Contribution de @morganecach
Qu’était-il donc censé faire ? La chaleur suffocante l’empêchait de former la moindre pensée cohérente. La fumée qui envahissait ses narines et ses poumons lui faisait tourner la tête. Au bord du précipice, devant les flammes qui montaient presque jusqu’à lui, il entendait très vaguement ses frères crier des exhortations incohérentes. Les deux jaloux tentaient de lui ravir son précieux. Ce livre fantastique l’avait libéré de leur mesquinerie et propulsé vers les sphères supérieures qu’il attendait depuis toujours, celles des véritables héros ! Quand il l’avait auprès de lui, il se sentait pousser des ailes, et une chaleur agréable venait apaiser son cœur… Les jumeaux se trompaient… ou tentaient de le tromper…
– Ce livre n’est pas un remède à nos malheurs, Ron, il en est la cause ! C’est lui qui t’envoûte !
La sueur perlait à grosses gouttes sur son front. Moi, envoûté ? Ils sont en plein délire… pas vrai ? Ron voulait bien admettre que son nouveau statut le dépassait quelque peu, mais tout de même !
– Réfléchis, Ron ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Nous sommes sur un volcan en Islande, voyons !! Tu viens ici tous les jours, peut- être ?
C’est vrai ça, pourquoi diable avait-il choisi de venir dans ce volcan précisément ? Il ne se souvenait plus quand et comment il avait pris la décision… était-ce bien là une décision ?
Ron se sentait tiraillé entre l’urgence de ses aspirations héroïques et la terne raison prosaïque de ses encombrants aînés.
La Vélane guettait l’expression hagarde inscrite sur le visage du rouquin. Quel idiot ! Pourquoi n’écoutait-il donc pas sa douce voix, qu’elle s’efforçait tant de garder mélodieuse ? Elle ne pouvait plus attendre… Si cet abruti de laideron mélanique ne jetait pas l’anneau, elle allait devoir s’en emparer elle-même ! Elle tenta son irrésistible sourire de petit chaton traqué, mais le regard de sa proie rousse se chargeait d’une ombre soupçonneuse.
Au moment où elle se jeta sur Ron, elle tenta de se rappeler que sa mission la plus importante était de préserver les pages du livre, et non de déchiqueter les entrailles de sa victime, mais sa rage l’aveuglait quelque peu, d’autant plus que “l’abruti” osait se défendre et l’attaquait en retour. Tandis que le grondement du volcan devenait de plus en plus intense, elle frappait, griffait, mordait, et dans un nuage de scories et de nuées ardentes, elle vit des pages déchirées s’envoler et s’éparpiller en direction des flammes. Elle s’arrêta un instant. Des pages déchirées ?
.oOo.
L’assaillante de Ron l’avait abandonné sur le sol brûlant et… tremblant. Le volcan semblait se réveiller. La lave en ébullition s’était élevée de plusieurs mètres depuis l’arrivée des frères, et se rapprochait dangereusement des Weasley. Georges hurlait des sorts de protection, mais ses « IMPERVIUS » et ses « DEPRIMO » ne semblaient n’avoir eu que peu d’effet sur l’immense masse rougeoyante qui s’élevait vers eux.
– Ron !! Lève-toi, il faut s’en aller ! Maintenant !
Les trois frères s’élancèrent dans la pente, louvoyant entre d’immenses coulées de lave menaçante qui perçaient le flanc de la montagne, les poursuivant de lueurs visqueuses.
Complètement désorientés, les jumeaux allaient de l’avant au hasard des gouffres béants et des coulées brûlantes, suivis de près par un Ron très perturbé.
Soudain le trio s’arrêta : ils étaient bloqués au bord d’un précipice !
– Il faut absolument qu’on trouve comment passer ce ravin ! s’exclama Georges. La lave continue de progresser derrière nous !
– Brillante idée, maintenant dis-nous COMMENT on va réussir ça ? A moins que tu connaisses un sortilège pour construire un PONT ENTIER bien évidement ?
Tandis que les jumeaux se disputaient, Ron tentait de retrouver ses esprits. Il était sonné et avait du mal à se souvenir de tout ce qu’il s’était passé. La fumée épaisse qui les environnait lui piquait les yeux, lui brûlait la gorge et semblait obnubiler son esprit. Souvenirs et fantasmes se bousculaient dans les ombres, la glace et le feu. Où étaient donc passés la Vélane et l’anneau ? Avaient-ils disparu lorsque les pages avaient été brûlées ? Ou alors la femme s’était jetée sur lui sous l’apparence d’un monstre ? Avait-elle fui avec le précieux ?
– Ron !! Réagis enfin !! On va se faire cramer ! Alors remue tes méninges!
– On va finir en écrevisse islandaise, si tu restes planté là sans rien faire !
Pour reprendre le contrôle de ses idées, Ron ne sut rien faire d’autre que tenter de remettre de l’ordre dans les quelques pages froissées qu’il tenait en main. Il jeta un œil à l’un des rares chapitres qui paraissaient indemnes. Une étrange créature, tapie là, marmonnait dans l’ombre rougeoyante. Ron parcourut en diagonale les pages suivantes, mais le personnage semblait y débattre sans fin dans le labyrinthe de son esprit schizophrène. Ce livre n’avait décidément aucun sens ! De dépit, il jeta les pages restantes à ses pieds.
Une voix grommelante qui semblait provenir du ravin interrompit le cours de ses pensées :
– « Plus de hâte, moins de vitesse. On ne doit pas risquer de se casser le cou, n’est-ce pas, mon trésor ? Non, mon trésor ! Gollum ! » [1]
Les trois frères se penchèrent au-dessus du fossé, et y virent, accroché à la paroi, une espèce d’elfe de maison qui les fixait avec ses yeux immenses.
[1] J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux