Ils ont écrit

Je faisais un peu de rangement dans mes dossiers, et je suis retombée sur une traduction d’un texte que j’avais faite l’été dernier.
Avant de la partager, je voudrais la remettre dans son contexte.
L’été dernier, et l’été d’avant, la NHK, chaîne de télévision japonaise, a organisé un programme afin de lutter contre la dépression infantile de fin d’été, et contre les suicides de cette période. Au Japon, la fin des vacances d’été est synonyme de suicide et de dépression puisque les enfants et adolescents ne supportent pas, pour certains, de devoir retourner en cours, source de mal-être. Ainsi, la NHK a lancé le hashtag #8月31日の夜に。 (la nuit du 31 août), ainsi qu’un journal dans lequel des personnes pouvaient inscrire leur petit texte afin de se purger de ces sentiments négatifs de tristesse, angoisse etc.
Puis, le soir du 31 août, une émission en live a été diffusée, lors de laquelle les animateurs et invités (qui ont eux aussi vécu de genre de mauvaise passe) discutaient, lisaient des textes, y réagissaient, et nous avons aussi eu des représentations en live de chanteurs et chanteuses, toujours dans cette thématique.

Fidèle à moi-même et à mon fangirlisme intense, je suivais sur Twitter le compte de mon groupe japonais préféré, amazarashi, dont le sujet majeur est justement cette angoisse de vivre, cette dépression, ce sentiment de ne pas appartenir au monde où nous nous trouvons, ce genre de sujet. Le leader, Akita Hiromu, a lui aussi écrit un texte pour ce journal, et a interprété en live lors de l’émission sa chanson Boku ga shinou to omotta no wa (« La raison pour laquelle j’ai voulu mourir ») ; c’est suite à un de ses tweets que j’ai découvert cette initiative de la NHK, et je me suis mise à traduire le texte qu’il a écrit, qui m’a beaucoup touchée puisque je me suis reconnue un peu dedans, ainsi que dans d’autres textes soumis dans ce journal.

Son texte, une fois traduit, est le suivant :

Résumé

14 août 2019 (mer.), 4h00

À cette époque, je craignais tout du monde.
J’avais le sentiment que chaque personne que je croisais disait du mal de moi. Quand je devais donner la monnaie à la caisse de la supérette, mes mains, mes jambes et ma tête tremblaient. Debout sans m’asseoir sur un siège dans le train, la transpiration et les nausées ne cessaient pas. Chaque soir, je pensais à des moyens de mourir. Je cherchais des manières confortables pour mourir. Pendant ce temps, mes larmes ne cessaient et, sans m’excuser auprès de ma famille, mes amis et de mon moi du passé, assis à genoux sur mon lit, je m’épuisais à pleurer jusqu’à m’endormir.

Seule la nuit était mon alliée.
Il y avait peu de choses que je craignais la nuit. À part les envies suicidaires qui rampaient chaque soir. Alors, pour effacer cette ombre noire qui voulait tant mourir, je me plongeais dans des musiques, des livres, ou des jeux vidéos. Je voulais le plus possible m’éloigner de la réalité. Puis je me noyais dans les œuvres qui m’emmenaient le plus loin, et je me suis mis à penser que moi aussi, un jour, je pourrais créer de telles choses. Lorsque j’y repense à présent, il s’agissait peut-être d’un espoir, bien qu’aussi petit qu’une lampe miniature éclairant une pièce sombre.

C’est triste, mais le jour s’est encore levé.
Je devais travailler pour que ce moi qui voulait mourir continue à vivre. Peu importe combien je m’étais éloigné de la réalité, la lumière du soleil m’y ramenait en un instant.
Mais je savais. Le moi d’aujourd’hui savait mieux que le moi d’hier.
Qu’il y a un monde que je ne connaissais pas, loin de la réalité. Que là-bas, je n’avais rien à craindre du monde. Que là-bas existaient une joie et une excitation que je n’avais jamais expérimentées. Que cela me conviendrait peut-être plus que ce monde où je me trouvais. Et que ça pouvait aussi bien être réel.
Je m’en convainquais chaque soir.

amazarashi ; Akita Hiromu

Dans d’autres textes que j’avais lus, des jeunes personnes témoignaient de leur sentiment d’être rejetées par leur famille, puisqu’elles grandissaient dans l’ombre d’un grand frère ou d’une grande soeur mille fois meilleur(e), ou bien qu’elles faisaient elles-mêmes de l’ombre au petit frère/à la petite soeur bien plus prometteur/euse.

J’imagine que cet été encore cette initiative aura lieu. Par ailleurs, il est toujours possible de soumettre des textes, puisque certains datent d’aujourd’hui-même.

