Cadavre Exquis [Harry Potter] - Les mésaventures maléfiques du manuscrit moldu

Cette branche contient uniquement les contributions publiées du cadavre exquis.
La branche de règles et foire d’empoigne pour discuter de ce qui va se passer, c’est ici.

Cette histoire débute juste après la coupe du Monde de Quidditch dans La Coupe de Feu, avant que nos héros ne retournent en cours à Poudlard.


– Ron, fa fuffit, feffe de bouver ! Pique, Repiqu’ !

Molly Weasley reprit sa ritournelle. Quelques épingles dépassant de ses lèvres pincées, elle maintenait fermement son fils par le col, tandis qu’une aiguille s’activait dans le dos du garnement, à coudre bord à bord des pièces de tissus vertes et violettes. L’énergique maman, juchée sur une chaise, remettait sans ménagement son rejeton en place à chaque écart, et reprenait l’entrainante comptine qui scandait le rythme de l’aiguille à coudre ensorcelée.

Brocher, broder, rape-tasser ! Linger, li-er, tout fes-tonner !

– Mais maman, ça gratte ! Et puis franchement, j’aurais l’air de quoi avec ça ?

– Ne t’inquiète pas, j’ai tout prévu, il y a aussi les poches assorties et les revers de col. Couds- ci , Couça ! Recouds moi ça ! Avec ces anciennes tenues de Fred et Georges, tu vas avoir une magnifique robe bicolore ! Couds-y, Couds la ! Passe-ment’ra ! C’est le dernier cri chez Sparks & Mincers !

– Mais le bicolore, c’est pour les filles ! glapit Ron, entraîné par la mesure, qu’il marquait hardiment de la semelle.

– Ne dis pas n’importe quoi ! Tu es bien comme ton père, pas moderne pour une mornille ! Brocher, broder, rape-tasser ! Au dernier thé dansant chez Celestina Moldubec, Allistair Mcqueer portait une veste bicolore assortie à son kilt ! Regarde, c’est dans la Gazette du Sorcier ! Pique, Repiqu’ !

Vaincu par cette incontestable référence maternelle, Ron fit la grimace. Mais la ritournelle le tenait lui aussi, et semblait ne plus vouloir lâcher ses pieds, au fil de cette couture endiablée.

Le fil dépassait à présent au bas de la robe où alternaient un beau vert foncé et un violet chatoyant.

Maman Weasley, descendue de sa chaise, attendit que l’aiguille eut fini son nœud et coupa le fil d’une touche de sa baguette, alors que Ron, toujours dans le rythme, se trémoussait des hanches comme un lutin en rut.

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Ronald venait d’échapper à sa mère et caracolait autour de la longue table de la famille, s’adonnant à de grandes embardées des épaules, particulièrement disgracieuses. La maîtresse de maison, que cette danse, inattendue de la part de son empoté de fils, surprenait agréablement, se mit à le suivre, gambadant à ses trousses avec son trousseau magique.

– Mais tiens-toi tranquille, je n’ai pas fini ! Mais tu as raison avec la danse, tu pourras la mettre au bal !

Elle parvint à lui fixer un bout de col – violet sur fond vert – un exploit. Mais son homologue, vert sur fond violet – résistait avec opiniâtreté : lorsqu’elle s’avançait vers son fils, le garnement, un rictus crispé aux lèvres, se reculait violemment, ses jambes virevoltant dans une gigue désordonnée.

– Ron Weasley, maintenant ça suffit ! souffla la maman époumonée.

Interdite, elle contemplait son cadet se livrer à une polka de l’outre-monde, le visage cramoisi et les bras tordus. Ron tentait-il de se débarrasser de cette robe, pour laquelle elle s’était donnée tant de mal ? L’inquiétude la gagnait en voyant s’empourprer le visage poupon de son rejeton endiablé, mais soudain Molly se raidit et son regard aimant se durcit. Elle brandit sa baguette vers Ron qui tressautait comme un damné :

– Stupéfix !

Le malheureux se figea, un rictus de soulagement aux lèvres. Mais sa mère, le front barré par une colère contenue, tourna les talons, l’abandonnant immobile dans sa posture désarticulée. Un farfadet échappé des glens d’Irlande semblait s’être perdu au milieu de la cuisine en désordre.

– Georges ! Fred ! hurla-t-elle en grimpant l’escalier, qui gémissait sous ses pas indignés.

La porte de bois s’ouvrit en tempête sur le visage courroucé de Maman Weasley, qui brandissait une baguette parcourue de petits éclairs assez inquiétants.

Cette fois, aucun Stupéfix ne fut nécessaire ! Les jumeaux, étendus sur leurs lits, essuyèrent sans bouger une tempête de reproches acides, qui déferla sur eux en rafales outrées. Lorsque l’incorrigible duo rouquin eut enfin compris de quoi il s’agissait, Fred eut la faiblesse de laisser échapper un petit sourire en coin, et Georges un coup d’œil réjoui. Alors la tempête s’enfla en un typhon, terrible à regarder et entendre, roulant sur eux la litanie de leurs forfaits et des avertissements irrités de leur mère.

Enfin Molly se calma, jetant sur eux un regard sévère. C’était là le moment le plus effrayant. Comme par magie, les sourires s’étaient évanouis et les jumeaux auraient souhaité pouvoir avouer plus qu’ils n’avaient commis :

– Pour ma robe, c’était un petit “Amatae Persequi” 1 admit Fred.

– Et sur la mienne, un minuscule “Auctoritas Vitare” 2 chuchota Georges.

– … évidemment, les deux mélangés avec ton “Canticum Coelas” 3…, tenta d’expliquer le duo, arborant à l’unisson une mine contrite qui ne trompait personne.


1Poursuis l’aimée ! Sort qui localise la femme de ses pensées et mène ses pas vers elle.

2Evite l’Autorité ! Sort permettant d’éviter les préfets, les professeurs et autres parents autoritaires.

3Couds en chanson ! Sort facilitant la couture, lancé sur le panier à couture de la ménagère.

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Le Terrier bourdonnait comme un vieil alambic. Un feu rustique et patient rougeoyait sous sa bonbonne ventrue, tandis que, dans ses étages biscornus, fusaient et tourbillonnaient les esprits vifs et limpides de ses habitants. La maison ronronnait sereinement lorsque la tribu endormie rêvait sous ses chaumes. Le foyer chantait sa douce et joyeuse ébullition dans la salle commune ou en cuisine lorsque le clan s’y réunissait. Le logis, cornue pansue, crachotait et toussotait lorsque survenait quelque dispute familiale, mais en tous temps la maison distillait à chacun, même de passage, l’affection des Weasley qui vivaient ou avaient vécu là.

Ginny et Hermione, seules jeunes filles du manoir-bicoque, partageaient une mansarde claire et douillette. La cadette des Weasley avait peuplé de ses propres colifichets le fatras accumulé par les générations antérieures, son cœur en essor avait dépoussiéré de sa touche naïve les couches épaisses de trophées d’antan.
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Au calme de la nuit complice, les filles jasaient doucement, se confiaient l’une à l’autre en s’étonnant des duretés de ce monde et de sa grande absurdité : les garçons !

– Je suis stressée quand il me regarde !

– Tu devrais te détendre un peu quand il est là ! C’est juste un garçon, c’est tout simple un garçon : une petite flatterie, en mode discret, tu le lances sur le Quidditch, et voilà ! Enfin je dis ça…

– Et puis la plupart du temps, il me calcule même pas !

– Mais si, il t’aime bien ! Il faut juste que tu lui montres que tu n’es pas seulement la gentille petite frangine de son meilleur ami. Tu es aussi une jeune fille qui explore le monde à sa façon !

– J’aimerais tellement explorer avec lui !

– Justement, c’est ça qui ne va pas ! Tu dois lui montrer que tu es une fille indépendante, qui a ses idées et qui sait ce qu’elle veut ! Pas un petit satellite qui attendra gentiment en orbite que Monsieur se décide ! Il y a tellement à faire dans le monde des sorciers, comme chez les Moldus d’ailleurs ! Si tu t’intéressais à d’autres choses que lui, peut-être qu’il te trouverait plus attirante… Tout ce que tu risques, c’est de découvrir qu’il n’en vaut pas vraiment la peine !

Dans son for intérieur, Ginny s’étonna : avec ses mots mesurés, la sage Hermione lui conseillait d’aller voir un peu ailleurs ? L’idée semblait bizarre. Rendre Harry jaloux pour attirer son attention… ça aurait peut-être pu marcher si seulement il avait quelque chose à faire d’elle !

Mais Hermione était hantée par d’autres chimères. Son esprit entier se rebellait contre l’injustice. Le comportement odieux du ministre Bartemius Crouch envers sa petite elfe de maison l’avait profondément heurtée. Elle ruminait une résistance, elle brûlait de changer les choses.

4 « J'aime »

Un vigoureux fumet de ragout aux potirons se mêlait aux suaves saveurs de gruaux qui montaient de la cuisine. Molly Weasley, chef d’orchestre à l’infaillible baguette, animait les cuillers de bois et les pots d’épices qui dansaient au-dessus des marmites installées dans l’âtre.

Les jeunes gens vaquaient joyeusement, les uns composant les équipes pour un match improvisé de quidditch, les autres s’inquiétant de leur garde-robe, les jumeaux complotant quelque blague inédite. Arthur Weasley présidait à la grande table, piochant dans les plats et dans les conversations, des portions de joie de vivre, qu’il semblait partager d’un coup d’oeil complice avec son épouse : ces deux-là n’exultaient que dans le vacarme de leur progéniture.

Les plans pour cette journée de vacances semblaient se dessiner, lorsqu’une escadrille de hiboux s’abattit sur le Terrier.

– Enfin ! s’exclama Arthur, je me demandais quand l’école allait nous les envoyer…

Les étudiants de Poudlard se jetèrent sur les listes de fournitures, avec avidité pour les uns, et un gros soupir désenchanté pour les autres.

Encouragée par Hermione, Ginny entreprit Harry pour lui demander conseil et partager ses impressions sur les cours de l’année passée. Mais le jeune Potter lui céda bien vite tous ses manuels, avec une patience d’aîné, sous l’oeil réprobateur de Ron :

– C’est sûr que ses livres sont mieux tenus que les miens, qui ont déjà servi quatre fois !

