Crétin de cerveau…
Ça me conforte dans l’idée que nous ne sommes pas tous câblés pareil, ni égaux devant l’orthographe ou la grammaire. Ni devant quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs, si on y réfléchit bien…
Petite rétrospective des phénomènes que j’ai pu constater me concernant (et je sais de quoi je parle, ça fait un moment que je me pratique…) qui pourraient éventuellement amener de l’eau à ce moulin :
Je suis dysorthographique en diable. Mais pas par goût, je vous rassure. Mes fautes, je ne les vois simplement pas. Et il s’agit d’un sacré handicap. Quand je lis, je n’analyse pas les mots comme d’autres y parviennent… De la même façon que je ne suis absolument pas physionomiste dans la vraie vie, mon esprit ne s’est jamais attardé au faciès des mots lors de la lecture. Ne lui jetez pas la pierre trop vite, c’est exactement comme pour le sens de l’orientation. Certaines personnes se rendent une fois à un endroit, et elles pourront y retourner les yeux fermés -ou plutôt mi-clos, sinon c’est dangereux- parce qu’elles auront pris des tonnes de points de repères, souvent inconsciemment, lors de leur premier voyage. Alors que d’autres ne porteront absolument aucune attention à tous ces détails « inutiles » selon les critères particuliers de leurs propres encéphales qui brillent certainement par ailleurs… Et s’avéreront du coup capables de se paumer corps et biens à deux rues de chez eux…
Donc, pour revenir à nos brebis (parce que moi aussi, je m’égare) il faut que je me relise, encore et encore, et des scories, j’en retrouve quand même à chaque passage, parce qu’elles se cachent bien, les garces… Championnes de countershading !
Mais ce n’est pas le pire : Si mon esprit n’est pas un détecteur d’inepties orthographiques hors-pair, en revanche, il apprend vite, très vite. Le désavantage de cet avantage ? Je suis incapable de me relire efficacement. C’est ballot. Mais pourquoi ? Me lancerez-vous peut-être tout chagriné…? Parce que quand j’écris mon texte, puis que je le relis, dès la deuxième lecture, je le connais déjà par cœur.
Et donc je ne le relis plus, je le récite simplement, sans plus être capable de m’attarder à la morphologie des mots… et parfois même, des phrases… ça ressemble de loin au processus qui fait qu’à la lecture d’un chapitre, votre esprit part occasionnellement battre la campagne tout seul dans son coin, sans que vous ne lui ayez rien demandé… et puis que vous vous apercevez dépité après deux paragraphes que même si vous avez lu chaque mot, le sens de ce qui s’y déroulait vous a complétement échappé…
Après, je vous expliquerais bien aussi le fait que ma syntaxe est totalement instinctive et que je ne connais quasi aucune des règles de grammaire sous-jacente, puisque je considère cet aspect comme l’algèbre de la langue, et que mon cerveau -encore lui- s’est toujours refusé à parler la mathématique. Mais si je m’aventure là-dedans, j’ai peur qu’on me tape amicalement dans le dos, avant de me désigner la direction des prochaines épreuves paralympiques de fanfiction…
Donc perso, ça me demande une énergie considérable de produire quelque chose d’à peu près propre. Pourtant je m’accroche. Alors ça me fait un peu rire (jaune) quand les intégristes de l’orthographe parlent de flemme, voire d’irrespect. Je comprends que ça gratte, je comprends que ça soule, je comprends que ça sorte les gens de leur lecture, puisque j’ai moi-même longtemps été obsédé par l’orthographe, et me rendre compte que j’avais laissé passer une faute m’aurait presque empêché de dormir, à d’autres époques… Maintenant, je sais que cette lutte est vaine. Y’en a toujours quelques-unes qui parviennent à se faufiler entre deux barbarismes. En revanche ça ne me gêne pas plus que ça qu’on me les désigne, au contraire.
Mais je m’en tamponne un peu. Après tout, y’a plus grave. Et les wannabes que nous sommes ne peuvent pas vraiment prétendre à ce à quoi les écrivains pro ont accès. A mon avis, des fautes, ils en font, mais eux, sont relus. Et par tout un tas de charpentés du domaine.
Alors bien sûr, quand je lis quelqu’un, j’aime me sentir surclassé. J’aime le voir jouer et se jouer des mots. J’aime les proses lisses et rythmées, où chaque aspect est considéré et magnifié, j’aime aussi m’émerveiller que tout soit fluide et maîtrisé, sans à-coup… Mais ce que je salue par-dessus tout, c’est l’effort. C’est de voir qu’on s’est démené, et qu’on a travaillé… Qu’on ne s’est pas juste contenté du qualificatif « rouge » à tout bout de phrase… et si je dois sauter prestement par-dessus deux ou trois obstacles, et éviter de la tête quelques projectiles pour terminer le parcours, eh ben… c’est le jeu ma pauv’ Lucette… l’important, c’est de s’éclater…