Bon, on a pas mal donné dans le metal dernièrement, donc je vais essayer de proposer autre chose pour une fois.
Et voici donc un classique de la chanson japonaise: なごり雪 (Nagori Yuki). Il s’agit à l’origine d’une chanson du groupe Kaguyahime, mais elle a contenu une quantité astronomique de reprises, et je vous propose donc la reprise par Iruka en 1974, qui est visiblement la version la plus populaire (du moins dans mon entourage) et aussi ma préférée.
Paroles
汽車を待つ君の横でぼくは
時計を気にしてる
季節はずれの雪が降ってる
「東京で見る雪はこれが最後ね」と
さみしそうに 君がつぶやく
なごり雪も 降る時を知り
ふざけすぎた 季節のあとで
今 春が来て 君はきれいになった
去年よりずっと きれいになった
動き始めた汽車の窓に 顔をつけて
君は何か 言おうとしている
君の口びるが「さようなら」と
動くことが
こわくて 下を向いてた
時が行けば 幼い君も
大人になると 気づかないまま
今 春が来て 君はきれいになった
去年よりずっと きれいになった
君が去った ホームに残り
落ちてはとける 雪を見ていた
今 春が来て 君はきれいになった
去年よりずっと きれいになった
去年よりずっと きれいになった
去年よりずっと きれいになった
Transcription
Kisha o matsu kimi
No yoko de boku wa
Tokei o ki ni shite 'ru
Kisetsu hazure no yuki ga futte 'ru
Tokyo de miru yuki wa
Kore ga saigo ne to
Samishisou ni kimi wa tsubuyaku
Nagori yuki mo furu toki o shiri
Fuzake sugita kisetsu no ato de
Ima haru ga kite kimi wa kirei ni natta
Kyonen yori zutto kirei ni natta
Ugoki hajimete kisha no mado ni
Kao o tsukete
Kimi wa nani ka iou toshite 'ru
Kimi no kuchibiru ga
Sayounara to ugoku koto ga
Kowakute shita o muite 'ta
Toki ga yukeba osanai kimi mo
Otona ni naru to kizukanai mama
Ima haru ga kite kimi wa kirei ni natta
Kyonen yori zutto kirei ni natta
Kimi ga satta hoomu ni nokori
Ochite wa tokeru yuki o mite ita
Ima haru ga kite kimi wa kirei ni natta
Kyonen yori zutto kirei ni natta
Kyonen yori zutto kirei ni natta
Kyonen yori zutto kirei ni natta
Traduction
Me tenant à tes côtés alors que tu attends le train,
Je n’arrête pas de surveiller l’horloge
Il neige hors saison
« C’est la dernière fois que je vois de la neige à Tôkyô »,
Murmures-tu d’un air triste.
Même les dernières neiges savent quand tomber
Après cette saison de folie.
Le printemps est arrivé et tu es devenue belle,
Bien plus belle que l’année dernière
Appuyant ton visage sur la fenêtre du train qui se met en marche
Tu essaies de dire quelque chose
Par peur de voir tes lèvres former le mot « adieu »,
J’ai baissé les yeux
Je n’avais pas réalisé qu’avec le temps qui passe
Même toi, tu deviendrais adulte
Maintenant le printemps est arrivé et tu es devenue plus belle,
Bien plus belle que l’année dernière
Après ton départ, je suis resté sur le quai
À regarder la neige tomber et fondre
Le printemps est arrivé et tu es devenue plus belle,
Bien plus belle que l’année dernière
Alors, pourquoi cette chanson ?
Eh bien, outre qu’elle permet d’assurer au karaoké, je trouve qu’elle arrive à exprimer avec beaucoup de poésie et de délicatesse le désarroi qu’on peut ressentir face à la course inexorable du temps, et la constatation qu’on n’évolue pas forcément à la même vitesse, ni dans la même direction, que les gens qu’on aime. Le tout en usant d’un vocabulaire quand même très abordable (vu que j’arrive à suivre malgré mon niveau calamiteux de japonais) qui aide à percevoir un trouble très « adolescent » chez le narrateur/la narratrice. (Bon à part le titre, nagori yuki, ça désigne les dernières neiges qui persistent au début du printemps, c’est un peu spécifique comme vocabulaire ^^).
La chanson présente à la fois un scène très visuelle, et une métaphore sur les saisons:
- la scène racontée, c’est un adieu dans une gare. Le narrateur-ice reste sur le quai tandis que son amie s’en va, et il ne le vit visiblement pas très bien. L’insistance sur le fait qu’elle est devenue plus belle que l’année précédente (kyonen yori zutto kirei ni natta) me laisse penser que des sentiments amoureux ont commencé à poindre chez lui/elle avec le passage de l’enfance à l’adolescence, mais ce n’est peut-être pas la seule explication. Un parent qui voit avec nostalgie sa petite fille grandir pourra sans doute très bien se retrouver dans cette chanson, même si la timidité du narrateur et la métaphore sur les saisons me semble moins bien fonctionner sous cet angle-là.
- la chanson parle aussi du passage de l’hiver au printemps, qui fait écho au passage de l’enfance à l’âge adulte. L’hiver étant l’enfance, insouciante et faite de jeux, et le printemps avec ses bourgeonnements, l’arrivée de la maturité. Les neiges résiduelles, les fameuses nagori yuki sont donc les dernières petites traces d’enfance qui permettent de faire la transition, celles qui ne veulent pas disparaître et résistent. La personne qui s’en va précise que c’est la dernière fois qu’elle verra de la neige à Tôkyô (Tôkyô de miru yuki wa kore ga saigo ne), indiquant qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Le narrateur reste à quai à regarder les dernières neiges fondre alors que son amie est déjà partie, ce que j’interprète comme un léger décalage entre eux, une entrée un chouïa plus tardive dans l’âge adulte pour le narrateur, qui a donc « raté le train » avec son aimée. Mais là, je me base sur une expression française, pas certain qu’elle marche réellement ^^
Petite note, la chanson d’origine est chantée par un homme, et l’idée était sans doute d’avoir un narrateur garçon regardant une fille partir. Le vocabulaire employé fait qu’il est difficile d’imaginer que ce ne soit pas une fille dans le train. Par contre, le genre du narrateur importe finalement assez peu.
Concernant la musique maintenant, je ne pense pas qu’il y ait lieu à partir dans un pavé. Elle est douce et un peu triste, montant en puissance avec l’entrée progressive de nouveaux instruments et de percussions pour faire monter l’intensité émotionnelle, mais avec des « redescentes » lors des transitions pour pouvoir repartir de plus belle au retour de la voix, notamment sur les refrains. On finit avec quelques notes mélancoliques lors de la répétition finale de kyonen yori zutto kirei ni natta (tu es devenu bien plus belle que l’an dernier).