Le processus d'écriture : intrigue ou personnages

Je dirais que je ne vois pas vraiment le rapport. Evidemment qu’on ne créé pas un personnage comme ça, dans le rien et sans savoir ce qu’on va en faire. L’intrigue doit servir le personnage et vice-versa. La différence réside dans le résultat qu’on attend. Je ne suis pas dans la tête de Keyes (même si j’aimerais bien, vu le talent du bonhomme) mais au vu du résultat final, ça ressemble beaucoup plus à la première solution pour moi. Pas tout à fait de la façon dont tu l’as décrit mais plus dans une idée : « Bon, je veux écrire une histoire où un personnage « limité » va devenir plus intelligent et en souffrir » et ensuite, il a brodé l’histoire autour. C’est comme ça que je travaille, personnellement. Je pars d’une envie de parler d’un personnage qui traverse ci ou ça et ensuite, j’essaie de broder un contexte autour qui sert le propos et qui donne au personnage les épreuves dont il a besoin.

Ecrire en partant d’un personnage, contrairement à ce que tu décris, ce n’est pas comme faire une fiche perso sur un jdr et se dire « bon, qu’est-ce que je vais bien pouvoir en faire maintenant ? ». C’est avoir une idée claire du conflit principal d’un personnage et ensuite de créer tout le contexte autour (dont l’entourage). C’est partir de la fameuse « chambre noire » (l’élément du personnage qui résume toute son essence, tout son conflit mais qui n’est jamais mentionné explicitement dans le texte en lui-même) et contruire la maison tout autour ensuite pour qu’on devine cette chambre noire. Ca n’a rien à voir avec : « Bon, voilà, j’ai mon personnage, c’est Jean-Edouard Pichon, il a trente-quatre ans, il est astygmate et il aime bien les carottes rapées, qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter sur lui ? »

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Je ne pense pas avoir dit quelque part que l’approche « par les personnages » impliquait de créer « dans le rien », mais effectivement ce que tu appelles « chambre noire » je l’ai nommé « caractère ».
C’est clair que si tu crées une coquille vide ça ne va pas mener bien loin, carottes râpées ou non. Ou que si tu n’as pas de « conflit principal » ou de « thématique principale » (ou de colonne vertébrale, ou quel que soit le nom que l’on peut donner au machin qui sous-tend le texte), ça n’ira pas très loin non plus.
Mais bref.
Non, le point d’intérêt dans tout ça, c’est de noter la différence d’approche entre le

… et le « j’ai le conflit principal et le contexte, et ensuite je crée le personnage ».

Puis de constater que le résultat est le même.

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Je vois ce que tu veux dire. Mais pour moi, « créer par l’intrigue », c’est :

  • Bon, on dit qu’il y aurait un meurtre et puis en fait, le coupable, c’est Bidule, qui l’a fait avec le chandelier dans la salle à manger parce que Machin lui avait piqué sa copine. Et du coup les inspecteurs, dont un qui aurait un problème de bouteille, vont faire ci et ça pour trouver le coupable. Et dans le lot, l’alcoolisme de Inspecteur Truc lui permettrait de trouver tel indice parce qu’il partirait boire en cachette, etc

Tandis que « créer par les personnages », ça ressemblerait plus à :

  • Bon, j’aimerais écrire une histoire qui parle d’un personnage avec un problème d’addiction. Il faudrait le placer dans un contexte où ça le mettrait en difficulté. Tiens, on a qu’à dire une enquête pour meurtre, ce serait un enquêteur. Et à un moment du récit, il arrive à trouver un indice clé, ce qui le pousse à croire que son problème n’en est pas tant que ça finalement, etc.