Petite parenthèse sur mon opinion : bien que ces textes soient parfois très durs à lire, je me dis que si ça peut aider les gens à se libérer, même temporairement, de ces mauvais sentiments, alors il faut encourager ce genre d’initiative. Pour certains, écrire est extrêmement salvateur, alors il ne faut surtout pas s’en priver, quitte à ne jamais partager ce que nous avons écrit !

5 « J'aime »

" Ils ne se révolteront que lorsqu’ils seront devenus conscients, et ils ne pourront devenir conscient qu’après s’être révoltés"
Georges Orwell.
Gros questionnement sur l’actualité :thinking: :roll_eyes:

8 « J'aime »

Un bras autour de toi
Le second sur mes yeux.
L’un t’empêche de fuir,
L’autre maintient mes songes.

Louis Aragon

9 « J'aime »

Puisqu’on parlait de synesthésies dans un autre sujet…

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

II est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

(Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, « Correspondances »)

7 « J'aime »

J’ai beau le relire, je trouve toujours que c’est mon poème préféré.
La preuve, sa première strophe tourne toujours en tâche de fond de ma mémoire vive. :smile:

Ah, non, ça me revient.
Ma trilogie quadrilogie de poèmes préférés, avec :

L’invitation au Voyage

Mon enfant, ma sœur
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble…

.
L’hymne à la Beauté

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime…

.

… et Le chat

Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.

.

Bref, si Baudelaire était en vie, j’aurais followé son compte Twitter. :smiley:

7 « J'aime »

« Correspondances » fait aussi partie de mes préférés, ainsi que « L’hymne à la beauté », surtout les deux dernières strophes :heart: :heart: :heart: que voici :

Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, – fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?

Il y a aussi, plus ou moins sur le même thème, « Le voyage » (là encore, les deux dernières strophes) :

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

… mais je ne partagerai pas ici mes deux poèmes préférés de Baudelaire (« L’horloge » et le dernier « Spleen »), qui sont vraiment trop déprimants…

Mais tellement !!! :smile:

7 « J'aime »

Tenez !
Je vous ai trouvé ça en lisant le spam-employeur. :smiley:
Je vous préviens, c’est pas hype et les plus jeunes vont :roll_eyes: ou bien :no_mouth: ou :cold_face:

.

Le 25 septembre 1626 disparaissait à seulement 36 ans le poète Théophile de Viau. De son vivant, il était lu comme l’était Jean d’Ormesson dans le dernier demi-siècle : il était véritablement la star des lettres françaises de son époque. Aujourd’hui, son nom ne dit plus grand-chose à grand monde et quand c’est le cas, c’est souvent pour une mauvaise raison : il a laissé deux vers parmi les plus ridicules de l’histoire de la poésie. On les trouve dans sa tragédie Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, où Thisbé, effondré après avoir vu sa chère Pyrame s’immoler, se plante un couteau dans le cœur (on savait vivre et surtout mourir, en ces temps-là) :

Ah ! voici le poignard qui du sang de son maître
S’est souillé lâchement. Il en rougit, le traître !

Un poignard qui rougit de honte pour avoir aidé un homme à se tuer, la chose n’est en effet pas banale, et Boileau s’en moquera abondamment. D’autres y verront un double sens sexuel (la fameuse « licence » poétique ?). Quant à Edmond Rostand, il en fera son miel dans Cyrano de Bergerac via un hilarant clin d’œil (pour écrire comme Théophile de Viau) :

Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie ! Il en rougit le traître !

7 « J'aime »

Dans le genre « extraits qui m’ont mis les larmes aux yeux », je pourrais citer la fin du manga Le chat aux sept vies (五十センチの一生, « Une vie de cinquante centimètres »), de Shirakawa Gin.

Nous, les chats, nous mesurons une cinquantaine de centimètres.
Une vie de cinquante centimètres, est-ce beaucoup ou bien peu ? Long ou bien court ?
Je n’en ai aucune idée.
Mais je suis sûr d’une chose.
Ce n’est pas seulement le fait de vivre cinq ans de plus qui nous rend heureux.
Ce sont toutes ces petites choses et ces rencontres.
La joie de trouver un endroit qui n’appartienne qu’à soi.
La douceur de trouver quelqu’un avec qui partager de la chaleur.

5 « J'aime »

Je continue vaillamment à lire les Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett ; j’ai commencé l’an dernier, j’alterne avec d’autres romans et j’en suis au 18ème tome, à savoir Masquarade, et voici que j’ai découvert cette petite pépite parodique de Sherlock Holmes :
« Eh ben, moi, j’crois qu’une fois l’impossible exclu, le reste, même l’improbable, vaut pas l’coup qu’on traîne à se creuser l’chou en pleine nuit en se gelant les miches alors qu’on pourrait s’attabler devant un bon coup à boire. »
:grin: :grin: :grin: Non mais j’adore Pratchett.

