Conciliabules autour du vocabulaire

Fesse-mathieu

N’ayez crainte ! Nous ne verserons pas dans la grivoiserie impénitente !

Comment se fait-ce ?

  • Tout d’abord, précisons que ce fesse, employé ici, n’est point l’une des moitiés charnues du postérieur, mais le présent 3ème personne du verbe fesser qui, au 15e siècle, a d’abord signifié « battre avec des verges ».
    Ce dernier terme mériterait lui-même une digression, mais gardons-le pour la bonne bouche ! :smiling_imp: :innocent:
  • Pour ce qui concerne ce pauvre Mathieu, il s’agit tout bonnement de Saint Mathieu, l’un des douze apôtres et des quatre évangélistes. Avant de se convertir, il avait été prêteur. Les usuriers étaient appelés confrères de Saint Mathieu. Puis tout créancier fut nommé un mathieu. Selon Antoine Oudin, fesser Sainct-Mathieu signifiait pratiquer l’usure au 17ème siècle. D’après Alain Rey, le fesse-mathieu est l’individu qui, pratiquant indignement son premier métier, met à mal la réputation de l’apôtre.

Source ici.

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Merci pour cette explication sur le « fesse-mathieu ». Je connaissais le mot mais j’en ignorais l’origine…

8 « J'aime »

:rofl: Et moi qui viens de voir ce mot dans des mots fléchés en m’interrogeant sur le sens… Merci pour l’explication !

7 « J'aime »

Am Stram Gram

Vous connaissez tous cette comptine :
Am, stram, gram,
Pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam,
Am, stram, gram.

Evidemment, ça ne veut rien dire.
En apparence…

Car une interprétation l’apparente à une incantation chamanique en vigueur dans les veillées funèbres chez les Francs et autres peuples germaniques.
Elle permettrait la possession de l’officiante par l’esprit loup. Les paroles originales auraient été :

Emstrang Gram
Bigà bigà ic calle Gram
Bure bure ic raede tan
Emstrang Gram

ce qui se traduit par :

Toujours fort Grain
Viens donc viens, j’appelle Grain,
Surviens car je mande au brin,
Toujours fort Grain.

Le Grain dont il est question ici est le loup céleste, qui survit dans Isengrin, dont on a déjà parlé ici du masque féroce. Ce loup n’est pas sans rapport avec le masque lunaire. Les « loups de la lune » Managarm (Sköll, Répulsion et Hati, Haine) prennent la vie des mourants et se nourrissent de leur chair. Lors du Ragnarok, ils finiront par dévorer le soleil et la lune, dans la mythologie nordique.

Selon l’historien Jean-Pierre Poly, l’invocation se faisait lors d’un banquet funéraire tenu 3 jours après le trépas du défunt. L’officiante, armée de sa baguette (le tan ci-dessus), invoquait Mana-Gram, le loup céleste, sensé lui conférer la vision de l’avenir. Après avoir désigné sa victime au loup de la nuit, elle entrait alors en transe et partait dans une chevauchée nocturne, entre rêve et révélation.

Peut-être n’est-ce pas un hasard si la dernière survivance de cette invocation des forces obscures, a pour objet de tirer une victime au sort…

Source ici

13 « J'aime »

acérer

Dès le 12ème siècle, sous des formes variables (acherer, aserrer, assirier), ce verbe signifie garnir d’acier, par exemple la lame d’un outil ou d’une arme, pour en renforcer le tranchant :

  • Les portes [ils] desferrerent à grans pels [pieux] acerés. Chanson d’Antioche relatant la première croisade.
  • Cela que le soudart aux espaules ferrées, Que le cheval flanqué de bardes acerées, Ne put faire par force, amour le fait seulet. Ronsard

Au sens figuré, il signifie aiguiser, rendre plus vif :

  • …la soirée s’acérant des mille aiguilles d’un froid subtil. Jules Barbey d’Aurevilly.
  • Les crocs acérés du loup Euh… ce lieu commun est… de moi.

En somme, aucun rapport avec serré, mais tout à voir avec l’acier.

13 « J'aime »

Labadens

Un mot vieilli mais pas si vieux que ça !

Il vient du nom d’un personnage d’Eugène Labiche, dans le vaudeville l’Affaire de la rue de Lourcine, écrit en collaboration avec Albert Monnier et Édouard Martin et représenté pour la première fois à Paris au Théâtre du Palais-Royal, le 26 mars 1857.

