S’il te plait, écris-moi un conte…
J’avoue que j’avais un peu peur, mais je l’ai fait : j’ai demandé à OpenAI (via Bing) de m’écrire un gentil petit conte.
Ecris-moi une nouvelle où un héros hobbit nommé Gerry, part en aventure sous la houlette du magicien Gandalf.
Voici sa réponse.
"Gerry était un hobbit qui vivait dans la Comté. Il avait une vie paisible et routinière, jusqu’au jour où il rencontra Gandalf le magicien. Gandalf avait besoin de l’aide de Gerry pour une mission importante. Gerry, qui n’avait jamais quitté la Comté auparavant, était réticent à l’idée de partir en aventure. Cependant, Gandalf était convaincant et Gerry finit par accepter.
Leur voyage commença par une longue marche à travers les montagnes. Gerry était épuisé, mais Gandalf l’encourageait à continuer. Ils traversèrent des rivières, des forêts et des plaines. Finalement, ils arrivèrent à leur destination : une grotte sombre et sinistre.
Gandalf expliqua à Gerry que la grotte était le repaire d’un dragon maléfique qui avait volé un trésor précieux. Gerry était effrayé, mais Gandalf lui donna un courage nouveau. Ensemble, ils entrèrent dans la grotte.
Ils rencontrèrent le dragon, qui était gigantesque et terrifiant. Gerry était sur le point de fuir, mais Gandalf l’encouragea à rester. Ils combattirent le dragon avec courage et détermination. Finalement, ils triomphèrent et récupérèrent le trésor.
Gerry était fier de lui-même et de ce qu’il avait accompli. Il avait appris qu’il était capable de faire des choses qu’il n’aurait jamais cru possibles. Gandalf était fier de lui aussi. Il savait que Gerry était un héros.
Et c’est ainsi que Gerry le hobbit devint un héros, grâce à l’aide de Gandalf le magicien."
Tout y est.
Le résultat est un conte pour enfant, une histoire d’aller et de retour rassurante. Aucun détail superflu n’est ajouté aux fins de vraisemblance. Juste une histoire courte, un conte à lire aux tout-petits avant de dormir.
Le robot a produit tout seul un point crucial, en piochant dans le modèle que lui suggéraient les mots-clés invoqués : Hobbit + Magicien ==> Dragon
Je me demande où il est allé chercher cela…
Mais il n’invente pas spontanément en quoi l’aide de Gerry est importante, ni ne précise comment le dragon est vaincu. Il reproduit le schéma mais peine à sous-entendre les intentions cachées des uns et des autres, ou à détailler des actions violentes.
La forme
Côté orthographe et grammaire, c’est un sans-faute.
Mais bien sûr, aucune fantaisie dans le style - uniquement les temps réglementaires, strictement les mots-clés imposés en amont.
A la demande, des dialogues viennent remplacer les assertions factuelles relatant les tractations entre protagonistes. Propre et sans bavure, mais aucune forme spontanée de variante donnant un indice de personnalité.
“Bonjour, Gerry”, dit Gandalf. “J’ai besoin de votre aide pour une mission importante.”
“Je ne suis pas sûr d’être la bonne personne pour ça”, répondit Gerry. “Je n’ai jamais quitté la Comté auparavant.”
“Je suis sûr que vous êtes la bonne personne pour cette mission”, dit Gandalf. “Vous avez plus de courage que vous ne le pensez.”
Gerry hésita, mais finit par accepter. Ils partirent ensemble pour une longue aventure à travers les montagnes.
Prié de rendre sa prose plus poétique, le robot s’en tient à la lettre et découpe son texte en pseudo-vers en les affublant d’une majuscule mais sans se donner la peine d’agencer une rime. Là, vraiment, nous ne nous sommes pas compris…
Les personnages
Mis au défi d’ajuster les personnalités des deux héros (Gerry devait paraitre puéril et Gandalf pontifiant), le robot ajoute des adverbes qualifiant le ton employé par chacun dans ses répliques, avec une variété satisfaisante, mais ne modifie absolument pas les dites répliques…
Faire remarquer qu’il manque un nom au dragon ne sert pas à grand-chose : Le robot répond ingénument que "Le dragon dans l’histoire que j’ai créée n’a pas de nom. Cependant, dans le livre “The Hobbit” de J.R.R. Tolkien, le dragon qui apparaît s’appelle Smaug. J’espère que cela répond à votre question. La formulation finale est sans doute rhétorique…
Lorsque j’ai demandé au robot de proposer un dragon plus nuancé, attachant mais qui reste maléfique et haïssable, en lui suggérant de trouver une solution via une parabole de la beauté du diable ou de la séduction des criminels, il a eu beaucoup de mal à trouver un moyen terme plausible à travers des répliques ou des actions. Il s’est borné à répéter ces deux composantes, en les opposant par périphrases, sans sortir de l’impasse.
Le scénario
Lorsqu’un point crucial de l’histoire est éludé et que le robot est prié d’apporter des précisions, il est en général assez mauvais. Par exemple, voici la réponse à la demande d’expliciter quelle était cette fameuse « solution qui satisfaisait tout le monde » : « C’était de trouver un autre trésor pour la famille du dragon. Ils ont cherché et trouvé un trésor qui était plus précieux que le trésor que le dragon avait volé. Le dragon était reconnaissant et a promis de ne plus jamais voler. »
La morale et les valeurs sous-jacentes paraissent parfaitement maîtrisées. Je n’ose pas dire « conscientes »… Elles sont exprimées clairement au fil du texte et reprises impeccablement à la demande d’une formulation finale, comme pour un vrai conte. Mais bien entendu, ces problématiques sont celles de la majorité bien-pensante, même lorsque l’on pousse le robot dans ses retranchements. Par exemple, à la demande de constituer une parabole contre la séduction des prédateurs sexuels, il s’est avéré très évasif.
En conclusion
Je dirais que cet outil est une formidable émulation pour dépasser la médiocrité, car il s’y complait avec constance.
A coup sûr, fidèlement et sans effort, OpenAI sera capable de brosser un conte sans couture, exposant sobrement les évidences, éludant les noeuds gordiens et respectant scrupuleusement les poncifs polis par des siècles d’usage. Car c’est exactement ce qu’il a compilé en amassant les productions de France et de Navarre (et d’ailleurs, bien sûr, mais le mélange culturel exact serait intéressant à analyser…). Il a fait une moyenne.
En effet, la médiocrité, c’est, étymologiquement « ce qui se trouve au milieu ». En Terre du Milieu, cela s’imposait, me direz-vous…
Il produit exactement ce que l’on attend, sans surprise, sans fioriture ni imagination. Le style est plat, sans saveur particulière, et à mon avis, devrait le rester.
Le robot peut produire des textes décents, pour peu qu’un « poil à gratter » humain le pousse aux endroits qui pêchent. C’est dire la marge de progression…
Si vous voulez mon avis, OpenAI peut d’ores et déjà remplacer les productions dispensables, et ce n’est pas un mal.
Cerise sur le gateau
Sans avoir été sollicité, le robot propose quatre illustrations absolument formidables. De là à dire que voilà le meilleur de son histoire, il n’y a qu’un pas…