Dans le premier exemple, on part d’abord de l’envie d’écrire sur une situation. On invente les tenants et les aboutissants en premier. Les personnages servent l’intrigue et leurs caractéristiques sont interchangeables. Par exemple, au lieu d’un enquêteur alcoolique, on peut remplacer par un inspecteur têtu qui n’écoute jamais rien et qui trouve quand même les solutions malgré ça. Tandis que dans le deuxième exemple, c’est la situation qui est interchangeable. On aurait pu finalement dire que c’était Trucmuche le coupable, avec la corde dans la buandrie que ça ne changeait rien au projet de départ.

Comme tu dis, si on demande à deux auteurs d’écrire sur ces deux bases, on va sans doute se retrouver avec des scénarios qui, sur le papier, reviennent au même : il y a eu un meurtre et le personnage de l’inspecteur doit le résoudre. Cela dit, dans les faits, comme l’auteur aura plus mis l’accent dans sa construction du récit sur un aspect ou un autre (personnage ou intrigue, donc) les deux récits n’auront sans doute pas les mêmes enjeux au final, l’un étant « Mais qui est donc le tueur ? » et l’autre « Comment va évoluer l’inspecteur au cours de cette enquête ? ». Ce sont de petites différences, je te l’accorde, mais qui justement peuvent faire toute la différence quand on voit le résultat final.

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Ah bah non !!! Pas petites !
Et je ne crois pas que ça revienne vraiment au même !
Prenons le cas d’une série avec un enquêteur appelé Sherlock.
Seul le premier épisode / tome pourrait faire passer l’intrigue en premier, pour nous permettre de le découvrir à l’action.

Mais après, c’est l’enquêteur que l’on suit et qui nous importe, et les enquêtes ne sont que le faire-valoir de sa sagacité. On s’en ■■■■ un peu à la limite, en tant que lecteur. Sauf que dans le cas de cet oiseau-là, l’auteur s’en fiche moins, parce que plus les enquêtes seront faciles, moins son perso aura l’air intelligent…

Pour faire passer l’intrigue avant, dans une série et sans le fil conducteur, c’est une émission à thème. « Les grands mystères de l’univers » présentés par Jean-Noale Poisson. Et jamais résolus justement parce que Sherlock n’était pas dispo.
Collons-le sur la construction des pyramides ! La disparition de l’Atlantide ! Les survols d’extra-terrestres ! (Ah non, il devrait mentir sur son origine…). Vous allez voir que ça serait réglé une bonne fois !
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Il doit sans doute exister des intrigues et des scénarios qui valent pour eux-mêmes et où finalement peu importe qui en sont les protagonistes.

Par exemple le naufrage du Titanic. Là, l’intrigue ou l’événement est ce qu’on retient.
Ou l’explosion du Vésuve à Pompéi.
On peut mettre n’importe quel OC là dedans (et bien des réalisateurs de téléfilms ne s’en sont pas privés) : au final, on ne retient pas les personnages, ils ne sont pas importants ou tout au moins secondaires.

Si tu veux renverser la vapeur pour éviter le flop, et passer du documentaire oué bof à la romance tragique que personne n’a oubliée, faut placer le curseur ailleurs, mettre les persos devant et faire reculer le paquebot et l’iceberg en second rôles.
Parce que c’est dur pour un spectateur de s’identifier ou de se projeter dans un iceberg, il faut être honnête. :smiley:

Pour le Titanic, il y a un avant JC et un après JC. :grin: Toutes celles qui écrivent des romances historiques l’ont bien compris.
Au niveau du Vésuve, on attend toujours, mais ça viendra.

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Accord dans les grandes lignes, avec les précisions suivantes :

  • l’enjeu principal de construction de l’option 1 n’est pas « résoudre le meurtre », mais « comment résoudre le meurtre ». C’est avec le « comment » que tu vas élaborer tout le squelette de l’intrigue et que cette histoire-là ne sera pas une autre histoire.
    Donc « comment résoudre le meurtre -> par l’addiction » (et non pas « par obstination », « par négligence » ou « par amour »)
    En parallèle pour l’option 2, la base de construction n’est pas « et à la fin je gère mon alcoolisme », mais « comment résoudre l’addiction -> par le meurtre » (et non pas « par le patin à glace » ou « par un voyage temporel »).