Avec une moue résignée, Ron piochait dans la pile des livres de ses frères, pointant avec résignation ce qu’il considérait comme le catalogue des corvées de l’année. Il faut reconnaître que Fred et Georges n’avaient pas beaucoup usé leurs manuels, mais ces derniers avaient servi à Bill, Charlie et Percy, après avoir été achetés d’occasion…

– « Potions et Philtres de quatrième année », de Strychnide Ricimbalme, lut-il avec lassitude sur la couverture d’un tome étrange, dont les pages de diverses tailles, semblaient le résultat d’un collage grossier, réunissant des éditions disparates sur un thème vaguement commun.

– Oh, nous te l’avons rafistolé à partir de toutes les éditions disponibles, lança Fred.

– Comme ça, tu as tous les trucs et astuces utiles pour les potions au programme ! ajouta Georges, un ton plus haut à l’attention de ses parents, qui lorgnaient les jumeaux avec un regard lourd de soupçons.

Ron rangea l’étrange reliure, pestant contre l’index désormais inutilisable.

De son côté, Hermione semblait avoir déjà lu une partie des manuels :

– Evidemment, on n’échappe pas au quatrième tome du « Livre des sorts et enchantements », de Miranda Fauconnette !

– Où est passé ton respect inné pour les détenteurs du savoir ? demanda Harry

– Hé bien j’imagine qu’il faut en passer d’abord par rabacher les fondamentaux, persiffla Hermione. Ça doit bien faire trois générations qu’on bégaye le “Corpus de théorie magique” de Pontifiase Laradote, ou qu’on répète les sempiternels “Exercices pratiques de Défense contre les forces du Mal” de Ella Angkor-Rathay ! Tu crois que les forces du Mal ne se renouvellent pas, de leur côté ? Les traditions n’ont pas que du bon !

– Il y a tout de même une touche exotique, hasarda Harry : “Magie pratique du Monde – Tome Deux Grigris et Envoûtements de Magellius Cheddar-Sang’Hor”.

Hermione glissa un regard entendu à Ginny, qui resta pourtant bouche bée.

– “Pot-pourri d’entrailles et viscères séchées pour le séminaire d’initiation à la divination.” lut Molly avec appréhension. C’est très cher pour pas grand-chose ! Je suis sûre que nous avons encore des rognures d’ongles de Gnome et une once de bile de putois.

Comme chaque année, la dépense de fournitures inquiétait les Weasley, d’autant que certaines exigences semblaient donner tort à Hermione en introduisant une dose de nouveauté :

– “Prévoir une quantité significative de foie de dragon” s’exclama Arthur. On ne saurait se montrer plus flou ! Je vais demander à Charlie s’il peut s’en procurer à un prix raisonnable !

– Laisse donc ton fils tranquille ! Tu ne veux pas qu’il prive de foie l’un de ses pensionnaires ! rétorqua Molly. Mais pourquoi ce foie de dragon, Harry, mon chéri ?

– Il est précisé que l’une des préparations doit se dérouler sur plusieurs semaines, sous la responsabilité de chaque Maison… et aura pour ingrédient majeur du foie de dragon macéré.

– Et ça comptera beaucoup dans la note de Potions ! compléta Ron en se rapprochant d’Hermione, un sourire engeôleur aux lèvres.

5 « J'aime »

Le brouhaha tranquille de la grande salle s’estompa un instant lorsque la petite troupe entra au Chaudron Baveur et salua à la cantonade, dans les fumées mêlées des cuisines et des pipes des convives. Les plateaux de chopes débordant de boissons étranges stoppèrent net leurs courses aériennes, un balai poussif cessa de nettoyer le carrelage, tandis que les habitués observaient les nouveaux venus avec attention.

La bande de rouquins paraissait au fait des us locaux et ne semblait pas mériter d’examen plus approfondi… si ce n’est ce gaillard au front zébré d’une cicatrice désormais célèbre, qui se dissimulait parmi eux comme un attrapeur au milieu de son équipe de Quidditch. Lentement reprirent les chuchotements des conversations, le bruissement des journaux, le ballet des plateaux, théières et balais.

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Escortée de sa phalange d’adolescents, Molly Weasley s’avança vers le bar d’un pas qu’elle voulait décidé. Derrière le comptoir s’activait un curieux bonhomme, dont le sourire avenant contrastait avec l’austérité de son crâne luisant et sa silhouette voûtée, qui semblait s’obstiner en une obséquieuse et permanente courbette.

Lorsqu’il aperçut Fred et Georges, il leur fit un signe de connivence et quitta son comptoir pour les emmener dans l’une des alcôves. Les jumeaux se râclèrent la gorge d’un air gêné et s’effacèrent pour présenter leur famille. Molly leur jeta un regard qui stipulait clairement que “l’on tirerait tout ça au clair plus tard !” Mais Tom le barman avait reconnu certains de ses visiteurs. Ses grands yeux bleus éclairèrent son visage glabre :

– Mais si ce n’est pas Mme Weasley elle-même, et Mr. Potter !, s’écria le petit homme bossu, qui peinait à retrouver une stature normale, même en levant les bras au ciel. Et toute la famille ! finit-il par déduction, avec malgré tout un regard indécis envers Hermione, que sa chevelure ne désignait guère comme une Weasley…

Tom s’engagea alors dans un conciliabule un peu confus, dont seule la logique imparable d’Hermione put déduire que le brave barman n’avait pu, malgré sa bonne volonté, se procurer ce que Molly lui avait commandé.

– Vous comprenez, Mme Weasley, conclut-il, les fournitures sont très réglementées, et avec tous ces trafics qui se développent… Pas plus tard que ce matin, figurez-vous qu’on ma demandé un verre de polynectar !

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M. Moulpoivre, vieillard affable à la permanente grisonnante, papillonnait d’un client à l’autre, conseillant ici un gnome endimanché quant à la dernière potion d’élégance à la mode, rectifiant là l’assertion péremptoire d’un étudiant sur les propriétés des rates de carcajou. Dans la pénombre ouatée de sa boutique oscillaient dans l’air tiède des brassées de plantes aux senteurs de benjoin et de marjolaine. Des brûloirs flottaient mollement au-dessus des chapeaux de sorciers, dispensant de caressantes volutes aromatiques, qui flattaient l’odorat et poussaient à la consommation.

Au pied de sa vitrine, des massifs de plantes exubérantes, recouverts de cloches de verre, s’agitaient lorsqu’un sorcier passait à portée. En équilibre sur les poutres vénérables, des viscères macéraient dans des bocaux soigneusement étiquetés, dont l’alignement rigoureux s’émaillait parfois de quelque ardoise annonçant une rupture de stock ou une interdiction ministérielle.
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Mais des éclats de voix perturbaient l’opulente tranquillité de l’échoppe. Un attroupement tapageur s’était formé, bloquant l’alcôve dévolue aux abats de reptiles. Une sorcière d’âge mûr et d’embonpoint respectable vitupérait, tandis que des étudiants se bousculaient pour piller le contenu d’un grand bocal :

– Six galions l’once de foie de dragon ! On nous détrousse, on nous écorche, on nous assassine ! Mais ça ne se passera pas comme ça ! Au ministère, j’ai le bras long ! pérorait la dame de sa voix haut perchée, en agitant en l’air ses petits bras dodus.

Les prix semblaient avoir grimpé à la mesure de la convoitise pour l’article…

Harry, Hermione et Ron échangèrent un regard et se jetèrent dans la mêlée. Mais au final, le trio ne put assembler qu’une demi once de foie de dragon, qu’ils remirent en la garde de Hermione, et payèrent en grimaçant.

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Mme Weasley, ulcérée par l’inflation inquiétante au Chemin de Traverse, laissa sa progéniture continuer ses emplettes, entraînant Ron chez le tailleur.

Oh, ce n’était pas le couturier des snobs Twilfitt & Tattings, mais après son échec bicolore, elle tenait à offrir à Ron, quelque chose d’un peu plus sélect que le prêt-à-porter de chez Madame Malkin.

Pierre Dingotte et ses aides s’activaient autour d’un grand gaillard, qui trônait devant un triptyque de miroirs aux reflets flatteurs. Un costume dernier cri flottait sur ses épaules. Les Elfes de maison tentaient de remonter les manches de flanelle, mais les marques tatouées sur les bras du client semblaient y faire obstacle. Maître Dingotte s’efforçait de cintrer une chute de reins avantageuse, mais le mannequin malgré lui, impatient et mal à l’aise, supportait mal les attentions caressantes du maître-tailleur.

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Des célébrités pausent après leur passage chez Pierre Dingotte

Lorsque le patient se retourna, aiguillonné par les regards des nouveaux clients dardés dans son dos, Ron le reconnut : Walden Macnair, exécuteur des basses oeuvres de la Commission d’Examen des Créatures Dangereuses.

L’espace d’un instant, l’adolescent revit s’élever, dans la brume du soir, la funeste faucheuse d’âme, la hache du bourreau s’élevant pour trancher la tête de Buck. Il poussa un « non ! » assourdi, attirant sur lui le regard du sicaire. En toisant Ron, la lueur perverse qui vacillait dans sa pupille se durcit. Se raidissant plus encore, le scélérat fixa le jeune Weasley avec avidité. Sa démence morbide semblait aiguillonnée par le regard d’effroi de Ron.

En dépit des soins du tailleur, il gardait l’allure d’un tueur, malgré lui sa tête d’oiseau de proie s’enfonçait dans ses épaules, le buste penché en avant comme pour fondre sur sa victime. Le bourreau ne pouvait se départir de son regard farouche et fouillait le visage de quiconque l’approchait, à la recherche d’une reconnaissance qu’il ne trouvait jamais.

Sentant venir l’orage, Maitre Dingotte fit signe aux Weasley de prendre place devant d’autres miroirs, assurant qu’il serait tout à eux dans un instant. Mais le regard mortifère de l’ancien Mangemort avait ébranlé Molly :

– Je vois que vous êtes très occupés… Nous repasserons plus tard… bafouilla-t-elle, avant de regagner précipitamment le Chemin de Traverse.

Dans la rue, les flâneurs qui s’attardaient à la devanture de Maître Dingotte, repartaient en chuchotant entre eux avec un air inquiet, des regards furtifs ou une grimace méprisante. Le talent du tailleur ne suffirait pas à faire un sorcier respectable de Macnair, que précédait sa réputation de tueur psychopathe…

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Molly et Ron rejoignirent la tribu qui sortait de chez l’Apothicaire, les bras chargés de paquets.

