Que lisez-vous en ce moment ? Venez parler de vos lectures en cours ou passées


Je viens de refermer le roman « Aux marges du palais » de Marcus Malte, dont j’ai mis quelques extraits en gras.
L’excellent jeu de mots du titre tient ses promesses. Le style est un mélange de langage familier et d’envolées lyriques, tout en finesse. Sont parsemées ça et là des références à notre culture française ou à la littérature internationale.
Le 7 est sans conteste un chiffre à part… / …Citons comme autant de preuves : les 7 péchés capitaux, les 7 ans de malheur, les 7 nains de Blanche-Neige ou encore les 7 filles du docteur March (trois étaient illégitimes).
Ou encore :
Les neuf cent vingt-cinq membres du Sénilat, ayant tous de loin dépassé la date limite, furent donc conviés à retourner, pleins d’usage et de raison, vivre entre leurs parents le reste de leur âge, et revoir de leur petit village fumer la cheminée.
Il m’a fallu chercher quelques mots dans le dictionnaire (sybarite ? sardanapalesque ?) même si parfois j’ai préféré glisser sur un vocable inconnu plutôt que de perdre le fil du récit.
Pour le fond, ça commence très fort avec le beau pays de Frzangzwe (monnaie : le drelin), dirigé par l’Archimaréchal, entouré de l’Archimaréchère et leur fille, la Marjorette Anne-Sophie-Catherine-Élisabeth, dite Aneth. Le chef de l’état est secondé par toute une armada de fifres et de sous-fifres, ainsi que son conseiller personnel Gabriel Pipaudi, dit l’Archange.
Sa fiche de poste fait mention de « porte-parole du gouvernement », mais il fait aussi officieusement office de porte-drapeau, porte-plume, porte-clés, porte-flingue, et accessoirement de porte-manteau, quand un valet vient à manquer.
À l’autre bout de la ville et de l’échelle sociale, nous ferons connaissance avec une bande de marginaux plus ou moins hors-la-loi mais au grand cœur (évidemment), menée par la Baronne.
Bien sûr, ces deux mondes - que tout oppose - vont se rencontrer, que dis-je ? se télescoper, à l’occasion d’un grand chambardement. La Tour Eiffel y jouera un rôle primordial, et nous y apprendrons l’origine du 1er mai.
Vous l’aurez compris, ce roman est éminemment politique, ce qui ne l’empêche nullement d’être superbement écrit.
– Les grenades n’ont pas suffi. Que nous reste-t-il ? Les mots ?
– Les mots, les mots… C’est de l’air, mon Archimar. C’est du vent ! Les mots n’ont jamais protégé d’une rafale de mitraillette ou d’un tir de 49.3 ! Ils n’ont jamais tué personne non plus !
– Détrompez-vous, commandant. Bien choisis, bien maniés, ce sont des armes redoutables.
Extrait de la 4ème de couv’ :
« Marcus Malte ne cesse de surprendre par l’originalité et la maîtrise de ses œuvres. Aux marges du palais est un feu d’artifice d’inventivité verbale, une fable sociale et politique à l’humour ravageur. »
Je plussois.

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J’ai fini hier soir ceci :

Un éclat de givre de Estelle Faye

Quatrième de couverture
Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles.
Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé, et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru.

Ce que j’en pense :
Le livre est sorti en 2017 et je l’ai vu passer bon nombre de fois chez mes amis lecteurs. Je ne sais pas si des personnes l’ont lu par ici et si c’est le cas, je serais ravie d’en discuter ^^ En tout cas, quand je l’ai vu (enfin) à ma médiathèque, je me suis dis : wow, le pitch vend du rêve. Je me suis donc lancée.
Les descriptions, en particuliers des combats sont très bien écrites et très travaillées. On s’y croit, dans ce Paris monstrueux, post apocalyptique. Il y fait chaud et ça pue la crasse. J’ai cependant eu du mal à accrocher au style d’écriture, surtout passer la première moitié du roman. Les phrases sont courtes, parfois (souvent) sans verbes, sujet ni complément. Je comprends l’idée et le truc rechercher : mettre la pression au personnage et par extension au lecteur. Et c’est vrai, ça marche. Peut-être un peu trop et que l’ambiance y aurait gagner à laisser souffler le protagoniste et le lecteur par moment. Du coup, je ne suis pas complètement embarquée et j’ai eu du mal à m’attacher au personnage que l’on suit pourtant de bout en bout, narration à la première personne oblige.

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Je viens de terminer une série vraiment super et je me suis dit que j’allais vous en parler par ici, parce que ça vaut vraiment le coup. Si vous aimez la fantasy, je vous la recommande chaudement. Il s’agit de La Tour de Garde, une hexalogie coécrite par Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier. Ces romans racontent l’histoire de deux villes, Gemina, la capitale du Sud, ville de soleil, de vin et de poésie, et Duhaven, la capitale du Nord, ville d’avocats, de penseurs et de raison. Le principal lien entre les deux villes ? La Tour de Garde, un jeu très en vogue au Nord comme au Sud, qui aura un impact très important sur les protagonistes.

Le narrateur du Sud, Nohamux de la Caouane, est un jeune homme au passé mystérieux, commis pour une épicerie de vins fins et protégé par un des puissants de la ville, qui se découvre un étrange pouvoir lié à la Cité qu’il connaît par cœur et dont il aime chaque rue. Pendant qu’il explore ce don qui lui donne accès à une ville-miroir inquiétante, plongée dans une brume sinistre, Amalia, au Nord, jeune femme de la meilleure société élevée dans la plus stricte rationalité, découvre la magie par le truchement de son meilleur ami, qui a mené d’étranges expérimentations avec un miroir qui semble montrer une tout autre ville que la capitale qu’ils connaissent.

La série alterne entre un récit « Capitale du Sud » (qui a ma préférence tant au niveau du style que des personnages) et un récit « Capitale du Nord ». Pendant les quatre premiers tomes, on ne perçoit pas les liens entre ces deux histoires parallèles, mais les fils vont se recouper dans les deux derniers romans, et le destin des personnages se croiser. Ces tomes 5 et 6 sont particulièrement habiles puisqu’ils relatent les mêmes événements, mais avec deux points de vue différents, celui de Nohamux puis celui d’Amalia. L’ensemble forme un tout très cohérent. Les auteurs ont très intelligemment introduit par petites touches la magie et disséminé des informations cruciales au fil des tomes.

Le tout est servi par un style impeccable qui, dans un cas comme dans l’autre, reflète la personnalité des deux protagonistes mais aussi des deux Capitales. A Gemina, l’écriture est très fluide, empreinte d’émotion et de poésie, tandis qu’à Dehaven, tout est plus froid et analytique, à l’image d’une narratrice qui se sait et se sent différente, coupée des autres et parfois même de ses propres sentiments. Tout le contraire de Nohamux, dont l’empathie n’a d’égal que ses dons de conteur. Cela ne les empêchera pas de se rejoindre sur le plateau de la Tour de Garde.

Cerise sur le gâteau, les illustrations des couvertures sont magnifiques et forment un tout. (La photo n’est pas très belle, mais ça donne une idée. Si on assemblait les livres en rond, ça ferait un seul et même dessin qui tourne à l’infini.)

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