  • la perception des enjeux par le lecteur ne dépend pas du mode de construction.

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Oui, je vois ce que tu veux dire. De toute maière, le personnage ne peut exister sans l’intrigue et vice-versa. On va toujours construire les deux en parallèle pour que tout tienne bien la route et soit cohérent. La différence principale réside dans le fait de savoir si ce sont plus les personnages qui servent l’intrigue ou l’intrigue qui sert les personnages. Là, une fois encore, dans la plupart des histoires (des bonnes histoires), c’est un peu les deux, mais c’est rarement du 50/50, il y en a forcément un qui va un peu prendre le pas sur l’autre (et tant mieux).

Là on ne sera pas d’accord, je pense, c’est sur cette question de perception. A mon sens, si, ton mode de construction va forcément faire pencher la perception du lecteur d’un côté ou de l’autre, parce que commencer par imaginer une intrigue ou commencer par imaginer un personnage, ça ne donne pas du tout le même résultat final, parce que l’auteur en choisissant telle ou telle manière de fonctionner, va mettre l’accent sur l’un ou sur l’autre, même subtilement. En lisant un récit avec un oeil « neutre » et en cherchant avant tout à analyser le texte, je trouve que l’intention et la méthode de création de l’auteur peut se deviner dans la plupart des cas (bon, mes profs de litté me hurleraient que l’intention de l’auteur, on s’en cogne, mais comme ils ne sont pas là pour lire mes bêtises, on va dire qu’on a rien vu :p)

Après, dans les faits, c’est toujours une question délicate, la perception des lecteurs, parce que les lecteurs aiment bien voir midi à leur porte et sont rarement des lecteurs analytiques (ce n’est d’ailleurs pas le but). Si le lecteur recherche avant tout une intrigue, il va se concentrer dessus avant tout et passer complètement à côté de l’aspect « étude de caractère » et inversement. J’en suis un peu coupable moi-même à vrai dire, je me focalise tellement sur les personnages (et surtout les relations inter-personnages) dans les oeuvres que je passe souvent complètement à côté de l’intrigue. C’est là où je trouve que la fanfiction trouve son vrai potentiel, parce qu’on a déjà toute une intrigue déjà sous la main, et qu’on peut du coup se permettre de creuser à fond les personnages, particulièrement dans une direction que l’intrigue de base ne permettait pas.

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Oui en effet, on n’est pas d’accord. Parce que je sais quand même comment je construis ce que j’écris, et que je vois bien comment c’est perçu.
La surinterprétation c’est extrêmement déstabilisant, soit dit en passant.

Mais bon, de toute façon pour moi le vrai potentiel de la fanfiction, c’est en premier lieu de pouvoir construire des intrigues et des décors (même si à présent je construis aussi les personnages, parce qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même).

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la perception des enjeux par le lecteur ne dépend pas du mode de construction.

je sais quand même comment je construis ce que j’écris, et que je vois bien comment c’est perçu.
La surinterprétation c’est extrêmement déstabilisant, soit dit en passant.

Moi, je veux bien être arrangeante et ne plus exprimer mon appréciation subjective de lectrice pro-personnage sur des textes que tu n’as pas écrits comme je les lis.

A tout prendre, je préférerais faire plaisir à un auteur qui serait bien content de lire que cela me plait – Je fais le pari présomptueux… qu’il y en aurait – :smiley: plutôt que de générer de l’embarras.

Allez promis, je signe à la LPO, plus un mot sur le pélican !