La fine équipe remonta le Chemin de Traverse, en direction de chez Fleury et Bott, dans un brouhaha familier de chausses battant le pavé sorcier, de balais magiques répondant à l’appel de leur maître, des petites voix timides des première-année qui trainaient leur chaudron tout neuf débordant de fournitures.

Mais soudain le silence se fit, et la foule devant eux s’écarta pour laisser place à une jeune femme magnifique, d’une beauté irréelle.

A son passage, les visages masculins, poupins, ridés ou dans la force de l’âge, semblaient habités d’une douce extase - la séduction s’était incarnée sous leurs yeux, révélant le sens profond de la féminité. La voyant s’approcher, les femmes, au contraire, sentaient d’instinct la vanité des charmes de cette séductrice - une Vélane ! Une courtisane fantôme des steppes du grand est !

La sublime créature s’avançait, ondulant gracieusement sous les regards subjugués, admiratifs ou jaloux. Sa chevelure d’argent semait dans son sillage la mélancolie d’une rencontre secrète, l’intuition déchirante qu’une parcelle d’éternité venait de s’envoler.

La jeune femme arborait la veste cosaque de l’équipe bulgare de Quidditch, dont la teinte rouge sang tranchait avec la douce lueur de sa peau nacrée. Un vertige saisissait le regard qui s’aventurait dans les ombres veloutées de son décolleté.

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Un vieux monsieur, sa moustache toute émoustillée, délaissa le bras de sa compagne et, se découvrant, fit jaillir de sa baguette un bouquet d’une exubérance touchante. La Vélane lui accorda la caresse d’un regard, et le vieux monsieur, qui rassemblait les souvenirs de quelque poème antique, en resta bouche bée.

La vieille dame qui l’accompagnait l’exhortait en vain :
– Cornegidouille ! Adalbert, vous n’y pensez pas ? Reprenez vos esprits, mon ami !

Mais l’Ami Adalbert, justement, avait perdu cette faculté de penser. Ses esprits pétillaient, ses sens s’exaltaient, une verdeur tout neuve irradiait dans le moindre de ses membres, ressuscitant des impatiences oubliées.

La matrone administra une taloche salutaire au roquentin enamouré.

La moustache un peu tordue mais les idées à nouveau bien en place, Adalbert remercia platement et réajusta son chapeau en toussotant. Avec un flegme remarquable et une classe consommée, le vieux monsieur présenta son bras à sa douce et néanmoins énergique moitié, et les cavaliers s’en furent, comme un couple qu’aucune anicroche de ce genre ne saurait ébranler…

La gifle de la vieille dame avait résonné comme un claquement sec, et réveillé bien des mâles subjugués au Chemin de Traverse.

Mais pas Ron.

La Vélane s’était arrêtée devant lui, semblant demander son chemin, le délicieux ovale de son visage opalin incliné vers l’adolescent dans une attention hypnotique. Les yeux améthyste de la Vélane ne quittaient pas les siens, lui perçant l’âme d’un regret sans retour.

Ron souriait d’un air idiot et opinait de la tête à chaque battement de cil de la Bulgare.

Hermione, outrée de la béate passivité des garçons, tenta de s’interposer et secoua Ron sans ménagement. Mais le doux visage de la Vélane eut une infime inflexion, peinée et suppliante, qui ramena aussitôt Ron sous son emprise. Aux âmes bien nées, la candeur n’attend pas que l’âme soit damnée…
– L’allée des Embrumes, c’est par ici, souffla l’adolescent pâmé en agitant sa baguette comme s’il allait se mettre à transplaner.

Le sang maternel de Molly ne fit qu’un tour :

– Verto Veritas ! s’exclama la sorcière en colère, en désignant la coupable d’une baguette accusatrice.

Pendant un instant, la Vélane se recroquevilla sur elle-même, des serres crochues remplacèrent ses membres graciles, tandis que son visage parfait se muait en masque de harpie.

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Le clan reprit son périple sous la houlette attentive de Maman Weasley. Les garçons semblaient émerger d’un rêve ambigu, sous l’œil goguenard des filles.

Enfin se profila la boutique de Fleury & Bott, temple du savoir sorcier et péché mignon de Hermione. La librairie rechignait à organiser une bourse aux livres de seconde main, mais en cette période de l’année, des tractations entre élèves s’engageaient souvent devant sa boutique. Fred et Georges eurent tôt fait de se débarrasser, pour un prix inespéré, des manuels que Ron n’avait pas gardés, en agrémentant leur offre de colifichets enchantés de leur cru. Les jumeaux réussirent même à troquer quelques unes de leurs nouveautés pyrotechniques contre leurs manuels de cinquième année ! Leur mère fit semblant de ne rien voir, mais c’était tout autant de gagné pour le budget familial…

L’échoppe à la sage devanture regorgeait de publications en tous genres, du manuel de base au manuscrit rare, de l’épais recueil au discret vade-mecum. Au sol, aux murs, et même au plafond s’entassaient les tomes d’animalerie magique, de traités d’herméneutique appliquée ou d’arithmancie transcendantale.

Des chineurs de toutes les contrées se croisaient là, surtout en cette période de coupe du monde de Quidditch. Les élèves disparaissaient sous la pile de manuels, qu’alourdissaient encore de tomes superflus, les mamans anxieuses de donner toutes les chances à leur petit génie.

Quelques professeurs de Poudlard complétaient leur collection personnelle d’ouvrages spécialisés, quoique l’on put soupçonner certains d’être simplement venus vérifier le succès en librairie de leurs derniers opus.

Mais ce jour-là, une effervescence inhabituelle troublait l’ambiance studieuse sous les arcades de la respectable maison. Le fond du magasin semblait donner sur un paysage changeant : de profondes forêts se muaient en royaumes féériques, des cavaliers aux mailles brillantes quittaient un château d’or et déferlaient sur la plaine, de puissants seigneurs se défiaient du haut de leurs forteresses.

Les sorciers interrompaient leurs emplettes et assistaient à ce carrousel de scènes hautes en couleur, immergés dans le paysage qui semblait gagner toute l’échoppe, leur chapeau flottant dans la brise de ce monde vivifiant.

D’un coup, le spectacle s’évanouit. Un petit personnage, que l’on avait à peine remarqué jusque là, venait de refermer son livre sur le pupitre devant lui.

Le gaillard, très content de sa courte personne, observa l’assistance avec malice, tirant sur sa pipe et lustrant son gilet de soie. Les clients de la librairie s’étaient assemblés autour de lui, fascinés par les prodiges de ce livre enchanté.

La face sympathique du petit homme, ses yeux rieurs, sa bedaine rebondie, jusqu’à ses pied nus et poilus rassuraient le chaland. Alors le bonisseur se remit à feuilleter son livre. Des chevaux d’écume, des monstres répugnants, de terribles vieillards défilèrent dans la librairie, comme jaillis des pages magiques, tandis qu’il débitait avec délice un boniment sur son « Livre dont vous êtes le héros ».

Les nôtres - nos héros - étaient tombés en pleine opération promotionnelle !

Quelques barbons sang-pur s’éloignèrent en reniflant de dédain envers une œuvre d’une naïveté navrante et qui semblait tout droit sortie de l’imagination bridée d’un Moldu.

Ni Harry ni Hermione ne se souvenaient avoir lu quelque chose d’approchant durant leur vie d’avant Poudlard. Mais les clients faisaient la queue pour essayer cette immersion intégrale, ce prodige plus vrai que nature.

Une dame respectable acheta un exemplaire, après avoir embrassé le beau chevalier errant du chapitre huit. Un gobelin fit de même, après un bain dans le bassin de pièces d’or du dragon, en début de troisième partie.

Dès lors, on se précipita et, à chaque fois, le curieux qui s’aventurait dans le livre y trouvait, comme un écho fidèle, le personnage, la scène ou l’artefact qui convenait à son humeur. Autant vous dire que le bonhomme aux pieds velus eut un franc succès !

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Comme plusieurs élèves de Poudlard s’étaient mis sur les rangs, un professeur d’Astrologie demanda des explications quant à l’âge requis pour utiliser le fameux livre. Les étudiants rentrèrent les épaules : Aurora Sinistra, qui donnait beaucoup de devoirs, manquait cruellement d’humour et de fantaisie, elle allait les en priver.

Mais le bonimenteur sut se montrer rassurant : son manuscrit original lui était réservé, et les exemplaires imprimés à l’attention du public bénéficiaient de toutes les protections magiques nécessaires.

Les candidats se bousculaient et repartaient avec un exemplaire du livre-dont-ils seraient-le-héros. Curieusement, l’épaisseur et le format du livre semblaient s’adapter à chaque nouveau propriétaire.

Lorsque vint le tour de Ron de plonger dans le livre magique, une porte ronde trouva sa place entre les étagères chargées de livres. La baguette du jeune Weasley se mua en canne et il poussa la porte. Un soleil radieux se levait sur une riante campagne et son compère l’attendait sur le perron. Le matin neuf resplendissait, tandis qu’un charmant petit chemin appelait à l’aventure. Les inséparables sentaient frétiller d’impatience leurs orteils poilus et se mirent en route.

Lors d’une pause gastronomique à l’auberge, voilà que leur tomba dessus un vieillard, grisonnant, hirsute – Dumbledore ? Le sorcier, serré de près par une bande de malandrins – des détraqueurs ? – vite, lui remit un anneau d’or, “qui ne doit pas tomber entre leurs griffes – à aucun prix !” Aidé de son fidèle compagnon, Ron s’en saisit et …

Mais le livre s’était refermé. Privé de son exaltation, arraché brutalement à son histoire, l’adolescent resta un instant hagard, Lui, Ron, le meilleur ami du gars célèbre, le petit dernier insignifiant d’une famille de surdoués, le sacrifié de service, avait enfin le premier rôle ! Il lui fallait ce bouquin !

A poursuivre très prochainement…
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Contribution de @morganecach

C’est alors que Walden Macnair se fraya un chemin en bousculant quelques sorciers. Son costume neuf donnait au triste sire une allure de gangster de la prohibition.

