Ah, mais ça tombe très bien. Bien que je lise beaucoup (moins ces temps-ci, parce qu’avec les cours en ligne et mes ennuis de santé, le mood n’était pas présent), il y a quelques livre qui s’écartent de la masse à mes yeux. Voici donc mon top 5 des livres marquants pour moi.
5 (pas vraiment des livres puisque c’est un ensemble de novellas, mais oh well) : le Cycle d’Elric, de Michael Moorcock. Et de manière plus générale, une grosse partie de son Multivers.
Michael Moorcock, je le stan. Déjà parce qu’il est féministe, ce qui est carrément honorable pour quelqu’un qui est né en 39 (même plus un boomer donc, la génération encore avant). Ensuite, parce qu’il n’y a pas que l’écriture dans sa vie : il a aussi fait pas mal de musique rock en tant que parolier, guitariste et…mandoliniste ? Mais aussi et surtout, pour ses écrits de Fantasy, puisqu’il est l’un des plus grands auteurs de la mouvance « on fait de la High Fantasy mais version Dark Sasuke » qu’il y a eu dans les années 70 à 90.
Alors, comment vous expliquer les aventures d’Elric ? C’est un ensemble de novellas, écrites dans le désordre, mais heureusement remises dans l’ordre chronologique lorsque l’intégrale est sortie sous forme de livres (dont j’ai la version Pocket, avec des couvertures vachement sympas).
Petite note pour les fans de FMA qui ont probablement fait oui de la tête : il semble que le nom de famille d’Edouard et Alphonse soit bel et bien une référence à ce personnage.
Ça raconte l’histoire d’Elric (nan, jure). Elric, un p’tit gars albinos qui s’habille tout en noir, est l’empereur de Melniboné, une île où l’inceste, la torture pour le lol, le cannibalisme et l’esclavage, c’est normal. Par exemple, ils ont des esclaves dont on a opéré les cordes vocales pour qu’ils ne chantent parfaitement qu’une seule note. C’est douloureux pour eux, mais tout le monde s’en fiche parce que c’est joli à entendre.
Tout le monde ? Non. Parce qu’Elric, il a une santé très fragile qui fait qu’étant enfant, il devait rester cloîtré au palais et passait son temps à lire. À force de lire, il a développé un certain sens de la morale, ce qui est assez embêtant quand on est appelé à gouverner un endroit avec des moeurs infâmes. Du coup, maintenant qu’il est adulte, régner, ça l’ennuie.
Quand Yrkoon, son cousin (imaginez Gaston dans la Belle et la Bête, mais donnez-lui un titre de noblesse, et vous aurez un large aperçu du comportement du monsieur), essaie de le renverser, c’est le début des péripéties d’Elric, que je ne vous spoilerai pas mais qui conduisent bien vite sa vie à partir en cacahuète.
Alors, pourquoi j’ai bien aimé ? Parce que le fait que les novellas aient été écrites à différents moments de la vie de Moorcock fait que l’ambiance oscille entre le sombre et cynique (pour celles écrites quand il était jeune) et le ton plus classique de la High Fantasy (pour celles écrites plus tard). Et parce que l’oeuvre de Moorcock exploite un concept original : le Multivers. En gros, on a une sorte de héros mythique, le Champion Éternel, dont Elric est l’incarnation, ainsi que les autres héros de Moorcock comme Hawkmoon et Corum. Vu que tout se passe sur Terre, on nous dit également que des personnages extérieurs à l’imaginaire de l’auteur, comme Ulysse, étaient également des incarnations du champion éternel. Ils sont voués à faire de grandes choses, à perdre celle (ou celui) qu’ils aiment, même s’ils ne le veulent pas, ce qui fait qu’on a un grand questionnement sur la condition humaine.
4 : Les Rois Maudits, de Maurice Druon
Ah, si vous avez lu mes autres interventions sur ce forum, vous l’attendiez, celui-là. Mais vous vous attendiez peut-être aussi à ce qu’il soit plus haut dans mon top, vu le degré auquel j’ai tendance à m’en inspirer et à y faire référence.
