Ecrire à la 3e personne : narrateur omniscient / narrateur focalisé

Salut à tous

Dans un post récent, j’ai ramené 2 articles (un théorique et un pratique) pour vanter les mérites (ou les démérites) de la narration à la première personne.

Ils sont extraits de la série « (Bien) choisir sa narration » de Stéphane Arnier (oui encore mais vous n’avez qu’à m’en trouver d’autres, aussi… :-D)

Or écrire à la première personne (ne tranchons pas sur le passé ou le présent qui sont encore un tout autre problème) n’est pas la seule option loin de là.


Dans l’écriture à la 3e personne, on distingue : le narrateur omniscient et la narrateur limité ou focalisé.

Les articles sont un peu longs, ils donnent pas mal d’extraits de romans (il y a même du Tolkien). Comme à l’ordinaire, ils soulignent les défauts d’une mauvaise narration qui se sert « mal » du narrateur omniscient par exemple, parce que le « narrateur focalisé » est omniprésent dans la littérature.

L’auteur recommande de considérer l’Omniscient comme un conteur qui doit faire sentir sa propre personnalité même s’il ne fait pas partie de l’histoire. Il est comme « dieu ». Il sait tout sur tout, connaît le passé et l’avenir. Peut sauter du coq à l’âne, faire des ellipses comme il respire…

Le Focalisé. est plus « neutre » au contraire, et donne la part plus belle aux personnages en s’effaçant davantage pour qu’on puisse être « dans leur tête ».

Voici les deux liens qui développent tout ça, sachant qu’il y a même un troisième article récap qui liste de façon synthétique les deux modes côte à côte… Je ne vous le mets pas tout de suite. Seulement s’il y a des besoins.

Le narrateur omniscient, qu’est-ce que c’est ?

Le narrateur focalisé, quelle différence ?

Bonne lecture, et au plaisir d’en discuter si vous avez des préférences ou si vous avez consciemment tenté d’appliquer l’un ou l’autre.

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A propos, je suis tombée ce week-end sur cet article qui reprend les principes de narration à la troisième personne tels que décrits dessus :


L’article ne s’attarde à mon sens pas (assez) sur les pièges du focalisé, mais vous y trouverez néanmoins une approche intéressante qui détaille ce que l’auteur nomme les « niveaux de pénétration » : « légère », « avancée » et « cinématographique ».
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Ok, en narratrice un peu limitée, je tente le plus souvent le niveau « balle perforante ».
Tant pis s’il y a des pièges à la narration focalisée. Au moins, je ne m’ennuie jamais avec elle.

Qui a dit les lecteurs aimeraient pouvoir en dire autant !?

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Hey :smiley: J’aimerais apporter des compléments sur le sujet, parce que ça fait quatre ans que j’étudie les Lettres Modernes que je ne les ai pas fait pour rien mdr. Déjà, parce que c’est bien d’avoir les bases, mais c’est bien aussi de réaliser que les bases peuvent être largement dépassées.

Déjà, il ne faut pas confondre narrateur et focalisation. Ce n’est pas la même chose.

1. Les narrateurs

Le narrateur est la personne qui raconte l’histoire, et il en existe deux sortes : le narrateur-personnage et le narrateur externe.

Le narrateur-personnage est largement répandu, c’est un personnage qui parle dans le texte, et cela se fait forcément à la première personne. Son utilisation permet au lecteur de créer un lien intime avec le narrateur, et il finit bien souvent à s’identifier à lui. Le seul problème de ce type de narration c’est la limite très rapide de ce qu’on peut faire avec.

Le narrateur externe est une entité qui n’intervient pas dans le récit. Le narrateur sait tout ce qui se passe dans le récit et cela avant que ça ne soit connu, c’est pour ça que la focalisation omnisciente est la plus développée ici. Là où ça pose problème, c’est comme on peut facilement faire ce qu’on veut avec, il y a énormément d’auteurs qui développent un syndrome du rôliste aigu et se laisse porter par les tartines qu’ils pondent.

Mais ce n’est pas tout, parce que la littérature, c’est compliqué. Il y a aussi beaucoup de narrateurs hybrides à différents degrés. On trouve par exemple le cas type du narrateur qui parle en « je », mais raconte des histoires en « il ». C’est le cas des 1001 nuits ou des histoires du Père Castor. Ce sont des histoires à plusieurs niveaux de narration imbriquées. Il y a aussi dans ce cas précis tous ces narrateurs qui racontent leur propre histoire passée à la troisième personne, comme on trouve dans Pantagruel de Rabelais ou dans le récit picaresque.

Il y a également le narrateur qui se présente comme un avatar de l’auteur, puisque c’est une règle d’or, l’auteur n’est jamais narrateur, et cela même dans le cas de l’autobiographie. Le narrateur-avatar intervient dans la fiction de manière discrète et pas tout le temps, c’est celui qui oriente l’opinion du lecteur sur un message ou vient glisser une référence anachronique qui ne peut être comprise que par le lecteur et pas par le personnage. Il est énormément utilisé, parfois même sans s’en rendre compte.

Et encore, ça c’est les cas simples, parce qu’il y a aussi le cas des histoires où il n’y a pas de personnage et là, bon courage.

2. Les focalisations

Les points de vue ou focalisations, comme nous en avons un peu parlé au dessus, sont le regard que l’on porte sur les événements dans votre récit.