Comme s’il s’agissait de poulets destinés à l’abattoir, il dévisagea les premiers rangs de sorcier, auscultant leurs peurs secrètes. Tous les candidats au livre-dont-ils-seraient-le-héros, mais qui-ne-se-sentaient-pas-d’être-un-héros-là-tout-de-suite, s’écartèrent pour lui céder la place.

Macnair s’avança, suivi d’une lamentable petite créature – un de ces elfes de maison, mal vêtus, traînant leur air triste dans l’ombre de leur maître et asservis à jamais. Le coeur de Hermione se serra.

Le bourreau plongea son regard carnassier dans le livre. Une montagne s’éleva sur les cendres de la librairie, vomissant des nuées sombres dans un crépuscule d’outre-monde. Des confins de ces terres gastes et incandescentes, s’avancèrent des cavaliers noirs, esprits de terreur avilissant le monde. Macnair se vit à la tête de cette phalange implacable, à la droite de son maître sur un trône d’airain.

Bien vite, le petit bonhomme referma son livre.

Macnair avait relevé le buste, en nage, les yeux hallucinés, ardents de frustration.

Mais on ne se préoccupa bientôt plus du bourreau : dans un éclair aveuglant, Lucius Malefoy apparut soudain ! Le sang-pur, paré comme un dandy, venait de transplaner au beau milieu de la section Thaumaturgie. Agrippé à la robe de son père et sous le bras un énorme bocal débordant de foie de dragon, Drago tâchait de récupérer, les jambes flageolantes, mais Lucius, très à l’aise, toisait déjà autour de lui, quiconque avait l’audace de ne pas abaisser le regard sous sa prunelle magnétique.

Il croisa les yeux pleins de morgue de Molly, qui abhorrait sa suffisance endimanchée. La tribu Weasley se rassembla autour de sa mère lionne.


Quelques élèves de Serpentard firent de même autour des Malefoy. Il semblait qu’une fois encore, l’équipe de Quidditch vert et argent, eût bénéficié des largesses du père de son attrapeur.

Des remarques désobligeantes sur un “troupeau de hyènes rousses” déclenchèrent des commentaires grinçants sur les “affections congénitales des Mal-au-foie”, qui furent suivis d’offenses graduellement plus triviales. Tout-à-fait choquant dans un magasin si respectable…

A cet instant, un grand tumulte se fit entendre : le petit auteur du livre-dont-on-est-le-héros venait de découvrir qu’on lui avait dérobé son précieux original ! Dans tous ses états, il se lamentait sur sa perte irréparable :

– Pour les plus humbles comme pour les plus grands, il est une œuvre qu’il ne leur est donné d’accomplir qu’une fois et, dans cette œuvre, leur cœur se met tout entier ! [1]

Lorsqu’un agent du ministère se présenta, on interrogea les témoins, mais aucun ne put apporter son aide, car tous s’étaient trouvés fascinés par la confrontation Weasley - Malfoy…

[1] JRR Tolkien, Le Silmarillion, Ch.9 La fuite des Noldor.

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Contribution de @kitsune-aux-amandes

L’arrivée de l’agent, à défaut d’être utile pour l’auteur – qui semblait désormais au bord de l’apoplexie – eut au moins le mérite de calmer les ardeurs des deux chefs de famille rivaux. Il faut dire qu’être catalogué comme fauteur de troubles n’était pas dans les projets de Lucius Malefoy, et encore moins de Molly Weasley. L’un comme l’autre aspirait à la discrétion, bien que l’on se doute que ce ne soit pas pour les mêmes raisons…

La petite tribu de rouquins – toujours accompagnée de Harry et Hermione – retourna donc sans plus tarder en direction du Terrier. Enfin, il serait plus juste de dire que Molly décida de rentrer. Avant de s’apercevoir que sa fille unique et la brunette s’extasiaient devant les volatiles de la Ménagerie Magique et que, quelques mètres plus loin, les jumeaux et Harry débattaient sur le prix du prochain Nimbus en vente dans le magasin de Quidditch. Ron, quant à lui, semblait avoir décidé de s’offrir la plus grosse glace de chez Florian Fortarôme, histoire d’oublier la déception de ne pas posséder un livre qui ferait de lui – enfin – un héros.

La tentation d’utiliser un Sonorus pour rappeler sa marmaille fut grande, mais Molly avait une réputation à tenir. Que diraient les sorcières de la haute société londonienne si elle s’abaissait à utiliser la magie pour récupérer ses enfants ? Les passants virent donc, pendant une dizaine de minutes, une tornade rousse courir d’un bout à l’autre du Chemin de Traverse. Il suffisait qu’elle en attrape un pour que l’autre s’échappe…

Ce fut donc une Madame Weasley échevelée et passablement essoufflée qui transplana devant le Terrier. Enfin, elle les avait tous récupérés ! Mais comme on n’est jamais trop prudent, Molly passa à nouveau en revue ses troupes… pour s’apercevoir qu’il manquait son mari ! Il était probablement resté au Chaudron Baveur pour discuter avec Tom autour d’une Bièreaubeurre. De lassitude, la matriarche s’enferma dans sa cuisine. Arthur rentrerait bien tout seul…

Aussitôt, la jeunesse s’éparpilla. Ron entreprit de dégnommer le jardin, tout en maudissant en boucle « cet imbécile de MacNair » qui, en plus de lui avoir fait rater la célébrité, l’avait empêché d’avoir de nouvelles robes. Fred et George entraînèrent leur petite sœur et Celui-qui-a-Survécu dans un match amical de Quidditch, histoire de ne pas perdre la main et de tenter quelques mouvements découverts lors du match Irlande-Bulgarie. Pour finir, Hermione rejoignit sa chambre, prétextant qu’elle voulait lire le surprenant ouvrage de Cheddar-Sang’Hor.

– C’est toujours bien d’être en avance sur le programme, argumenta-t-elle. Vous serez bien contents de faire appel à moi durant l’année quand vous ne comprendrez pas à quoi sert le foie de dragon.


Mlle Granger rêveuse, la plume à la main… Certes, elle est un peu plus jeune que dans notre histoire.

Harry la soupçonnait plutôt de s’enfermer pour écrire à Laurent Dupont, un charmant français qu’elle avait, semblait-il, rencontré à Paris durant son séjour dans la capitale début juillet. Elle entretenait avec lui une conversation épistolaire discrète mais passionnée. Quand il l’avait appris – rien n’échappait à son œil d’attrapeur – Harry avait prédit que cette relation ne passerait pas le mois de septembre. Les cours ramèneraient la studieuse Hermione sur Terre et la détourneraient de tout ce qu’elle considèrerait comme trivial, les amourettes d’adolescents en faisant évidemment partie. Mais si Harry semblait tout savoir des vies sentimentales de ses amis – celle de Ron était d’ailleurs aussi plate que les eaux ternes du Lac Noir – il avait définitivement des œillères en ce qui concernait la sienne. Et ce ne serait sûrement pas Ginny, qui tentait d’attirer son attention depuis dix minutes, qui allait dire le contraire…

Au bout d’une bonne heure et demie néanmoins, tous commencèrent à se poser des questions. En utilisant la magie, pourquoi Molly mettait-elle autant de temps pour préparer un simple dîner ? La marmaille était certes nombreuse, et les garçons étaient de gros mangeurs. Mais vu le temps qu’elle y passait, on pouvait croire que le Terrier recevait l’entièreté du personnel de Poudlard, auxquels s’ajoutaient les employés du Ministère de la Magie, à souper. Les enfants avaient-ils oublié une date importante ? Par Merlin, pourvu qu’il ne s’agisse pas du dîner mensuel de Tante Muriel…

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Contribution de @ensorceleurisee

Hermione mit enfin le point final à sa lettre. Elle soupira, signa en bas de la page, posa sa plume dans l’encrier puis porta le parchemin à ses lèvres. Elle en apprécia le contact doux et organique ainsi que le parfum poussiéreux. Hedwige vint aussitôt se poser près d’elle, prête à emporter la missive de la demoiselle jusqu’à son doux français. La jeune fille roula soigneusement le message et l’attacha à la serre de l’oiseau de nuit qui s’envola sans un bruit. Elle suivit un instant la chouette de Harry des yeux puis se décida à quitter la mansarde pour gagner la pièce commune où elle espérait le trouver en compagnie de Ron.

Les marches de l’escalier craquaient sous ses pieds tandis qu’elle descendait lentement, perdue dans ses pensées. Un délicat fumet lui fit faire un détour par la cuisine. Elle poussa la porte et regarda fascinée le ballet des casseroles et autres ustensiles. Il régnait une joyeuse pagaille dans la pièce où tant de mets étaient en train de se préparer, guidés par la magie de Molly Weasley qui accompagnait ses mots chantants de gestes précis de sa baguette magique.

L’estomac de la brunette se fit entendre, révélant sa présence à la maîtresse de maison qui d’une invocation, assortie d’un sourire chaleureux, fit atterrir entre ses mains une gougère au fromage encore tiède.

– Merci Mrs Weasley !
– Je t’en prie ma jolie, tu m’en diras des nouvelles ! Puis-je t’inviter à emporter ce plateau pour partager avec les autres ?

Un grand sourire aux lèvres, Hermione sortit sa baguette et ordonna au plateau de la suivre. Elle mordit alors dans le moelleux et savoura la texture nuageuse à la saveur de cheddar associée à celle des herbes fines. La jeune fille dégusta lentement, savourant chaque arôme, chaque texture.

Elle arriva dans le salon : personne. Elle fit volte face pour se diriger d’un pas plus alerte vers le jardin. Tous étaient encore dehors excepté les jumeaux qui semblaient avoir disparu. Ils accueillirent l’arrivée de la brunette, et surtout du plateau, avec un grand sourire réjoui puis reprirent leur discussion, l’air animés. Ron, qui avait engouffré deux gougères en même temps reprit, la bouche pleine, plaintif et postillonnant :

– Non vraiment Harry… Tu… euh… humm! n’imagines pas ce que… c’est de l’avoir à dîner ! Elle… – miam, donne-m’en encore une Hermione s’il te plaît ! – critique tout ! Tu vas…. voir que même ces… hummm… délicieuses gougères ne trouveront pas grâce à ses yeux !

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– Moi elle me fait peur, avoua Ginny, profitant de l’occasion pour écarquiller ses doux yeux bleus et se rapprocher timidement de Harry qui, comme d’habitude, ne remarqua rien.

