévision, après tout, sinon un passage comme un autre, au même titre que les pages d’un livre ? Ce qui comptait, à la fin, c’était l’ouverture sur la plus formidable dimension qui soit – l’imaginaire.

– Harry… de quoi parlent-ils ? demanda Hermione, visiblement inquiète.

Harry hocha la tête, résigné, et se tourna vers la jeune fille.

– Prête à affronter Dark Vador ?

FIN

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