Eh bien non, parce qu’entre guillemets, il ne fait « pas assez Fantasy » pour que je le place dans mon top 3 en tant qu’autrice de SFFF, puisque c’est de l’historique.
Je vais faire un rapide rappel de l’histoire, parce que bon, vous êtes d’expression francophone et c’est une série assez connue et souvent élevée au rang de classique, donc c’est comme si je devais vous expliquer Les Misérables.
La série part d’une légende. Suite au procès des Templiers (je simplifie beaucoup, mais Philippe IV, qui régnait sur la France à l’époque, est le premier roi médiéval à avoir vraiment voulu centraliser le pouvoir autour du trône, ce qui fait qu’il appréciait moyen d’avoir un ordre de chevaliers commandé par le Pape, une autorité extérieure, sur son territoire, et qu’il a donc cherché à s’en débarasser par tous les moyens possibles, les accusant d’hérésie et démarrant sept ans de procédure judiciaires à leur encontre), l’ancien grand-maître de l’ordre, Jacques de Molay, est brûlé sur le bûcher. Il AURAIT maudit le roi de France, le pape et le gardien des sceaux, Guillaume de Nogaret, les « citant à comparaître au tribunal de Dieu » dans l’année. Dans la vraie vie, Guigui était déjà mort et la pape est mort d’un cancer très peu de temps après et était donc probablement malade depuis un bail.
Dans le tome 1, on assiste donc aux prémices de cette malédiction, et la famille du roi se retrouve bien vite dans la tourmente lorsqu’on découvre que deux de ses trois fils sont cocus. C’est le début d’une longue galère pour les descendants de Philou, qui les mènera jusqu’à la guerre de Cent Ans.
Alors, pourquoi ça m’a tant inspirée ?
Déjà, parce que la place des personnages féminins dans l’histoire est franchement importante, compte tenu du décor médiéval. Bah oui, on compte Isabelle de France (AKA la Louve de France, une marrante quoi) parmi les protagonistes et elle est loin d’avoir un rôle passif dans cette histoire.
Ensuite, parce que le côté réaliste est tout simplement impeccable, appuyé par un style qui, à côté de ceux de Barjavel et de Tolkien, est l’un des trois seuls que je n’hésite pas à qualifier de travail d’orfèvre. C’est un bijou d’écriture, vraiment.
3 : Haut Royaume, de Pierre Pevel
Il faut aussi que je lise les Lames du Cardinal du même auteur, qui a l’air ben chouette.
Pierre Pevel, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un gars qui a l’habitude d’écrire de l’uchronie de Fantasy. En gros, on prend des évènements historiques dans notre monde et on rajoute des éléments de Fantasy. « Les Lames du Cardinal » nous offre par exemple une histoire où on trouve Richelieu, des mousquetaires et des dragons. Ouais.
Fait rare, Haut Royaume est une œuvre 100% originale, donc de la Fantasy « pure ». Elle se déroule dans l’univers du JDR Nightprowler, à la création duquel Mr. Pevel a participé sous le pseudonyme de Pierre Jacq. Ce JDR , je vous le conseille, déjà parce qu’il vous permet d’incarner une multitude de profils de bandits là où D&D se limite à une classe pour ça, et surtout parce qu’il est aujourd’hui plus accessible que son cousin inspiré des Lames du Cardinal, car ce dernier a été édité…par Sans-Détours. Je ne reviendrai pas sur les démêlés judiciaires de la société et de son MERVEILLEUX patron, mais je ne sais pas s’il a été repris et remis sur le marché depuis lors. J’attends surtout un signe de vie de celui qui a été basé sur Aventures. BREF.
Haut-Royaume raconte l’aventure d’un joyeux luron festif nommé Lorn. Lorn, on le sort de la prison où il était jusque-là enfermé parce que le Haut-Royaume éponyme est bien dans la m*rde. Je m’explique : le roi est un vieillard affaibli, façon Uriel Septim dans Oblivion, mais en plus mou et sans la voix de Patrick Stewart. Et quand je dis mou, c’est très mou. Au point que la rébellion menace sérieusement le Trône d’Onyx. Lorn est donc nommé chevalier, tout va très bien Madame la Marquise.