C’est là qu’arrivèrent Fred et George, l’air nonchalant mais l’œil pétillant de malice :

– Ce soir on lui réserve une bonne surprise, commença George, ça lui apprendra à laisser un peu Maman tranquille, termina son double.

Tous les regards se tournèrent vers eux, curieux, inquiets ou réprobateurs selon leur propriétaire. Tous attendaient des explications sous l’œil ravi des deux chenapans qui se contentèrent d’affirmer qu’ils ne seraient pas déçus du spectacle avant de repartir, les poches pleines de gâteaux et très satisfaits de leur effet.

L’attente de l’arrivée de Tante Muriel débuta donc dans un mélange d’inquiétude et de curiosité : qu’avaient donc inventé les jumeaux, comme nouvelle blague ?

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Contribution de @Alresha

Les minutes s’égrenèrent.

Un quart d’heure s’écoula.

Puis une demi-heure.

Certes, Tante Muriel arrivait parfois en retard (dans le but probable de reprocher à sa nièce de lui servir des plats trop froids ou trop cuits), y compris à des dîners auxquels elle s’était elle-même invitée, mais lorsque vingt-et-une heures sonnèrent à la pendule du salon, les époux Weasley échangèrent un regard inquiet.

Une flamme s’éleva soudain dans la cheminée du Terrier, et un visage se dessina dans les reflets orangés du feu qui s’était soudainement mis à crépiter.

– Kingsley ! s’écria Arthur en se levant, imité par sa femme.

– Bonsoir à tous, déclara l’Auror. Je suis désolé de vous déranger, mais il semblerait que votre tante ait reçu un sortilège de confusion. Elle a voulu se rendre chez vous, mais elle a eu un petit accident en chemin. Rassurez-vous, elle n’est pas gravement blessée, mais elle vous réclame. Pourriez-vous venir immédiatement à Sainte Mangouste ?

Molly poussa un petit cri, entre inquiétude et soulagement.

– Bien sûr, nous arrivons immédiatement !

Il ne lui fallut pas une minute pour enfiler son manteau, s’emparer de son sac à main, distribuer à toute sa progéniture, ainsi qu’à Hermione et Harry, des recommandations mêlées d’avertissements pour la soirée, lancer une poignée de poudre de cheminette et disparaître avec Arthur.

Le silence retomba sur la petite assemblée.

– Qu’est-ce qui s’est passé, à votre avis ? finit par demander Ron, qui s’interrogeait intérieurement sur l’opportunité de terminer sa sixième gougère, dont il tenait le dernier quart à la main.

Les jumeaux, qui avaient baissé piteusement les yeux à la mention du « sortilège de confusion » et ne les avaient pas relevés depuis, se levèrent précipitamment.

– Bon, eh bien nous allons monter… commença Fred.

– … oui, enchaîna George, nous avons du travail…

– … bonne soirée ! conclurent les jumeaux, raflant au passage quelques amuse-gueules préparés par leur mère.

Harry, Ron, Hermione et Ginny les regardèrent monter les escaliers avec toute la rapidité du lapin qui vient de chiper une carotte au nez et à la barbe du fermier. Harry fut le premier à exprimer à haute voix ce que tous pensaient.

– On est d’accord qu’ils étaient bizarres, hein ?

Les deux filles acquiescèrent, tandis que Ron se décidait à enfourner sa dernière bouchée de gougère.

– Vous ne pensez pas qu’ils auraient… envoyé quelque chose à Tante Muriel qui expliquerait…

Ginny n’eut pas le temps d’achever sa phrase : dans un crac sonore, un elfe de maison se matérialisa soudain devant le canapé où étaient assis les adolescents. Pendant un instant, Harry crut qu’il s’agissait de Dobby, mais l’être qui se tenait devant eux, vêtu de l’habituel tissu crasseux que portaient tous ses semblables, avait le teint plus verdâtre et arborait un nez bien plus proéminent.

– Harry Potter, quel honneur !

L’interpellé, reprenant ses esprits, reconnut les traits de la créature qui était entrée avec Macnair chez Fleury et Boots quelques heures auparavant. Sans réfléchir, il sortit sa baguette magique, imité par ses amis. L’elfe s’aplatit sur le sol.

– Monsieur, ne faites pas de mal à Patty !

– Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda Harry, méfiant.

Les elfes de maison qui lui voulaient du bien, il avait déjà donné, merci !

– Monsieur, Patty est venu vous prévenir… Dobby avait dit à Patty que vous étiez bon et que vous veniez en aide même aux elfes de maison…

– Tu peux parler en toute confiance, Patty, intervint Hermione en abaissant sa baguette. Nous t’aiderons si nous le pouvons.

L’elfe de maison sembla sur le point de fondre en larmes, mais il se reprit.

– Patty ne peut pas parler, Patty ne peut pas dire des choses contre son maître, mais il se passe des choses… terribles…

La petite créature regarda autour d’elle, comme si elle cherchait quelque chose pour se punir de ce qu’elle avait dit. Harry, qui avait une certaine expérience de ce genre de choses, entoura précipitamment de ses bras le corps bien trop frêle de Patty.

– Nous comprenons que tu ne peux rien dire. Réponds simplement par oui ou non, d’accord ?

Patty acquiesça en reniflant.

– Macnair prépare un sale coup, c’est ça ? suggéra Ron.

L’elfe hocha frénétiquement la tête.

– Il a volé un livre aujourd’hui à la librairie… commença Hermione avec hésitation.

Nouveau hochement de tête.

– Et il veut s’en servir pour… pour faire des choses terribles, conclut Harry.

Patty se cacha le visage de ses longues oreilles avec un gémissement terrifié.

– Des choses qui ont à voir avec Vol… avec Tu-Sais-Qui ? se reprit l’adolescent après un coup de coude bien senti de la part d’Hermione.

L’elfe se jeta à terre, prostré. Harry consulta ses deux meilleurs amis du regard et vit dans leurs yeux la même détermination qu’il sentait brûler au plus profond de lui.

– Patty, dit-il lentement, crois-tu que tu pourrais… nous emmener en transplanant aux abords de la maison de ton maître pour que nous puissions voir par nous-même ce qu’il prépare ?

– Patty peut ! Patty peut ! couina la petite créature en se relevant d’un bond. Harry Potter est un grand, grand sorcier et ses amis sont des braves parmi les braves !

Le jeune homme tourna les yeux vers la cadette des Weasley, mais avant même qu’il ait eu le temps de lui expliquer qu’elle devait rester au Terrier et s’efforcer de prévenir le professeur Dumbledore, Patty avait saisi la main d’Harry ainsi que celle de Ginny.

Tous deux disparurent dans un éclair.

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Contribution de @morganecach

Harry regarda autour de lui, complètement désorienté, et avec l’étrange sensation que son cœur et ses poumons venaient tout juste de se faire écraser avant de reprendre une taille vaguement normale. Où était-il donc ? Il ne reconnaissait ni les murs gris et froids de la maison à sa gauche, ni le jardin à sa droite où régnait un silence de mort, et l’expression hagarde qui hantait le visage de Ginny lui fit comprendre qu’elle était aussi déboussolée que lui. Une petite remise délabrée débordait de bois de chauffe, entassé en désordre. Une odeur de charogne planait sous les branches. Devant la chaumine, trônait une gigantesque souche, sur laquelle était plantée une hache de belle taille. Des éclaboussures de sang noir témoignaient que c’était là que Macnair perfectionnait son art de bourreau et assouvissait son besoin viscéral d’occire ce qui lui tombait sous la main.


Il fallut plusieurs secondes à Harry pour se rappeler de l’enchaînement d’événements qui les avaient amenés tous les deux à cet endroit précis. Pourquoi n’avait-il pas pris la peine de discuter de la situation avec Hermione et Ron ? Qu’allait-il pouvoir faire ici tout seul ? Sans compter qu’il faudrait protéger le bébé de la famille Weasley… Il ne pouvait même pas utiliser la magie sans prendre le risque de se faire renvoyer de Poudlard…

– Patty, chuchota rapidement Harry, j’ai besoin que tu retournes chercher Ro…

Les yeux de Patty s’écarquillèrent lorsqu’une voix provenant de l’intérieur de la maison, à mi-chemin entre le crachat et le cri, prononça son nom, coupant court aux supplications de Harry.

Un CRAC ! sonore claqua dans la fraîcheur du soir, et Patty n’était plus là !

.oOo.

Ginny écoutait d’une oreille attentive les bribes de mots qui s’échappaient de la fenêtre la plus proche : «… Où étais tu donc… Lucius va bientôt arriver… dans cet état… tout préparer…». Elle savait qu’elle aurait dû se sentir terrorisée, coupable d’intrusion dans la propriété de ce psychopathe de Macnair. Mais l’excitation de se retrouver seule avec Harry avait éclipsé la panique initiale.

Enfin se présentait la chance de montrer à Harry qu’elle n’était plus une petite fille implorant d’être sauvée ! Elle ne la laisserait pas filer ! Un influx nerveux irriguait son esprit d’une froide détermination. Il lui fallait analyser toutes les informations disponibles afin de comprendre les intentions de Macnair ! Ensemble, ils allait déjouer les machinations du bourreau ! Unis contre l’adversité, ils allaient transcender ce lien unique qui… hum…

Bref, quand un nouveau CRAC se fit entendre, elle savait déjà qui venait de transplaner dans la maison du bourreau.

Elle sut d’instinct que les bribes de discussions qui suivirent – si l’explosion de violent dédain qui se fit entendre peu après pouvait être qualifiée comme telle – constitueraient une pièce importante du puzzle !

– Aucune discrétion… tout le monde avec un peu de cervelle a compris que c’était toi le voleur… ce manuscrit ridicule… rien d’un Moldu ne pourra te rendre ton honneur…

La voix de Lucius et le bruit de ses pas se dirigeaient vers une porte donnant sur le jardin, et Ginny tira sur la manche de Harry pour l’emmener se cacher au coin de la maison. Macnair, l’air fébrile, sortit de chez lui en marmonnant, suivi de Patty et de son invité qui continuait de débiter un flot de paroles dédaigneuses.