Cette pièce regorge de noms hauts en couleur et un peu ridicules :

  • le rentier Lenglumé
  • le chef cuisinier Mistingue
  • Ces deux protagonistes se sont rencontrés au repas organisé la veille par « l’institution Labadens », du nom du propriétaire et maître de pension Labadens, dont ils sont tous deux d’anciens élèves.

Un labadens désigne, par extension, tout camarade de classe ou de pension, un comparse, un acolyte.

10 « J'aime »

Jamais entendu ce mot ! Je ne sais même pas comment le prononcer !

6 « J'aime »

D’après Wiktionnaire, ça se prononce comme ça s’écrit ! :stuck_out_tongue:
Plus sérieusement, on dit \la.ba.dɑ̃\ (là-bas, dent) ou encore \la.ba.dɑ̃s\ (là-bas, danse) ! :wink:

7 « J'aime »

Vous êtes sûrs que vous ne confondez pas avec…

La baderne

D’après le cnrtl, souvent vieille et de service il s’agit d’une « personne que son âge ou sa santé mettent hors d’état de rendre des services. »

Ex : Malgré les apparences, Oldie n’est pas encore une vieille baderne.
Mais soyez patients.

9 « J'aime »

Battre son plein

Voilà une expression qui a fait couler beaucoup d’encre. Il y eut longtemps débat.
Pourquoi ? A cause du pluriel !
Diriez-vous Les festivités battent son plein ou Elles battent leur plein ?

  • Première interprétation, maritime :

    • Le plein est le moment de plus haute marée, et l’on dit que la marée bat son plein lorsque, ayant atteint sa plénitude, elle demeure un temps stationnaire.
    • L’expression battre son plein se serait généralisée pour prendre le sens de « culminer, être à son apogée. »
    • Par conséquent, dans cette acception, « son » est un adjectif, « plein » est un nom et il s’ensuit au pluriel : les festivités battent leur plein.
  • Autre interprétation, qui n’a plus la faveur du moment, mais qui me paraît mériter l’attention : l’expression battre son plein s’appliquerait initialement… aux instruments de musique à percussion, qui battent le rythme !

    • Une cloche que l’on vient de libérer de son moule en brisant celui-ci, est prudemment testée. Lorsqu’elle est fêlée, elle rend un son terne et faux. Au contraire, lorsque la cloche est réussie, sans défaut, elle rend un son plein.
    • Le tambour, frappé en son centre, rend un son plein, non assourdi.
    • En effet ces deux instruments sont bien « battus » et ils rendent un son plus ou moins plein selon les circonstances…
    • Le sens induit de « donner sa pleine puissance, culminer » est parfaitement plausible.
    • Mais dans cette acception, « son » est un nom et « plein » est un adjectif. On dirait donc au pluriel : les festivités battent son plein.

Alors qui a raison ?

S’il faut en croire Littré, à l’avis duquel se rangent le CNRTL et l’Académie, c’est la piste maritime qu’il faut suivre.
Vu les poids lourds ayant opté pour la première hypothèse, l’affaire paraît entendue.
Pourtant cette unanimité semble reposer sur l’avis initial du seul Littré…

Votre avis, lectrices et lecteurs ?

8 « J'aime »

Je ne connaissais absolument pas l’origine de cette expression et je ne l’avais encore jamais vue avec la version substantivale de « son ».

D’ailleurs, tout comme toi, cette dernière interprétation a même désormais mes faveurs : l’explication me paraît plus pertinente dans ce cas, et je lui trouve même une poésie certaine, là où l’explication maritime me semble un poil capillotractée. Mais en matière d’étymologie et d’expressions anciennes, ce qui sonne bien (et plein !) n’est pas forcément (et loin de là) gage de véracité ni de bon sens…

Aussi d’un côté, question de goût (c’est donc purement subjectif), je roule pour la version musicale. D’un autre côté, si je devais utiliser l’expression, j’aurais recours à la version maritime, car il me paraîtrait pourtant étrange de ne pas considérer « son » comme un adjectif et donc, de ne pas accorder ce dernier en fonction du nombre.

Et puis si les grands pontes de la langue française accréditent cette probable origine plutôt que l’autre, autant ne pas faire de boucan tambour battant et se ranger de leur côté.

