Cette branche contient uniquement les contributions publiées du cadavre exquis.
La branche de règles et foire d’empoigne pour discuter de ce qui va se passer, c’est ici.
Cette histoire débute juste après la coupe du Monde de Quidditch dans La Coupe de Feu, avant que nos héros ne retournent en cours à Poudlard.
– Ron, fa fuffit, feffe de bouver ! Pique, Repiqu’ !
Molly Weasley reprit sa ritournelle. Quelques épingles dépassant de ses lèvres pincées, elle maintenait fermement son fils par le col, tandis qu’une aiguille s’activait dans le dos du garnement, à coudre bord à bord des pièces de tissus vertes et violettes. L’énergique maman, juchée sur une chaise, remettait sans ménagement son rejeton en place à chaque écart, et reprenait l’entrainante comptine qui scandait le rythme de l’aiguille à coudre ensorcelée.
– Brocher, broder, rape-tasser ! Linger, li-er, tout fes-tonner !
– Mais maman, ça gratte ! Et puis franchement, j’aurais l’air de quoi avec ça ?
– Ne t’inquiète pas, j’ai tout prévu, il y a aussi les poches assorties et les revers de col. Couds- ci , Couça ! Recouds moi ça ! Avec ces anciennes tenues de Fred et Georges, tu vas avoir une magnifique robe bicolore ! Couds-y, Couds la ! Passe-ment’ra ! C’est le dernier cri chez Sparks & Mincers !
– Mais le bicolore, c’est pour les filles ! glapit Ron, entraîné par la mesure, qu’il marquait hardiment de la semelle.
– Ne dis pas n’importe quoi ! Tu es bien comme ton père, pas moderne pour une mornille ! Brocher, broder, rape-tasser ! Au dernier thé dansant chez Celestina Moldubec, Allistair Mcqueer portait une veste bicolore assortie à son kilt ! Regarde, c’est dans la Gazette du Sorcier ! Pique, Repiqu’ ! …
Vaincu par cette incontestable référence maternelle, Ron fit la grimace. Mais la ritournelle le tenait lui aussi, et semblait ne plus vouloir lâcher ses pieds, au fil de cette couture endiablée.
Le fil dépassait à présent au bas de la robe où alternaient un beau vert foncé et un violet chatoyant.
Maman Weasley, descendue de sa chaise, attendit que l’aiguille eut fini son nœud et coupa le fil d’une touche de sa baguette, alors que Ron, toujours dans le rythme, se trémoussait des hanches comme un lutin en rut.
Ronald venait d’échapper à sa mère et caracolait autour de la longue table de la famille, s’adonnant à de grandes embardées des épaules, particulièrement disgracieuses. La maîtresse de maison, que cette danse, inattendue de la part de son empoté de fils, surprenait agréablement, se mit à le suivre, gambadant à ses trousses avec son trousseau magique.
– Mais tiens-toi tranquille, je n’ai pas fini ! Mais tu as raison avec la danse, tu pourras la mettre au bal !
Elle parvint à lui fixer un bout de col – violet sur fond vert – un exploit. Mais son homologue, vert sur fond violet – résistait avec opiniâtreté : lorsqu’elle s’avançait vers son fils, le garnement, un rictus crispé aux lèvres, se reculait violemment, ses jambes virevoltant dans une gigue désordonnée.
– Ron Weasley, maintenant ça suffit ! souffla la maman époumonée.
Interdite, elle contemplait son cadet se livrer à une polka de l’outre-monde, le visage cramoisi et les bras tordus. Ron tentait-il de se débarrasser de cette robe, pour laquelle elle s’était donnée tant de mal ? L’inquiétude la gagnait en voyant s’empourprer le visage poupon de son rejeton endiablé, mais soudain Molly se raidit et son regard aimant se durcit. Elle brandit sa baguette vers Ron qui tressautait comme un damné :
– Stupéfix !
Le malheureux se figea, un rictus de soulagement aux lèvres. Mais sa mère, le front barré par une colère contenue, tourna les talons, l’abandonnant immobile dans sa posture désarticulée. Un farfadet échappé des glens d’Irlande semblait s’être perdu au milieu de la cuisine en désordre.
– Georges ! Fred ! hurla-t-elle en grimpant l’escalier, qui gémissait sous ses pas indignés.
La porte de bois s’ouvrit en tempête sur le visage courroucé de Maman Weasley, qui brandissait une baguette parcourue de petits éclairs assez inquiétants.
Cette fois, aucun Stupéfix ne fut nécessaire ! Les jumeaux, étendus sur leurs lits, essuyèrent sans bouger une tempête de reproches acides, qui déferla sur eux en rafales outrées. Lorsque l’incorrigible duo rouquin eut enfin compris de quoi il s’agissait, Fred eut la faiblesse de laisser échapper un petit sourire en coin, et Georges un coup d’œil réjoui. Alors la tempête s’enfla en un typhon, terrible à regarder et entendre, roulant sur eux la litanie de leurs forfaits et des avertissements irrités de leur mère.
Enfin Molly se calma, jetant sur eux un regard sévère. C’était là le moment le plus effrayant. Comme par magie, les sourires s’étaient évanouis et les jumeaux auraient souhaité pouvoir avouer plus qu’ils n’avaient commis :
– Pour ma robe, c’était un petit “Amatae Persequi” 1 admit Fred.
– Et sur la mienne, un minuscule “Auctoritas Vitare” 2 chuchota Georges.
– … évidemment, les deux mélangés avec ton “Canticum Coelas” 3…, tenta d’expliquer le duo, arborant à l’unisson une mine contrite qui ne trompait personne.
1Poursuis l’aimée ! Sort qui localise la femme de ses pensées et mène ses pas vers elle.
2Evite l’Autorité ! Sort permettant d’éviter les préfets, les professeurs et autres parents autoritaires.
3Couds en chanson ! Sort facilitant la couture, lancé sur le panier à couture de la ménagère.