– … en plus, tu ne pourras rien en faire ! Ce doit être un vulgaire enchantement Animare , es-tu si bête que ça, Walden ? Tu t’es laissé envoûter par cette hallucination moldue pathétique ? ricanait Lucius… tu ne pourras jamais faire interagir tes “nazes gueules” avec notre monde réel, réfléchis enfin !

– Pour le manuscrit, n’en sois pas si sûr… Et de toutes façons j’ai un plan, grogna Macnair, le visage rouge, ses yeux avides baissés vers le livre énorme qu’il tenait entre les mains.

– Ah oui ? Dis-moi tout, tu comptes te lancer un sortilège d’ Allégresse à toi même pour te faire oublier que ton idée est misérable ?

– Non… Patty… si je lui ordonne… tu vas voir, de toute manière ! Et immédiatement ! Je t’ai appelé pour ça après tout ! Tu n’es pas le seul à être puissant ici, Lucius !

Secoué à présent d’une extase malsaine, Macnair se tourna vers son elfe de maison qui tremblait des pieds à la tête.

– Patty, tu vas invoquer sur-le-champ les personnages du passage du manuscrit que je t’ai fait lire tout à l’heure ! éructa le bourreau.

L’elfe tenta de protester, mais elle savait qu’elle ne pouvait refuser un ordre direct de son maître.

– Maintenant !

Le petit corps chancelant de Patty se recroquevilla, ses yeux se fermèrent dans une expression douloureuse.

Ginny risqua un coup d’œil à l’angle du mur. De grandes ombres semblaient sortir du livre, prenaient forme dans le jardin … « des Détraqueurs ! » songea-t-elle aussitôt. « Il y a des Détraqueurs dans le manuscrit volé ! ». Évidement, Harry étant parfait, il pourrait faire apparaître un Patronus en un rien de temps afin de régler la situation, mais ce n’était pas une option. Il fallait qu’elle en fasse apparaître un elle-même, qu’elle prouve sa puissance à l’élu de son cœur ! Elle n’avait jamais essayé ce sortilège, mais après tout la force de son amour allait la porter, et sa réussite ne pouvait être qu’éclatante !

Elle sortit sa baguette, mais Harry la retint alors.

– Lâche moi, Harry ! Je vais faire fuir les Détraqueurs ! chuchota-t-elle avec intensité.

– Je ne crois pas que ce soient des Détraqueurs, Ginny…

Harry observa à son tour le jardin. Les ombres prenaient à présent la forme de cavaliers vêtus de noir. Lucius, l’air horrifié, tournait les pages du manuscrit à toute allure, puis le referma d’un geste brusque. Lorsque la dernière ombre se fut matérialisée, les neuf se regroupèrent dans la brume méphitique et éperonnèrent tels des damnés, comme aiguillonnés par un appel impérieux.

Au même moment, au Terrier, Ron, qui tournait en rond, l’esprit inquiet, sentit un poids lui tomber sur le cœur – ou peut être était-ce sa poche ?

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Contribution de @OldGirlNoraArlani

Détournant les yeux du décor sinistre pour éviter de vomir les gâteaux de sa mère, Ginny préféra se focaliser sur Harry. Le front zébré du jeune homme se plissait d’incertitude tandis qu’il contemplait la disparition de noirs cavaliers fantomatiques juchés sur des sombrals. Il n’avait certes pas voulu qu’elle utilise son patronus , mais la chaleur de ses doigts protecteurs autour de son avant-bras achevait de dissiper l’étourdissement dû au mode de transport.

— Dommage qu’on ne puisse pas transp…

Le son cassant signalant l’arrivée d’un sorcier se fit entendre sans transition et Harry s’accroupit en entraînant l’adolescente dans le mouvement. Macnair n’était de nouveau plus seul dans son repaire. Qui aurait cru que la masure de cet obscur Mangemort fût aussi fréquentée ?…

.

— Ah, tu es là ?! grogna ce dernier en guise de salutation.

— J’ai ssuivi Malefoy et attendu sson départ. Alors, Moulpoivre ss’est fait prier ?

Ses consonnes sibilantes trainaient légèrement. Le fait troublait Harry car c’était trop proche de Voldemort parlant fourchelang.
Ginny, elle, avait bien du mal à afficher la force et l’assurance qu’une « femme indépendante » aurait dû posséder. Elle serra un peu plus la main d’Harry qui se méprit et la remercia d’un battement de paupière et d’un petit sourire piteux.


Ginny, quand elle se rêve en femme indépendante et mystérieuse.

.
— Je lui ai fait comprendre qu’il n’était pas malin de refuser de servir un bon client… C’est un lâche. Il fournira gratuitement tous les ingrédients qu’on voudra pour le polynectar mais en petites quantités.

— Je ferai avec. Ce qui est regrettable, c’est que ton ami Lucius dédaigne complètement le potentiel de ce Livre. Sserait-il contrarié de dire adieu à sson influence avec le retour du Sseigneur des Ténèbres ? persifla le second comploteur. Notre asssociée bulgare devrait le remettre dans de meilleures disspositions.

— Pas question ! Elle a eu sa chance avec le petit Weasley et elle a échoué.

— Uniquement parce que ssa grosse dinde hargneuse de mère ss’est interposée pour protéger sson avorton… Mais un homme mûr, frusstré par le mariage arrangé des Ssang-Pur… c’est imparable. Il n’y a que toi pour resster de glace face à ces créatures.

— Assez ! s’énerva Macnair lassé d’être pris de haut. Lord Voldemort entend regrouper ses anciens partisans immédiatement.

L’inconnu claqua la langue et rétorqua sèchement.

— J’ai dit que je m’en occupais ! C’est pour bientôt. Tu es bien défaitiste pour un Mangemort au bord de la réussite, Walden. Le plan pour affaiblir Potter en le sséparant de sses amis fonctionne à merveille. La Ssang de Bourbe a la tête ailleurs, même pas fichue de reconnaître un Sserdaigle derrière sson Roméo Français ! Et l’attardé des Weasley a chapardé une copie bridée du Livre qui le maintiendra ficelé dans la toile ssournoise de rêves héroïques… avec une bonne partie des Gryffondor… Tout risque d’opposition étant écarté, je te conseille de te montrer un peu plus motivé ou Lord Voldemort le saura. Tout ce qu’on te demande, c’est de circonvenir Malefoy, ou sson gamin. C’est à ta portée ou je dois confier la misssion à quelqu’un d’autre ? Tu t’es pourtant vanté de valoir mieux que Pettigrow…

.

Le nez au ras du bord de la fenêtre, Harry s’efforçait de voir sans être vu au travers des vitres sales. Il regrettait sa cape d’invisibilité. Mais ce qu’il venait d’entendre lui faisait l’effet d’un Petrificus… « Séparer Potter de ses amis » ? Il avait hoqueté sous la surprise et Ginny ne sut pas quoi faire pour l’aider. Comment raisonner froidement lorsque celui que vous aimez est à moins de vingt centimètres de vous et que vous venez d’apprendre, en plus, que votre meilleure amie et votre frère sont manipulés par des Mangemorts ?

— Harry, qu’est-ce qu’ils veulent faire exactement ? demanda-t-elle tout bas.

Le Survivant n’en avait pas la moindre idée parce que c’était Hermione le cerveau de la bande… Il ne répondit pas.

— Allons prévenir Papa, proposa-t-elle alors. On lui dira tout ce qu’on a entendu et il préviendra le Premier Ministre…

— Oui sauf que Patty est sûrement terrorisée maintenant ! Et sans elle, pas moyen de transplaner sans se faire repérer !.. s’emporta Harry en haussant le ton.

.

— … maximum de ssorciers réunis, l’impact n’en ssera que plus important et…

— Shhhh ! J’ai entendu quelque chose dehors !

Les vantaux rétifs de la fenêtre au-dessus d’eux s’ouvrirent brusquement en couinant. Ginny eut le temps de plonger sur Harry pour l’aplatir sur le tapis d’orties, roulant pour se dissimuler avec lui sous les ronces ornementales.
Tâchant d’ignorer les brûlures d’ortie, les estafilades de ronces et leur empilement gênant, les jeunes espions osaient à peine respirer. Ils devinaient trop bien ce que des Mangemorts avides de plaire à Voldemort pourraient leur faire subir s’ils étaient pris.
Ils surent que l’autre homme venait de rejoindre Macnair en entendant sa voix toute proche. Le cœur battant à tout rompre, la jeune fille se mordit le poing et enfouit la tête contre l’épaule d’Harry.

— Chut, quoi ? On ne va pas y passer la nuit ! Hominum revelio !

à poursuivre très prochainement

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Contribution du Praefectus Cadaveris

Ginny, Harry et Patty disparurent dans une zébrure indigo et un craquement de cannette alu qu’on écrabouille, laissant derrière eux un grand vide et une odeur d’ozone.

Ron et Hermione s’entre-regardèrent, désemparés. L’hébétude la plus complète maintenait ouverte la bouche du garçon, tandis que la consternation durcissait les traits délicats de la jeune fille :

– Il faut les rejoindre ! glapit-elle avant de reprendre le contrôle d’elle-même. Voyons, trouvons un moyen… Si seulement nous étions en âge de transplaner… Les balais ? Trop long ! … La poudre de cheminette ? Je ne connais pas l’adresse…

Ron déglutissait et enfournait consciencieusement la gougère suivante, admirant béatement les rouages cérébraux de son amie en plein mouvement.

– Et dire qu’ils n’ont quasiment rien dans le ventre, les pauvres ! …

La jeune sorcière se tourna vers le goinfre :

– Ron ! Si tu m’aidais un peu ?

Une lueur héroïque s’alluma au fond la prunelle porcine du rouquin, qui se leva d’un air décidé :

– Tu as raison !

Ron sortit de sa poche un livre… de poche. Oui, vous trouvez ça étrange, Ron qui se met soudain à la lecture… Moi aussi. Surtout dans un moment pareil… Mais un des auteurs précédents a décidé qu’il avait chapardé ce roman d’un obscur Moldu un peu déséquilibré. Il paraît que Ron a été transporté ! Sans oublier que le manuscrit original lui avait confié un petit bijou doré, qu’il s’était empressé d’empocher !

Toujours est-il que Ron plongea dans son livre comme un chevalier puîné à la recherche du Saint Graal. Il ouvrit une page et promena sa baguette au hasard :

– « … Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est imparti ! … » [1]

Après avoir tout de même relu deux fois, Ron se senti gagné par la force de l’aphorisme. Il leva son regard du bouquin, le visage transfiguré :

– Ça, c’est causer, mon précieux ! pensa-t-il en triturant quelque chose dans sa poche.