Sauf que Lorn, tel un personnage de GOT, a une idée derrière la tête. En mode total abus de pouvoir, il compte profiter de son nouveau rang pour se venger des gens qui l’ont mis en prison.
Je ne vous spoile pas la suite, mais je conseille à quiconque aime la Dark Fantasy. Pierre Pevel est probablement l’un des meilleurs auteurs de SFFF à la française. Bon, par contre, c’est un livre Bragelonne. Dans le climat actuel qui règne sur la société grâce à toutes les casseroles que traîne le directeur général, ça peut en refroidir certain(e)s.
2 : Le Seigneur des Anneaux, de J.R.R Tolkien
Encore aujourd’hui, la Fantasy est un genre de niche, mais fut une époque où c’était vraiment galérien. Pendant la première moitié du vingtième siècle, la plupart des œuvres du genre se trouvaient dans la pulp. En gros, la pulp, c’était un peu le Wattpad de l’époque, mais en version papier. Et, comme son nom l’indique, imprimée sur du papier de basse qualité fait de résidus de fibre de bois (« woodpulp » en anglais). Vu la réputation de littérature de gare qu’avait la pulp du fait du prix très bas des revues du genre, la Fantasy n’avait que très peu d’adeptes.
Et puis, en 1954, arriva un roman écrit par un petit professeur de littérature anglaise, inspiré par la mythologie nordique (notamment le récit de Beowulf et celui de l’Anneau des Nibelungen). Ce roman, c’était le Seigneur des Anneaux. Et sans le savoir, John Ronald Reuel Tolkien avait écrit l’œuvre qui propulserait la Fantasy au rang de genre populaire chez le grand public.
Aujourd’hui, nous savons tous et toutes que ce roman un grand classique de la SFFF, qu’il est très commun de voir cité parmi les œuvres favorites de quelqu’un. Mais pourquoi une telle popularité, et pourquoi est-ce que je l’aime tant ?
Déjà, parce que c’est un exemple mondialement connu de Worldbuilding bien fait. On voit un paquet de romans de Fantasy trop creux, ou avec un WB bancal, mais Le Seigneur des Anneaux a réussi à plonger les lecteurices dans un véritable monde, avec ses peuples, sa mythologie, son histoire, ses langues, sa religion, … au point que désormais, nous avons toute une franchise qui s’y déroule, avec des possibilités infinies d’histoires, de personnages, d’intrigues. Il y a les jeux vidéo dont le MMO, la future série, les romans gravitant autour de l’œuvre originelle comme le Silmarillion, et toute la palanquée de fanfictions à univers étendu trouvables sur le net.
Ensuite, parce qu’il a fondé la Fantasy telle que nous la connaissons aujourd’hui. D&D, The Elder Scrolls, Dragon Age, Le Sorceleur, tous ces représentants majeurs ont un peu de l’ADN du Seigneur des Anneaux.
1 : Berserk, de Kentaro Miura
C’est assez difficile pour moi d’en parler maintenant. Je suis toujours dévastée par la mort de l’auteur, surtout au vu du poids qu’a eu cette œuvre dans ma vie et a vu de son influence sur mon écriture. Mais je vais faire l’effort pour ce sujet.
Berserk, c’est un manga seinen, pour l’instant en 40 volumes et inachevé (même si on parle d’une éventuelle fin grâce à l’assistant de Miura et même si un tweet dudit assistant semble aller dans ce sens), dont la publication a commencé en 1989. Soyons honnête dès le départ : pour une première lecture, je recommande chaudement de commencer par la fin du volume 3 pour connaître l’histoire dans son ordre chronologique correct, d’autant plus que le début de l’œuvre (en terme d’ordre de publication) n’est clairement pas sa partie la plus qualitative. Certains le qualifient même de « faux départ ».
Aussi, je déconseille fortement aux moins de 18 ans et/ou aux âmes sensibles. Parce qu’il y a énormément de gore et certains thèmes peuvent potentiellement réveiller des traumatismes chez certaines personnes.