Pour information, voici la vraie citation d’Arthur Conan Doyle (dans Le signe des Quatre) :
« Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, aussi improbable soit-il, est nécessairement la vérité. »

4 « J'aime »

« Je ne suis chez moi que partout, et toujours le désir m’en chasse. » (Gide, Les nourritures terrestres)

J’adore.

3 « J'aime »

Au début de ma thèse, après la page de garde, j’ai repris un dialogue de Va-t-en guerre ! de Terry Pratchett :

"Vous proposez de changer l’histoire ? C’est ça ? Réécrire…

- Oh mon cher Vimaire, l’histoire change sans cesse. On la rééxamine et on la réévalue en permanence, sinon à quoi occuperait-on les historiens ? On ne peut permettre à des esprits pareils de se balader avec du temps devant eux."

:black_heart:

Je l’avais aussi accroché sur une feuille A4 au-dessus de mon bureau à une époque (à l’époque où j’avais un bureau… :sweat_smile:)

9 « J'aime »

Ne me demandez pas d’où ça vient mais je tiens particulièrement à « Heureux sont les fêlés car ils laissent passer la lumière » et « plaisir partagé, plaisir augmenté » :wink:

7 « J'aime »

Ohhhh j’adore déjà ce topic !!! Merci @Megara

Voilà ma petite contribution : issue du livre Kafkaïen sur le rivage de Muramaki

« Nous perdons tous sans cesse des choses qui nous sont précieuses… Des occasions précieuse, des possibilités, des sentiments qu’on ne pourra pas retrouver. C’est cela aussi vivre. Mais à l’intérieur de notre esprit - je crois que c’est à l’intérieur de notre esprit - il y a une petite pièce dans laquelle nous stockons le souvenir de toutes ces occasions perdues. Une pièce avec des rayonnages, comme dans cette bibliothèque, j’imagine. Et il faut que nous fabriquions un index, avec des cartes de références, pour connaître précisément ce qu’il y a dans nos cœurs. Il faut aussi balayer cette pièce, l’aérer, changer l’eau des fleurs. En d’autres termes, tu devras vivre dans ta propre bibliothèque. »

:heart:

8 « J'aime »

Bonne idée de sujet !

C’est un peu drôle en plus !

De mon côté : « Il existe chez les êtres humains un type d’angoisse que je n’avais pas encore soupçonné : l’angoisse de se sentir rempli d’amour sans avoir personne à qui l’exprimer. »
C’est une citation de Searles qui a écrit un livre sur la schizophrénie qui s’appelle « L’effort pour rendre l’autre fou ».

« Quand les jeux seront faits et que cette normalité sera vraiment la règle, se poser la question de ses sentiments personnels, de son désir d’aimer et d’être aimé, de son intérêt ou non pour autrui deviendra incongru, puisque cette définition moderne de l’homme mentalement sain ne fait aucunement mention de cette exigence fondamentale qui l’habite et qui fait de lui un être humain : son désir éperdu d’être reconnu et apprécié comme une personne digne d’un respect absolu pour cette seule raison qu’elle est une fin en soi et non pas pour ce qu’elle a ou pour ce qu’elle est capable de faire. » Jean Maisondieu dans « La fabrique des exclus »

« C’est lorsque je m’accepte tel que je suis, que je peux changer » Carl Rogers ( un génie ce mec)

Aussi un passage de dialogue dans Nine Perfect Strangers (Une série que je vous recommande très chaudement d’ailleurs)

« When I woke up this morning you know what I thought about? Painting my house, maybe getting a dog, definitively taking you out to diner. »

« Tu sais à quoi j’ai pensé ce matin? Peindre ma maison, peut-être prendre un chien, certainement t’inviter à dîner. »

Voilà pour moi !

6 « J'aime »

Hum… alors un chien divin ? Ou un dieu-chien, genre Anubis ?
:wink:

6 « J'aime »

On dirait que ça te ne parle pas vraiment? Moi je trouve ça assez génial, cette association avec les choses simples de la vie…

3 « J'aime »

Je suis d’accord. C’est une recette assez facile qu’on retrouve fréquemment mais elle est universelle et donc toujours efficace.

1 « J'aime »

C’est juste que tu as écrit « god » (Dieu) au lieu de « dog » (chien) lol

6 « J'aime »

Hé ça a l’air sympa par ici !
A mon tour, voici une citation relevée dans le le livre Souviens toi de septembre de Marie-Aude Murail :
« la fiction, c’est une façon de décrire la réalité qui est souvent plus précise que la réalité elle-même » (Édouard Philippe)

2 « J'aime »

Je te taquine simplement à cause du Type Mismatch Dog vs. God !
Néanmoins, mélanger ou mettre au même niveau un engagement majeur (God) et des envies de la vie quotidienne (Dog) peut renforcer le ton de « fausse nonchalance » de la demande de rendez-vous. Du coup, style intéressant.

3 « J'aime »