Lorsqu’il se présenta devant son amie, c’était un autre Weasley : l’œil vif, le menton volontaire et la main gauche ornée d’un joli petit bijou doré.

Hermione, qui ruminait des combinaisons compliquées, butait encore sur le moyen de transport – « Demander à Dobby l’Elfe de maison ? Mais avons-nous le droit moral d’imposer ces travaux à un être désormais libre ? … »

Ron s’avança d’un pas martial vers Hermione sous son regard un peu soupçonneux. Il se campa devant elle et déclara d’un air sévère et réfléchi :

– J’ai remarqué que mon père utilise souvent, pour se rendre chez ses collègues, une sorte d’adresse officielle. Par exemple, il ne dit pas : « Chez Kingsley Shacklebolt ! », il dit « Chez Shacklebolt du Bureau des Aurors, Département de la justice magique ! ». Je pense que ça pourrait marcher pour aller chez Macnair !
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Hermione ouvrit des yeux étonnés, où pointa une lueur de vénération, bien vite réprimée.

– Tu as raison, ça vaut la peine d’essayer ! marmonna-t-elle pour elle-même, en s’emparant du « Vade-mecum du Ministère de la Magie » sur le bureau d’Arthur Weasley. Elle chercha longuement dans les méandres des organigrammes flottants qui s’entrecroisaient au long des pages. Enfin Hermione s’exclama d’un air victorieux :

– Exécuteur des basses œuvres de la Commission d’Examen des Créatures Dangereuses ! Ça doit être ce sale type !

Alertés par les éclats de voix, Fred et Georges étaient descendus. Hermione eut tôt fait de les informer. Pendant quelques minutes, le petit groupe bruissa d’idées, les jumeaux fourbissant quelques colifichets de leur façon et Hermione passant en revue les sorts les plus utiles à une opération de rescousse.

Soudain Ron s’immobilisa. Quelque chose l’avait appelé. Il regarda autour de lui. Le Terrier, ce havre domestique, lui semblait étrange, comme si chaque meuble si familier, s’était insensiblement altéré. Ses compagnons, concentrés et inquiets, lui apparaissaient distants et ne faisaient pas attention à lui. Pourtant il se sentait épié. Ron posait sur les objets de son passé, un regard différent, et ce passé le regardait désormais comme un étranger. Il se sut surveillé. Ron sentit s’alourdir le bijou autour de son doigt. Il se sut poursuivi. C’était lui, c’était le précieux que voulaient ses poursuivants !

Il ne pouvait entraîner ses proches dans cette mission périlleuse, sa quête capitale. Il devait agir seul ! Il était devenu ce héros-du-livre-qui-ne-vous-lâche-plus. D’ailleurs, ses proches étaient-ils vraiment sûrs ? Ron s’esquiva.

Lorsque Hermione et les jumeaux eurent terminé leurs préparatifs, ils se rendirent compte de son absence.

Ils retrouvèrent le cadet devant la cheminée. En bonnet et paletot, il tenait son balai en main, serrant nerveusement son exemplaire si précieux. Il adressa un demi-sourire à ses frères et son amie, leur lançant sur un ton dramatique :

– Plus tard vous comprendrez ! Il doit en être ainsi quant les choses sont en danger : certains doivent y renoncer, les perdre de façon que d’autres puissent les conserver ! [1]

Les trois amis se regardèrent, éberlués.

– Mais ça va pas, non ? rugit Hermione, qui pressentait une catastrophe

– A la caldera Fjallajökull ! trancha Ron en lançant la poudre de cheminette, disparaissant aussitôt, aspiré par l’âtre.

– Il a dit quoi ?

– Je ne sais pas, commença Georges… mais il est encore en train de faire une bêtise, termina Fred.

– On n’a pas le temps ! lança Hermione hors d’elle. Bon ! Vous vous occupez de lui ! Moi je vais chercher Harry et Ginny !

Les jumeaux se regardèrent un instant. Le ton excluait toute objection. Georges et Fred se lancèrent aux trousses de leur frère, tâchant de répéter tant bien que mal ce nom étrange et inquiétant : A la caldera Fjallajökull !

.oOo.

[1] JRR Tolkien, Le Seigneur des Anneaux,

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Contribution du Praefectus Cadaveris

Bouillante d’indignation, Hermione inspira profondément, expira lentement, plusieurs fois, cherchant dans le petit miroir suspendu près de la cheminée, les signes d’une maîtrise d’elle-même retrouvée.

Ron ne perdait rien pour attendre ! Les laisser tomber ainsi au pire moment ! Une détermination froide perçait dans le regard noir qu’elle se renvoyait.

Se calmer… Puiser en elle-même… Prudence… Autonomie… Laisser parler ses qualités profondes et ses vrais appuis… Laurent Dupont avait raison, on ne pouvait compter que sur soi-même, en dépit de l’affection désordonnée et un peu encombrante que pouvaient nous porter certains amis.

Hermione rassembla dans sa besace l’arsenal qu’elle avait chipé sur le bureau d’Arthur Weasley et dans les cartons de farces expérimentales des jumeaux. Elle releva le menton et ordonna d’un ton clair :

– Incendio !

Une gerbe de flammèches bleutées jaillit de sa baguette. La jeune fille, d’un geste habile du poignet, réduisit l’ardente flambée à une lueur infime, prête à resurgir à volonté.

Puis, avec un petit pincement au cœur et un soupir de reconnaissance envers Laurent à qui elle avait fait répéter ce sort à Paris :

– Protego !

Une cuirasse de lumière enveloppa son buste, étincelant un instant avant de s’estomper.

Pour plus de sûreté, notre maligne jeune sorcière doubla la mise. Voilà qui pourrait désarçonner quelque Mangemort trop sûr de lui :

– Salveo Maleficia !

Son image disparut du miroir dans un léger scintillement. Hermione jeta une pincée de poudre de cheminette et scanda du ton le plus officiel :

– Chez M. le Maître des Hautes Œuvres pour la Commission d’Examen des Créatures Dangereuses !


Les flammes vertes de la cheminette révélèrent un instant la silhouette de l’intrépide sorcière invisible, s’engouffrant dans le brasier. Macnair n’avait qu’à bien se tenir…

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*Contribution de @ensorceleurisee *

— Chut, quoi ? On ne va pas y passer la nuit ! Hominum revelio !

Au moment où le sortilège fit effet, une détonation résonna derrière les deux Mangemorts, les faisant se tourner vivement vers la cheminée qui exhala une lumière verte assortie d’un nuage de suie.

Se découpant en contre-jour devant la fenêtre, Macnair et son acolyte clignèrent des yeux étonnés en ne voyant personne.

— Ççççça alors ! maugréa l’inconnu, en dodelinant lentement son corps maigre et sinueux. De rares cheveux noirs et gras dégoulinaient sur son visage blafard, semé de squames visqueux et répugnants.

« Expelliarmus! » décocha Hermione d’une voix claire tandis que les deux hommes lançaient des sorts à l’aveuglette dont un « Doloris ! » qui rebondit sur sa protection magique pour revenir directement à l’homme maigre qui s’étala au sol, un rictus mauvais sur le visage alors qu’il convulsait de douleur.

L’adolescente enchaîna avec un sort de confusion destiné à Macnair qui courut, titubant après sa baguette, qu’elle faisait léviter hors de sa portée. L’acolyte était en train de se relever péniblement.

Dehors, Ginny et Harry avaient reconnu la voix d’Hermione. Ils jetèrent un œil prudent par la fenêtre pour constater la cocasserie de la scène. Macnair était désespérément accroché à l’autre homme qui se remettait difficilement de son propre sort et tous deux criaient et gesticulaient, l’un après sa baguette et l’autre lançant des sorts au hasard, provoquant une pagaille sans nom dans la pièce.

Les deux amis échangèrent un regard entendu et, profitant de la confusion des deux affreux qui leur tournaient le dos, ils s’exclamèrent en cœur :

— Stupefix!

Le silence se fit. Les deux Mangemorts étaient figés dans une posture improbable, Macnair, incliné sur un pied, écrasant de sa carrure le maigrelet auquel il était désespérément accroché.
image
Hermione prononça un sortilège pour les priver de la vue et de l’ouïe puis appela ses amis :

— Harry, Ginny, venez vite, il me reste de la poudre de cheminette !

Ils s’empressèrent de rejoindre la cheminée. Hermione saisit la main droite de Harry tandis que Ginny en profitait pour entrelacer de ses doigts sa main gauche tout en se blottissant contre lui, désespérant qu’il ne manifeste aucune réaction.

— Vous êtes prêts ? Oui ? Au Terrier !

oOo

Ils restèrent un moment silencieux, victimes du contrecoup, puis Hermione se laissa tomber sur le canapé qui ne montra sa présence que par l’assise qui moula en négatif son délicat postérieur. Elle soupira.

Harry était blême, Ginny le regardait avec inquiétude. Ils s’assirent à leur tour et expliquèrent à Hermione ce qu’ils venaient de découvrir :

— Ils ont tout mis en place pour vous éloigner de moi… Pour m’isoler… me rendre vulnérable… annonça Harry.
— C’est Macnair qui a volé le livre dans la boutique… il en a fait sortir neuf cavaliers effrayants qui sont partis je ne sais où… ils ont parlé de Ron qui aurait une copie bridée du livre aussi… et qui serait emberlificoté dans l’histoire… Il est où d’ailleurs ? Et les jumeaux ? questionna Ginny.

Hermione ouvrit la bouche pour répondre mais Harry, sans lui en laisser le temps, tâtonna à la recherche de sa main, la trouva et annonça :
— Ils ont aussi dit que c’était un traître parmi les Serdaigle qui te répond en se faisant passer pour Laurent… Je suis vraiment désolé…

Hermione, hoquetant de surprise, se leva d’un bond, détachant sa main de celle de Harry, ravala l’émotion qui était en train de monter en elle et entreprit de faire les cent pas tout en réfléchissant activement, moitié dans sa tête, moitié à haute voix, Ginny et Harry suivant ses déplacements à ses empreintes dans le tapis moelleux.