La focalisation interne raconte un événement du récit du point de vue du personnage. Contrairement à ce que beaucoup pense, cela se fait autant à la première qu’à la troisième personne du singulier, tout simplement parce qu’être extérieur au récit n’empêche pas de faire évoluer les sentiments de son personnage, bien au contraire. Cette focalisation se caractérise par un développement beaucoup plus intenses des émotions et ressentis des personnages par rapport au décor et aux descriptions (qui doivent quand même être présentes, mais de manière moins importante). C’est la seule focalisation admise lorsque votre narrateur est personnage (sauf exceptions, comme d’habitude). Cela vous contraint ainsi à un développement des émotions et des sensations, qui doit apparaître non seulement dans les actions du personnage, mais aussi dans les descriptions.

La focalisation externe est tout autant contraignante. Elle ne peut être appliquée qu’à la troisième personne. C’est un procédé qui permet de décrire, de montrer sans jamais entrer dans la tête du personnage. C’est très utile dans les premiers chapitres de roman. Comme dans un film, vous zoomez progressivement sur un personnage en partant d’un lieu. Vous pouvez voir à sa tête qu’il est agacé, mais vous ne saurez jamais pourquoi. Ça ne restera qu’un pré-sentiment jusqu’à ce que l’auteur lève le masque. J’en reparlerais plus bas, mais cette focalisation doit être utilisée en connaissance de cause et le plus souvent à petite échelle si vous ne voulez pas que votre texte devienne totalement impersonnel. Dans un texte avec des personnages, ne pas montrer une seule fois à quoi ils pensent, c’est foncer droit dans le mur et tuer l’attachement de vos lecteurs à votre histoire.

MAIS, comme toujours, il y a des tas d’exemples qui prouvent le contraire, et c’est un choix très judicieux à adopter si votre récit n’a pas de personnages, ou dans des nouvelles qui ont pour but de déranger le lecteur. Dans le registre horrifique en général, la focalisation externe est très utilisée car elle oblige à une prise de distance avec le texte qui complique la compréhension des « monstres » et vous encourage involontairement à vous en méfier. Eh oui, l’écriture, ça manipule les lecteurs sans vergogne, faut vous faire une raison ! Mis à part ces trois cas, il est cependant difficile d’écrire un texte uniquement en focalisation externe.

Enfin, on a el famoso focalisation zéro ou omnisciente selon le bon vouloir de votre professeur de français. Des trois, c’est clairement la plus simple à aborder. Comme la focalisation externe, elle ne se passe qu’à la troisième personne. Le narrateur externe devient alors une sorte de dieu qui voit tout, sait tout et lit tout dans son monde. On se promène dans la tête de tous les personnages dont on connait les pensées en temps réel, les descriptions de lieux ouvrent la voie pour parler de la création du peuple des fées. Le narrateur sait tout sur tout et offre tout au lecteur dans un but d’enrichir sa connaissance du monde. C’est typiquement le procédé que l’on utilise dans les littérature de l’imaginaire, puisque c’est beaucoup plus simple de donner toutes les clés en main au lecteur pour qu’il puisse s’immerger dans un monde.

Même si ça semble évident, bien sûr, mis à part dans le cas d’un narrateur externe, on n’utilise presque jamais une seule focalisation dans un texte. Les trois s’alternent constamment, parfois même sans que vous en ayez conscience. C’est tout à fait normal et c’est ce qui permet de créer un texte équilibré et qui n’est pas ni trop chargé en drama, ni trop chargé en froideur… Sauf si c’est l’effet recherché, encore une fois !

D’ailleurs, puisqu’on parle des cas spéciaux, nos deux narrateurs hors du commun, au dessus, en narration-personnage peuvent tout à fait utiliser des focalisations externes et omniscientes, puisqu’ils connaissent l’histoire et savent donc ce qui se passe. Eh oui. C’est compliqué la littérature, mais c’est en explorant ses limites qu’on ouvre de plus en plus de portes vers l’originalité. Il ne faut pas du tout avoir peur d’écrire de l’original, c’est comme ça qu’on découvre de nouvelles perles aujourd’hui !

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J’en profite pour glisser ici une vidéo de Shaelinwrites qui aborde le thème des PDV un peu étranges et originaux (en anglais). Elle y parle notamment des points de vue omniscients à la première personne et d’un type de narrateur que j’aime énormément mais qui n’est pas évident-évident à mettre en place, la narrateur témoin, c’est-à-dire que le narrateur est un personnage de l’histoire mais qu’il ne participe pas activement à l’histoire qu’il nous raconte, il rapporte juste ce qu’il a vu. Une nouvelle que j’aime beaucoup sur ce principe, c’est Le Témoignage de Randolph Carter de Lovecraft. Et il y a évidemment le roman Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides qui fonctionne comme ça aussi.

https://youtu.be/-G-G80OORLk

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Je ne m’ennuie pas non plus, mais avec la pratique j’en conclus que le focalisé troisième personne est ce qu’il existe de plus compliqué à dompter.
Parce que autant j’avais pesté avec la narration première personne, autant là je peste pareil, mais en plus les chausse-trappes se discernent moins facilement.

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Tenez, un article qui vient de tomber :


Il fait suite à celui-là :

Les infographies récapitulatives sont plutôt pas mal.

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