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J’ai pas mal le même problème, je l’admets. Je focalise avant tout ma narration sur les personnages et les lecteurs vont venir parfois (souvent) faire des remarques sur l’intrigue, ce qui est souvent assez frustrant. Je crois que c’est un peu comme l’éternel débat entre les cheveux bouclés et les cheveux lisses : ceux qui ont l’un voudraient l’autre et vice-versa :joy:

(Au passage, si les lecteurs qui surinterprêtent tout te destabilisent, je me ferais une joie de te les récupérer, ce sont mes préférés, ceux-là :p)

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Oldie, ce n’est pas tant que ça ne me plait pas que je ne sais surtout jamais quoi répondre. A part merci. Je dis toujours merci, mais après ? Je traîne sur des forums d’échanges depuis assez longtemps pour avoir saisi que les fans sont essentiellement là pour partager sur leurs personnages préférés, mais en dehors de « oui, le personnage concerné réagit conformément à l’intrigue », le fait est que je n’ai absolument rien à dire sur mes personnages préférés…
Ou alors c’est que je n’ai toujours pas compris ce qui est attendu.

Du coup, si tu veux des échanges riches et échevelés sur les personnages, c’est clair que je ne suis pas la bonne personne, hein…

Edit, parce que je suis soudain saisie d’un doute et que mine de rien je fais quand même des efforts pour m’adapter :

On est bien d’accord que le pélican c’est pas un personnage, hein ?

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Je pense me reconnaître davantage dans la team « personnages ».
Parce qu’il est vrai que quand je travaille sur une histoire, que ce soit pour la fanfic ou des projets plus ambiteux, je m’attarde énormément (parfois plus que de raisons) sur la caractérisation de mes personnages, leur profil psychologique et comment je dois les développer.

Après je ne renie pas l’intrigue pour autant et suis même d’avis qu’un excellent auteur doit savoir jongler entre son intrigue et ses personnages. C’est juste que dans mon cas, pour ce qui est de l’intrigue, je me contente de ce qui convient le mieux à mes personnages et à leur développement. Ce qui fait que mes intrigues ne volent pas très hauts. :neutral_face:

Ça plus le fait qu’en tant que lecteur/spectateur, je suis de ceux qui sont plus sensibles au traitement des personnages qu’à celle de l’intrigue. Voire qui sont très exigeants à ce sujet — en particulier quand ceux sont ces personnages qui boostent l’intrigue — et donc à qui les mauvais traitements (qu’ils soient bâclés, biaisés, prétentieux, maladroits, inconsistants ou malhonnêtes) agacent plus que les facilités scénaristiques et même à qui ça leur gâchent l’appréciation de l’histoire.
Pour tout dire, je peux difficilement prendre au sérieux une intrigue si son personnage principal n’est pas crédible une seconde tant il est écrit avec les pieds.

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Très intéressant comme topic! Je n’avais jamais vu les choses comme ça.

J’écris depuis assez peu de temps (2 ans) et je découvre plein plein de choses. En te lisant, je me rends compte que j’ai écrit ma première fic « Abi dans le Pokéwolrd » en partant plutôt du personnage, plus que de l’intrigue. C’est ainsi plutôt un récit d’un passage de sa vie. ça m’a passionné et j’ai eu bien du mal à lui rendre son indépendance et à donner une fin à l’histoire (je voulais savoir la suite !)

Ma nouvelle fic que j’ai commencé il y a 1 mois, et ici plus scénarisé (Orbes opalines). J’ai une idée d’intrigue et des scènes dans la tête plus facilement qu’une vision claire du caractère de l’héroïne.

Je trouve que ce n’est pas du tout le même processus d’écriture mais que tous deux sont très enrichissants ! Ma 2ème histoire me demande plus de temps et d’attention, avec la première j’avais parfois l’impression que ça s’écrivait tout seul, comme si mon personnage me dictait ce qu’elle allait faire.

Bref, merci pour ces infos, c’est très intéressant.