5 « J'aime »

Eh bien très cher, je repense à cette fois où tu m’as fait cette remarque en privé et, irritée de ne pouvoir trouver de réponse satisfaisante, j’ai préféré choisir un chemin détourné et modifier ma phrase. Comme ça, pas de débat, pas d’ennuis. :stuck_out_tongue:

(mais j’avoue que j’adhérais alors plus à la première, ce qui me paraissait plus cohérent vu la forme. Après tes remarques, j’ai compris que le sens « musical » était plus logique. Mais dans les faits, je n’utilise plus cette expression par peur de ne pas savoir l’utiliser :slight_smile: )

5 « J'aime »

Ah, j’ai toujours vu « battent leur plein », moi !
On m’aurait menti ?

Ça me fait penser à ma petite sœur qui a dit un jour : « il en avait maclaque ».
Oldie étant Oldie, même quand elle était jeune, elle a corrigé : « Non, tu en as ta claque, il en a sa claque, nous en avons notre claque… c’est un possessif qui se conjugue ». :smiley:

7 « J'aime »

Au contraire, moi j’ai toujours vu « bat son plein ». Comme quoi ! :blush:

6 « J'aime »

Ah bon ?
Les festivités battent son plein ??? ça me fait quand même bizarre.

Disons que j’ai toujours considéré que « son » était un possessif.
Pas une seule seconde que « son » serait un substantif, → ça signifierait que les festivités font « un son » (une sonorité) qui est plein (ici adjectif). Mais plein de quoi ? Mystère. Le contraire d’un son creux ? ou un son vide ?

Non déjà battre, en musique, c’est pas plutôt pour le rythme que pour le son ?
Il y a des musiciens dans la salle ? :smiley:

ergoter sur le vocabulaire est mon péché mignon

7 « J'aime »

Moi aussi, j’évite au moins son pluriel comme la peste !

5 « J'aime »

Non je parlais de « La fête bat son plein ». J’entends toujours parler de fêtes plutôt que de festivités personnellement. C’est vrai que les festivités bat son plein, ça ne parle pas.

6 « J'aime »

C’est pas faux comme réflexion. On bat les tambours, on bat le rythme, on bat la pulsation mais je ne suis pas sûre qu’on batte le son. Je n’ai jamais entendu ça dans notre langue actuelle en tous cas.

6 « J'aime »

Hello ici !
Ce n’est pas tellement une question de vocabulaire, mais plus une problématique à laquelle je me heurte souvent, en fanfiction comme en rédaction « académique » (ce mémoire aura ma peau).
Je fais donc appel aux meilleurs locuteurs du français pour m’aider à résoudre ce problème épineux, et peut-être sauver les générations futures qui se poseraient cette même question !

Voici un extrait de mon mémoire, avec en gras la partie qui me pose problème :

Tout au long de l’intrigue, Sanae (et sa doublure engagée par le détective pour leurrer la voleuse, Sakurayama Yōko, substituée à Sanae) est promenée par le Lézard noir et Akechi,

Comment doit-on faire l’accord de « être promené.e » ici ?
Au singulier, car on ne compte pas la parenthèse, et donc le verbe s’accorde avec Sanae ?
Ou bien au pluriel, car on prend en compte la parenthèse, et donc le verbe s’accorde avec Sanae et sa doublure ?

.

C’est un problème que je rencontre aussi en fanfiction, dans le cas où je digresse avec une virgule (exemple : « X, ainsi que Y, se rendit/rendirent à [lieu] »).
Et autant dire que je m’en arrache les cheveux de ne pas connaître la règle d’accord, et de ne pas trouver ça sur internet. (en plus de n’avoir personne à qui demander, mis à part vous – peut-être devrais-je vraiment investir dans un Bescherelle ?)

Donc si une âme charitable a une réponse à cette question, je lui serai (probablement éternellement) reconnaissante ! :innocent:

6 « J'aime »

Je ne sais pas du tout quoi répondre, tu poses une sacrée colle !

Mais en fait, pour mieux comprendre, Sanae est promenée par le Lézard noir, mais quand ce n’est pas Sanae mais sa doublure, le Lézard noir n’y voit que du feu et donc, c’est sa doublure qu’il promène sans le savoir ?

Ou bien c’est toujours la doublure de Sanae que le Lézard noir confond de fait avec elle ?

5 « J'aime »