Je mettrai le résumé en spoiler. TW : Viol et Meurtre.
Résumé
Le manga raconte l’histoire de Guts. Guts, on l’a trouvé alors qu’il venait de naître. Le problème, c’est qu’il est né après la pendaison de sa mère, et donc qu’on l’a trouvé sous le cadavre. Ça commence BIEN. Il est recueilli par des mercenaires menés par un type appelé
Gambino, qui lui apprend à manier les armes.
La relation père/fils se dégrade considérablement le jour où Gambino vend, pour une nuit, Guts à un homme appelé Donovan, qui en abuse, le traumatisant à vie. Guts comprend donc que Gambino n’en à jamais eu grand-chose à faire de lui en tant que personne et finira par le tuer, puis partir sur les routes en tant que mercenaire.
Il se bat sans vraiment chercher de sens à sa vie pendant des années, jusqu’à ce qu’il rencontre Griffith. Griffith, c’est probablement l’un des meilleurs antagonistes que nous aient donnés les mangas, avec Johann Liebert de Monster. C’est un jeune gars qui mène un groupe de mercenaires, la Troupe du Faucon, et qui a un rêve pour lequel il serait prêt à tout : devenir roi. Suite à un duel perdu, Guts doit bosser pour lui. Guts rencontre aussi Casca, une jeune femme un peu « garçon manqué » qui se bat aussi dans la Troupe du Faucon, et ils finiront par tomber amoureux.
D’année en année, avec Guts de leur côté, les Faucons remportent un bon paquet de batailles et entrent dans les bonnes grâces du Roi de Midland, un pays puissant de la région. Griffith obtient même la main de Charlotte, la fille du roi.
Seulement voilà, un jour, tout part en vrille. Guts surprend Griffith littéralement en train d’expliquer son ambition de vie à Charlotte, et réalise que ce dernier considère ses « amis » comme de simples pions sur son échiquier. Ce que Guts ne sait cependant pas, c’est qu’il est le seul à qui Griffith n’applique pas cette logique, le considérant même comme un égal. Mais le mal est fait, Guts demande à quitter la Troupe, Griffith lui dit non, Guts le provoque en duel afin de pouvoir partir (parallélisme avec le duel qui l’a MIS dans cette histoire), gagne et se casse.
Griffith nous fait donc un BSOD, fait n’importe quoi et couche avec Charlotte histoire d’oublier la souffrance d’avoir perdu la seule personne en qui il voyait un ami. Le problème est que ça se sait, que le roi est un pervers incestueux souhaitant absolument se faire le gardien de la virginité de sa fille et que Griffith est envoyé au donjon pour se faire torturer.
La suite ? Je ne vous en parle pas. Mais comme vous l’avez vu, c’est très sombre et on comprend effectivement pourquoi ce manga est une œuvre majeure de la Dark Fantasy.
Les deux qualités majeures de l’œuvre sont le dessin et la construction des personnages. Regardez les détails de ces planches :
Au niveau des personnages, Guts est un personnage qui redéfinit l’idée qu’on se fait d’un personnage « fort ». Au premier abord, on pourrait croire en un monsieur un peu bourrin façon Conan, surtout en voyant la grosse épée qu’il utilise et l’air renfrogné qu’il arbore généralement sur les couvertures des volumes. Mais quand on connaît la backstory du perso, on se rend compte qu’à l’époque, il prenait totalement à contrepied les codes du héros de Fantasy.
Pareil pour Griffith : le personnage entier est très clairement une référence au Lucifer de la Bible. On a face à nous quelqu’un qui a l’apparence d’une sorte de créature androgyne, à la frontière de l’humain vu sa couleur de cheveux (blanc argenté) qui évoque un ange, et qui est souvent représenté avec une imagerie évoquant la lumière. Sauf qu’à ce dehors angélique s’oppose l’esprit d’un véritable démon : le gars est beaucoup trop ambitieux, incapable de remords, et surtout sans limite pour servir ses propres intérêts, motivé par son orgueil.