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Coucou!
J’ai pas tout lu, donc peut-être que ça a déjà été dit …
Mais est-ce que c’est possible de faire les deux, bon pas en même temps.
Mais j’ai commencé par faire un plan, et donc que les personnages soient au service de l’histoire. Mais quelques fois, les personnages me « surprennent » en voulant vivre leurs propres aventures.
Enfin, vous avez compris que c’était une façon de parler, mais pendant de longues scènes, les personnages font des choses qui ne sont pas dans le plan.
Donc est-ce que c’est possible d’écriture sur les deux processus ou pas?
A trés vite!
Tchii.

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Coucou

je crois qu’on connait presque tous le « problème » des personnages qui sont si nets et définis pour nous qu’ils en font à leur tête (dans notre tête). :smiley:

Et pour ce qui est de mélanger les deux approches, je pense que c’est la meilleure façon de créer une fanfiction équilibrée. Donc tu penses bien que oui, on peut.

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Dans un récit original on peut aussi ! Crois-moi j’ai mes jalons mais mes personnages n’en font qu’à leur tête et ont l’art de faire des détours ou d’avoir des réactions excessive (oui c’est à toi que je pense, Kogan :face_with_raised_eyebrow:) qui oblige à rajuster le plan :sweat_smile:

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Personnellement, les deux sont mes moteurs à parts égales. Je pense qu’à trop se concentrer sur les personnages, on peut se retrouver avec une intrigue qui n’était pas spécialement voulue à la base, ou qui devient incohérente à certains moments. Et à l’inverse, à trop vouloir privilégier l’intrigue, on peut se retrouver avec des personnages fades, clichés ou pas très intéressants. (J’ai eu la malchance expérimenter les deux cas de figures dans des anciennes fanfics que je n’apprécie plus du tout aujourd’hui. :joy: )
Et même en tant que lectrice, j’ai tendance à favoriser les histoires proposant à la fois des intrigues bien ficelées / originales et des personnages intéressants / complexes.

Que ce soit pour les fanfics ou les fictions originales, de mon point de vue, intrigues et personnages sont complémentaires. Une intrigue ne peut pas exister sans personnages. Et un personnage ne sera pas consistant sans une bonne intrigue contribuant à son évolution. Donc le mieux (selon moi encore une fois) serait de ne négliger aucun des deux aspects. :slightly_smiling_face:

Après, je nuance un peu en disant que ça dépend aussi de ce qu’on souhaite écrire. Par exemple, si l’histoire est un OS racontant des moments amoureux entre deux personnages, l’auteur privilégiera probablement les personnages (et plus particulièrement leur psychologie et leurs émotions) à l’intrigue. Si l’histoire raconte une épopée d’un groupe de personnes tentant de sauver un pays d’une quelconque menace, ce sera sans doute l’intrigue qui sera son moteur principal.

C’est un sujet plutôt intéressant et pas aussi simple qu’on pourrait le penser, je trouve. x)

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Alors. Je vais pondre une thèse je sais. Mais pour moi, la classification « intrigue OU personnages » est limite dangereuse.

Ce n’est PAS l’un contre l’autre. C’est comme le yin et le yang : il faut un peu des deux.

En s’intéressant beaucoup plus à l’intrigue qu’aux personnages ? Ça marchera si c’est votre intention parce que vous voulez écrire un conte ou un récit mythologique (le Silmarillion est la pierre angulaire de la mythologie d’Arda, pourtant vous ne me ferez pas croire que ce livre possède un développement de personnage de top niveau, tout simplement parce que ce n’est pas son rôle), mais pour le reste, évitez absolument. C’est d’ailleurs ce que je reproche aux deux dernières saisons de la série Game of Thrones : on voit clairement qu’on est passés du jardinage excessif de GRRM à une trop grande focalisation sur l’intrigue au détriment des personnages.

SPOILER

Je pense notamment au virage psychologique à 180° de Daenerys, qui aurait fonctionné s’il avait été mieux exploité, ou encore à l’abandon brutal du développement de personnage de Jaime Lannister, à qui on a préféré donner une fin tragique pour le drama au lieu de rester dans la logique d’éloignement par rapport à sa soeur qui s’était installée au fil de la série.

