Salut à tous,
c’est en regardant hier une vidéo tâchant d’expliquer pourquoi la saison 8 de Game of Thrones a déçu que j’ai réalisé qu’elle répondait à un point dont bien évidemment on ne parle jamais entre fanfiqueurs alors qu’on est jusqu’au cou dedans : le processus d’écriture.
Je vois des remarques de membres qui disent qu’ils ne savent pas (comment) écrire, et c’est normal parce que ce n’est pas comme si on l’apprenait à l’école (oui cette remarque est délibérément provoc).
Partons du principe que nous ne parlons pas ici de l’art de la syntaxe (qui est plutôt celui de « savoir faire des phrases fluides ») ni même de la maîtrise élémentaire de la langue…
Non. Partons du principe que l’on parle du processus qui consiste à savoir comment on fait pour écrire une histoire.
En préambule, si vous patouillez un peu dans la SF – et même si ce n’est pas votre cas – je ne saurais que trop vous recommander VIVEMENT la lecture du texte d’Yves Menard qui est dans l’aide du site : Comment ne pas écrire des histoires (oui ce titre de l’auteur est lui aussi un peu ironique, mais il fait sens une fois qu’on l’a lu en entier). Il vous explique les erreurs en termes de rédaction d’intrigue, les idées trop banales, personnages, les trucs qui tombent à plat, etc. Et constituera en soit déjà pour vous un avant et un après, une fois que vous l’aurez lu.
La vidéo que j’ai regardée parle des erreurs dans l’écriture de la 8e saison de GoT et j’espère que vous ne vous demandez pas ce qu’on veut dire par « écriture » vu que c’est une série TV où il n’y a que des images.
L’auteur de la vidéo analyse la déception de certains fans (dont je fais partie) par le changement dans le processus d’écriture de la série qui a basculé d’un pivot principal d’écriture à un autre : les personnages d’abord contre l’intrigue d’abord (mode d’écriture de George Martin / mode d’écriture des showrunners).
LES DEUX MOTEURS POUR ÉCRIRE UNE HISTOIRE
L’intrigue
En gros, on vous aura toujours dit que pour écrire un roman il faut faire un plan, et donc que vous avez dû réfléchir au préalable à des éléments d’intrigue qui vous plaisent et que vous aimeriez bien voir arriver. Votre problème ensuite est de trouver de quoi les relier plus ou moins plausiblement entre eux pour faire une histoire qui se tient.
Vous avez donc très vraisemblablement en tête une succession de scènes où ce qui compte c’est « ce qui va arriver » et comment vous voulez faire ces révélations d’aventures.
Les auteurs qui écrivent de cette façon sont en général extrêmement sensibles aux spoilers puisque tout leur effort porte sur « ce qui va arriver » et hésitent à le « dire » à leur lecteur (alors que normalement ils sont là pour ça).
Dans ce type de rédaction, les personnages sont secondaires et subordonnés à l’intrigue, ils doivent se plier pour rentrer dans ce qu’on a prévu pour eux.
Les personnages
L’autre énorme pivot pour écrire des histoires, ce sont les personnages et leur caractérisation. Il y a un vieil adage qui dit : donnez moi un caractère et vous aurez un destin. Dans ce type d’écriture, produite plus au fil de l’eau, l’auteur est inspiré par le vécu ou la psychologie des personnages qu’il a passé un certain temps à mettre en place et à rendre cohérents et plausibles. Il est intéressé par la façon dont le personnage va réagir aux situations. Et ce ne sont plus des aventures qui arrivent aux personnages mais des personnages qui arrivent aux aventures (j’espère que je ne suis pas trop subtile).
George Martin écrit ainsi : dans ses livres les personnages sont cohérents et « suivent leur propre ligne » qui dépend de leur vécu, de leur passé, de leur caractère et chaque élément de leur futur trouve son explication dans leurs actes antérieurs. Or depuis la saison 6-7, on ne suit plus ses bouquins du tout…
Le défaut de cette méthode d’écriture centrée sur les personnages est que si on ne veille pas à fournir néanmoins une intrigue suffisante, l’histoire peut s’enliser dans des marécages bourbeux dont elle sort difficilement et la fin n’arrive jamais (ahem…).
L’intrigue d’abord apporte de la nervosité et un fil directeur.
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Chaque auteur a donc naturellement une prédilection pour un type d’écriture centrée, soit autour d’une intrigue (quitte à ce qu’elle soit totalement inadaptée aux personnages et qu’ils aient l’air de marionnettes OOC dedans) soit autour des personnages qu’on veut voir continuer à vivre. Idéalement les fans veulent que les personnages soient fidèles et leurs « nouvelles aventures » resteront cohérentes si leur personnalité de base est respectée.
Ex dans GoT : C’est Peter Dinklage (Tyrion Lannister) qui a fait la remarque qui m’est venue en premier : pourquoi flanquer dans une crypte pleine de cadavres, les femmes et les enfants les plus fragiles à protéger, alors que l’ennemi qu’ils ont à combattre est capable de relever les morts d’un geste ? Une crypte c’est plein de morts !!! Est-ce que c’est pas complètement crétin ? Et comment un personnage intelligent peut-il proposer cela et ne pas en tirer les conséquences évidentes ?
Et bien, il le peut dans une histoire drivée par un scénario et dont l’ambition est de faire de l’image à grand spectacle. Et tant pis s’il a l’air ■■■-■■■.
Parenthèse. Vous remarquerez que plus votre personnage préféré est intelligent, plus vous le limiterez fatalement à votre propre intelligence (plutôt que la sienne). Privilégiez donc les scénarios minutieusement prévus pour limiter la casse…
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Donc dans vos fics, l’idéal est bien sûr d’avoir des idées de scénario ou de scènes (ou des idées pour les amener, les traiter, voire des idées de dialogues que vous tenez absolument à caser parce que ça claque), mais demandez-vous toujours si ça ne va pas un peu détruire la fidélité du personnage en lui faisant faire des trucs totalement non plausibles (qui peuvent énerver salement les fans), voici votre challenge d’auteur.
Série ou film : pas le même combat ?
Notez aussi qu’il y a ce genre de problème uniquement quand on se trouve en présence d’une série TV, ou BD, ou une série littéraire donc avec des personnages récurrents.
Comparez avec un film de cinéma (qui ne serait ni une préquelle, ni un remake, ni une adaptation…) il est remarquablement banal de trouver des productions qui misent tout sur une succession d’images fortes qui anesthésient pudiquement la « simplicité » du scénar et tâchent de faire oublier que les persos sont fades et déjà vus.
Mais en même temps, quand on a deux heures, on ne peut pas « faire des miracles » (c’est ce que se disent tous ceux qui rendent leur copie en ce moment, pas vrai ? )
Les fans de séries « au long cours » qui ont massivement investi la psychologie des personnages, qui ont vu des épisodes entiers consacrés juste au développement d’un élément de leur passé, sont souvent frustrés de devoir revenir à une « conception plus cinématographique » qui insiste sur le fait qu’on « n’a pas le temps » pour les persos (terme consacré : c’est trop « rushé ») et qu’on n’a que celui de faire des effets spéciaux de la mort, qui sont beaux… mais qui sont creux.
Et vous quel est votre process d’écriture préféré ?
La vidéo sur GoT s8 qui m’a inspiré ce post.