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*Contribution de @kitsune-aux-amandes *

Soudain, elle s’arrêta en plein milieu du salon, et redevint visible, d’un informulé. Les poings sur les hanches – dans une étonnante réplique de la matriarche Weasley – elle s’employa à sortir Harry et Ginny de leur torpeur en tempêtant :

— Non, non, non ! C’est impossible ! Laurent ne peut pas… Et d’ailleurs comment êtes-vous au courant pour notre relation ? Je n’en ai parlé à personne. Alors pourquoi pas de « Dis donc Hermione, il paraît que tu vois quelqu’un ? Tu ne nous en as pas parlé… » ?

Devant l’air plus que suspicieux de la fière Gryffondor, le courageux Sauveur du monde sorcier s’absorba dans la contemplation du tapis. S’il voulait vaincre Vous-Savez-Qui, s’attirer les foudres de sa meilleure amie n’était pas la meilleure des idées. Dans un sens, elle pouvait se montrer tout aussi redoutable que le mage noir… Quant à Ginny, elle hésita un instant. Devait-elle vraiment mettre Hermione en furie, en lui avouant avoir jeté un œil très curieux sur son courrier ? Elle souhaitait vivre encore un peu, ne serait-ce que pour épouser Harry…

— Bon peu importe, on a d’autres Fléreurs à fouetter ! Je suis quasiment certaine que Laurent n’est pas un Mangemort caché ! D’ailleurs, je vais vous le prouver !

Perplexes, ses deux amis la regardèrent agiter sa baguette avec un « Accio courrier de Laurent ». Des dizaines de feuilles arrivèrent aussitôt vers eux, et Harry et Ginny n’eurent pas le temps de se baisser pour éviter le choc. La vengeance est un plat qui se mange froid, paraît-il…

Sans faire cas des « aïe » et des « ouch » qui retentissaient, Hermione commença à trier les feuillets où s’étalait l’écriture serrée de son correspondant, à la recherche de sa dernière missive. Quand elle l’eut trouvé, elle la brandit d’un geste triomphant sous le nez de l’Elu – Elu qui arborait désormais une griffure sur la joue droite. Rajustant ses lunettes, Harry prit le papier.

« Chère Hermione,

Quittant à regret ta charmante missive, je me ramentevois avec délices nos musardages dans les coulisses du Louvre.

Je dois t’avouer une chose, dont j’ignore si tu la prendras en bonne où sévère part.

Hermione, sans offense des plus mignonnes, nous nous cognoissons plus que ne le pourpenses.

Avec ardeur n’aurai de cesse de travailler au bonheur de mériter ta tendresse.

Dans l’attente de te révéler mon secret, à toi à jamais,

Laurent de Paris. »

— Sans vouloir te vexer, Hermione, à part que ton Laurent vient d’un autre siècle à en juger par son style, je ne vois pas en quoi cela nous prouve qu’il ne s’agit pas d’un apprenti Mangemort.

— Justement ! As-tu déjà vu un Mangemort capable de parler de cette manière ? La plupart ont le QI d’une cuillère à café. Plus j’y pense, plus je me dis que Laurent est peut-être un espion sur ordre du professeur Dumbledore.
image Mais qui est vraiment Laurent ?

— Si tu le dis… Et sinon, ton Laurent signe toujours ainsi ? Tu connais son nom de famille ?

La question innocente de Harry laissa planer un long silence. Hermione se rendait peu à peu compte que son argumentation ne tenait pas la route face à l’interrogatoire qu’avait visiblement prévu Harry. Mais comment le fabuleux Laurent avait-il pu lui faire ça ? Lui qui lui avait promis monts et merveilles, comment osait-il ? Vraiment, les héroïnes de ses livres avaient raison. L’amour, ça craignait !

Voyant l’air déconfit de sa meilleure amie, Harry, dans un éclair de compréhension de la gent féminine, décida de voir le bon côté des choses.

— Mettons que tu aies raison. Ce n’est pas un Mangemort mais une espèce d’espion. Alors, on sait qu’il est à Poudlard et que c’est un Serdaigle. Tu saurais le reconnaître, Hermione ?

— Non, je ne pense pas. Maintenant que j’y réfléchis, il devait sûrement porter un glamour quand on se voyait. Je pense qu’il s’agit d’un élève plus âgé. Si c’est vraiment quelqu’un de notre côté, il a sûrement décidé de se dévoiler, au vu de sa lettre. Nous devrions mener l’enquête quand nous serons à Poudlard.

Alors que Harry acquiesçait à ces sages paroles – le côté raisonnable et terre à terre de Hermione venait de reparaître, merci Merlin ! – la benjamine des Weasley restait pensive. Elle venait d’assister à un échange qui, encore une fois, montrait que Harry prenait le temps de la réflexion avant chaque décision. Décidément, quel homme parfait ! Il allait falloir qu’elle redouble d’efforts pour se montrer à sa hauteur !

Forte de sa nouvelle décision, Ginny vit que son prince charmant la regardait, et se dit qu’il avait enfin découvert son existence. Malheureusement, ses espoirs tombèrent à l’eau dès qu’il ouvrit la bouche :

— J’y pense en voyant Ginny mais… Où est Ron ?

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Contribution de @Alresha

Tandis que Ginny se pâmait devant la perspicacité sans pareille de l’objet de ses désirs, qu’Hermione se creusait la cervelle pour découvrir qui se cachait derrière le si parfait Laurent, traître chargé d’endormir sa méfiance, et que Harry digérait à contrecœur le fait qu’encore une fois, il se retrouvait victime d’un groupe de Mangemorts psychopathes, Ron était dans la mélasse. Jusqu’au cou.

Il n’est pas très malin, comme il venait de le faire remarquer lui-même, de ne fournir qu’un minimum de précisions au moment de se lancer dans un nuage de poudre de cheminette. Or, autant « Chez M. le Maître des Hautes Œuvres pour la Commission d’Examen des Créatures Dangereuses ! » constituait un ordre parfaitement clair et compréhensible, autant « A la caldera Fjallajökull ! » demeurait vague et risquait de faire atterrir le voyageur dans un endroit inattendu.

C’est exactement ce qui se produisit, puisque Ron fit brusquement irruption dans une petite maison traditionnelle islandaise, recouverte d’un moelleux tapis d’herbe verdoyante et dont les trois habitants furent passablement surpris de voir un parfait inconnu débarouler au beau milieu de la pièce, dans un nuage de fumée jaunâtre. Sans aucun doute, cette maison avait jadis appartenu à un sorcier – comment, sinon, aurait-elle été raccordée au réseau de cheminette ? – mais il y avait belle lurette qu’elle était passée entre les mains cartésiennes d’héritiers moldus. L’un d’entre eux, avec un probable juron (Ronald n’avait jamais appris l’Islandais), décrocha sans hésitation un fusil accroché au mur et visa l’intrus avec conviction.

Le jeune sorcier dut sa survie au fait qu’il disparut soudainement, corps et biens. Peut-être sa disparition avait-elle quelque chose à voir avec l’anneau qu’il avait maintenu étroitement serré dans sa main droite, et qui se retrouvait maintenant passé à son annulaire.

Sans hésitation, il se précipita au-dehors de la demeure et se mit à courir comme un fou dans l’herbe bruissante qui poussait au pied d’une haute montagne. Il montait, montait sans cesse, laissant dans la terre grasse et humide l’empreinte de ses chaussures et, par instants, de ses doigts, quand il cherchait à aller plus vite que ne le lui permettait la pente raide, glissait et se rattrapait in extremis.

Des rocs gris et noirs succédèrent à l’herbe verte. Ron, poussé par un besoin irrésistible qu’il ne comprenait pas lui-même, continuait de monter, alors même que ses poursuivants avaient disparu depuis longtemps. En haut de cette montagne, il le savait, il avait rendez-vous avec son destin.

Par moments, il avait l’impression d’entendre la voix de ses frères qui lui criaient de s’arrêter et de redescendre, mais il savait bien qu’il ne s’agissait que d’illusions destinées à l’empêcher d’accomplir ce pour quoi il était venu. L’anneau devait être jeté dans le cratère du volcan. Et seul lui, Ronald Weasley, pouvait réaliser cet exploit digne des héros antiques et sauver ses amis des créatures maléfiques qui les poursuivraient sans relâche tant que cet objet serait en leur possession.

Il trébucha, faillit tomber, se redressa… et se rendit compte qu’il était arrivé à l’endroit que le livre le pressait d’atteindre.

Là, debout, en équilibre sur le bord du cratère, se tenait une Vélane, celle-là même que Ron avait croisée sur le chemin de Traverse. Son sourire éblouissant éclipsa tout le reste, le reflet du soleil sur la neige, l’eau miroitante, les nuages roses qui s’effilochaient à l’horizon.

– Je t’attendais, murmura la jeune femme dans un souffle envoûtant. Toi seul pouvais mener cette aventure à son terme.

Le jeune sorcier s’approcha d’elle et ouvrit la main. Le cercle d’or brilla de mille feux lorsque les rayons du soleil l’effleurèrent.

– Jette-le dans le volcan, reprit la créature enchanteresse.

Ron, subjugué, s’approcha du cratère. Quelque chose en lui résistait, sans qu’il en comprît la raison. Cet objet était maléfique, il fallait le détruire, c’était ce que le livre le poussait à faire, le plus vite possible…

Indécis, il tira le petit volume de sa poche et l’ouvrit.

« Qui ne peut jeter un trésor en cas de nécessité est dans les fers. » [1]

Ce qu’il devait faire était évident. La Vélane le lui avait assuré. Le livre le lui confirmait.

Alors qu’il faisait un pas en avant, il entendit un cri dans son dos :

– Ron ! Attends, ne fais pas ça !

Il s’agissait incontestablement de la voix de Fred, presque immédiatement suivie par celle de George :

– Ce n’est pas l’anneau qu’il faut jeter !

– C’est le livre ! hurlèrent en chœur les jumeaux.

A côté de lui, le visage de la jeune femme se crispa, et, l’espace d’un instant, il eut l’impression d’une forêt confuse de dents de serpents. Mais ce ne fut qu’un instant.

– Ne les écoute pas. Ecoute ce que te dit le livre.

Dans sa main, les pages palpitaient, lui susurraient des mots d’encouragement…

Il fit un nouveau pas en avant, la main levée.

[1] J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux

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