Idem pour une part disproportionnée du récit accordée aux personnages : dans une histoire prenant notre monde et ses règles réelles pour cadre, il y a souvent moyen de se sortir d’une impasse, mais dans un récit de l’imaginaire, il y aura paradoxalement tant de possibilités qu’il n’y en aura plus aucune. Pour en revenir à GRRM, c’est la raison pour laquelle il galère tant à écrire les prochains tomes d’ASOIAF : le chemin qu’il a écrit l’a mené dans un coin où il est à présent acculé. Il a confié ne pas savoir comment amener Daenerys à Westeros, par exemple. Au départ, il souhaitait que l’histoire soit en deux parties séparées par une ellipse (idée probablement venue de sa lecture des Rois Maudits, qui utilise ce procédé pour séparer ses différents tomes) et je pense très sincèrement que cela aurait résolu un paquet des problèmes d’écritures dans lesquels il s’est embourbé. C’est aussi pour cela que les fins des romans de Stephen King sont souvent très moyennes : il jardine, il jardine, et au final il ne sait pas trop comment tout cela va se terminer.

Donc voilà, il n’y a pas de fossé entre importance de l’intrigue et importance des personnages. Nous le creusons nous-même en observant lequel des deux est légèrement plus important que l’autre chez un(e)tel(le). En vérité, il s’agit plutôt d’une balance qui n’est jamais en parfait équilibre et où la différence de masse entre les deux plateaux dépend de l’auteurice. La classification d’architecte ou jardinier est presque un non-sens pour moi, tout simplement parce que l’un ne va pas sans l’autre au risque de se planter.

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De mon côté je dirais que ça dépend des histoires :thinking: Dans les déviations j’ai tendance à construire mes récits en fonction de l’intrigue : je me demande « et si tel événement s’était déroulé autrement ? » et de là j’élabore comment les personnages auraient évolué. Pour autant, il m’arrive de faire le chemin inverse en me disant que j’aimerais bien voir, par exemple, Obi-Wan Kenobi basculer du Côté Obscur et de là je cherche comment cela aurait pu arriver : l’intrigue est subordonnée au développement du personnage.
Dans mes autres histoires, j’essaie de laisser l’intrigue aux commandes mais les personnages ont la fâcheuse tendance de n’en faire qu’à leur tête :sob: C’est un jeu d’équilibriste souvent un peu compliqué, mais très amusant :grin:

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J’aime bien ce sujet. :upside_down_face:

Mon processus personnel est très majoritairement basé sur les personnages et comme le disait Darku c’est dangereux (enfin je dirais plutôt handicapant, à plusieurs niveaux).

Déjà, en tant qu’auteure de fanfictions, je me dis que c’est paradoxal d’être dans la « Team Personnages », pourtant ça m’est venu tout naturellement. J’ai commencé l’écriture avec Pokémon. L’univers Pokémon est riche, flexible mais rempli de blancs, donc il est facile d’y insérer n’importe quoi ou n’importe qui.
Mon plaisir depuis l’enfance et mes joujoux c’est de créer des personnages, des personnalités plus exactement. La fanfiction offre un cadre, un décor prêt à l’emploi, donc pas de prise de tête avec le worldbuilding, et comme Pokémon est une série de jeux vidéos, c’était (c’est) relativement facile de reprendre des quêtes annexes et de les tirer vers des intrigues intéressantes avec des personnages plus sympas (et plus charismatiques) que ceux proposés par le dessin-animé.

Je me suis rendue compte avec le temps et en sortant de mon cocon de pokéfans que pour beaucoup de gens la fanfiction est un moyen de s’approprier des personnages dont ils sont fans. J’ai du mal avec ça, pourtant j’ai essayé, dès mes premiers écrits à 15 ans et plus récemment avec le défi du crossover improbable. Mais je ne suis pas du tout à l’aise avec ce phénomène, je préfère construire mes propres personnages, les aimer, leur donner un passé, un avenir et les guider (les contrôler :grin:). En fait, j’écris principalement pour ça.

A mon sens, il y a deux gros points négatifs au fait de reprendre les personnages des autres : d’abord si on veut faire ça bien c’est compliqué. Il y a un énorme effort d’analyse psychologique à faire (surtout sur des personnages complexes), maitriser son histoire et il faut s’approprier sa façon de parler.
Déjà ça c’est contraignant et difficile comme exercice (et personnellement je pense que dans le cas des personnages complexes et travaillés sérieusement par leur créateur, il est impossible de les respecter car on ne peut pas se supplanter à l’auteur original même avec tout le talent du monde - pour ne citer qu’un seul exemple : Rhianna Pratchett a refusé de prendre la succession de son père dans l’écriture des Annales du Disque Monde parce que précisément elle estime qu’elle ne sera pas à la hauteur, alors qu’elle même travaille comme scénariste sur d’autres univers et qu’elle a assisté son père dans l’écriture pendant sa maladie - Alzheimer précoce).
Ensuite, si on a la chance de parvenir au bout de cet effort, il faut maintenir le cap tout le temps que l’on écrit avec un personnage, ce que je trouve très contraignant. Alors, pour ceux qui écrivent des fanfics courtes pourquoi pas, mais pour les histoires complexes c’est fatiguant et casse-gu****

En tant que lectrice, je ne supporte pas de voir des gens massacrer des personnages, autant vous dire que ça arrive vite et souvent, indépendamment des intrigues qui peuvent être très intelligentes ou amusantes ou de la plume de l’auteur de la fanfic. Ça fait partie des raisons pour lesquelles je ne peux pas lire une fanfic sur un shipping Drago/Hermione par exemple, c’est tellement aux antipodes de leurs caractères…

L’ironie de la chose, c’est qu’il est de fait beaucoup plus facile d’utiliser des personnages « creux » pour de la fanfic, car il n’y a pas à s’embêter à respecter leurs personnalités ou leur histoire, au contraire le passage à la moulinette fanfic permet d’améliorer ces personnages (là encore l’univers pokémon est sympa pour ça, vu que certaines figures sont insipides, il est facile de les utiliser et de les transformer en mieux).

Mais de fait, au fil des années, j’ai l’impression de m’être bien améliorée dans la construction des personnages, alors que côté intrigue j’ai plein d’idées depuis longtemps et je ne me lance jamais, car je bloque très vite sur le développement dès que c’est un peu pointu.
Et gros défaut quand on se concentre sur les personnages, comme je le fais, on brode en « faisant du psycho » pour reprendre une expression que j’ai vu passer sur un autre topic. Or je suppose que c’est assez ennuyeux pour le lectorat. Moi ça me va bien parce que j’aime mes personnages, ils sont comme mes amis, mais pour un lecteur ou une lectrice lambda qui attend de l’action et du suspens… Bah les états d’âmes de Georges et Paulette voilà quoi. :sleeping:

Par ailleurs, et ça je trouve ça frustrant au dernier degré, j’ai constaté que beaucoup de lecteurs de fanfictions attendent justement de retrouver leurs personnages préférés dans des histoires inédites, alors quand on propose des personnages nouveaux dans un décor familier on sent vite la déception.

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J’ai l’impression d’utiliser une méthode un peu hybride.
D’abord, pour écrire une histoire, il y a d’abord le côté intrigue. Je me dis « Et si… » et la première graine est plantée.
Puis, je me concentre sur les personnages. Qui va être la victime de mon idée ? Et l’histoire se développe autour de leurs personnalités. L’évolution de mon histoire, les rebondissements dépendent des réactions de mon personnage, de son caractère.

D’ailleurs, pour « planifier » mon écriture, je fais un tableau qui répond aux questions « Qui, quand, où, quoi, comment » pour chaque scène.

Voilà pour moi :slight_smile:

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