Hihi ! C’est à ça que je vois que tu connais tes classiques, Oldie ! Je dis ça parce que c’est une réplique de l’un des meilleurs épisodes de La Quatrième Dimension qui s’appelle justement « L’œil de l’admirateur ».
J’imagine que tu vas nous dire que nous avons 4h pour y répondre, pas vrai ? Plus sérieusement, c’est assez difficile de répondre. En ce qui me concerne, je suis plutôt bon public pour tout ce qui à trait aux livres ou aux films, mais j’ai moi-même mes limites. Je remarque dans mon entourage que certaines personnes sont plus sensibles que moi face à certaines histoires peu importe leurs sources, tandis que d’autres restent impassibles là où je suis prêt à pleurer toutes les larmes de mon corps.
Je crois que cela dépend de pas mal de critères différents, en fait. De mon côté, je suis assez sensible face aux personnages en quête d’identité ou de sens, un peu à part de la société d’une façon ou d’une autre, que ce soit d’un point de vue relationnel ou physique (même si ce n’est pas forcément le type de personnage que j’écris dans mes histoires. Des personnages mal à l’aise qui, petit à petit, trouve leur voie me fascinent parce qu’ils se rapprochent de la situation dans laquelle je me trouve. Les histoires tragiques, si elles sont bien écrites et assez crédibles, peuvent aussi m’émouvoir par beaucoup d’aspects, bien qu’elles ne ressemblent pas toujours à la vie que je mène.
En vérité, je suppose que c’est une question d’empathie : jusqu’où sommes nous prêts à aller pour suivre l’histoire d’un personnage ? Il faut que l’on puisse établir des liens, que l’on puisse avoir des repères. Pour cela, il faut aussi que l’environnement dans lequel ils évoluent soit crédible. Et c’est sûrement ce qui est le moins évident à faire dans les histoires. Rien qu’au niveau des dialogues, il est très difficile de voir un film ou de lire un livre sans se dire que quelqu’un a écrit ces lignes en prenant le temps de poser et de peser chaque mot.
Après, je pense qu’il y a une relation de confiance à placer entre le lecteur et l’écrivain et entre le scénariste / réalisateur et le spectateur. Je suis personnellement plus enclin à me laisser embarquer par une histoire lorsque je sais que le studio, le réalisateur ou l’écrivain qui a établi l’univers est bon dans ce qu’il fait et qu’il a déjà produit des œuvres qui m’ont plu par le passé (ce qui n’est pas forcément gage de qualité, je vous l’accorde). Je ne sais pas pour vous, mais quand je vois le logo Pixar au début d’un long-métrage, je sais que la qualité du film pourra varier, mais je sais en général que je vais passer un bon moment et que je vais sans doute lâcher quelques larmes au passage.
Ensuite, il y a le problème des clichés et des poncifs, qui nous poussent parfois à arrêter de suspendre notre incrédulité le temps d’un film. Même s’il m’arrive parfois de les repérer à des kilomètres, j’ai souvent l’impression que ces clichés nous permettent de baliser le chemin et de garder les fameux repères dont je parlais plus tôt. On sait avec une quasi-certitude ce qui va se passer, mais le fait de voir la chose se réaliser nous emplit de joie.
Enfin, pour revenir sur le fond de la question, je pense personnellement que la sensibilité du lecteur influe évidemment sur l’émotion procurée par le récit. Toutes les conditions peuvent être réunies pour que le lecteur se sente à l’aise et soit embarqué dans l’histoire – son genre préféré, des environnements familiers ou agréablement dépaysants, des personnages pour lesquels on a de l’empathie – mais si l’un des détails manque, tout les efforts de l’écrivain volent en éclat : il n’arrivera pas à toucher ce lecteur-ci, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’être accessible pour tout un tas d’autres lecteurs à la sensibilité différente.
Pour moi, c’est totalement ce qui m’est arrivé avec Un monde après l’autre de Jodi Taylor. J’ai carrément décroché en plein milieu, réalisant du même coup que j’avais gâché mon argent dans un livre qui ne me plaisait pas du tout. Pourtant, tout semblait réuni pour me plaire et la couverture était attrayante : des voyages dans le temps réalisés dans le secret, une dimension historique intéressante. Mais j’ai rapidement compris que l’histoire d’amour insipide qui se cachait au milieu était vraiment rédhibitoire pour moi, alors que beaucoup de gens semblaient apprécier le livre.
Bien-sûr, il peut aussi arriver qu’une histoire qui se veut émouvante ne touche personne. Là, j’imagine que l’échec peut-être dû à des causes bien diverses, comme les dialogues, le rythme, les détails qui donnent corps à l’intrigue et qui construisent l’univers, etc.
J’avoue que je ne sais pas trop si les émotions que j’essaye de transmettre sont si efficaces que cela. Je pense cependant que la tristesse est peut-être plus facile à faire transparaître que d’autres émotions comme le rire ou l’horreur : nous n’avons pas de caméra, nous ne pouvons donc pas faire sursauter quelqu’un comme il le ferait dans une salle de cinéma ; nous n’avons pas d’image, il est donc plus difficile de montrer un comique visuel. La tristesse est à mon sens une sensation plus facile à procurer parce que notre empathie peut lui donner un côté plus viscéral sans avoir besoin de trop en dévoiler. Toutefois, tout est possible, et il m’est déjà arrivé de rire aux éclats face à une réplique lue dans un livre ou d’être tendu face à une scène incroyablement bien décrite (la scène de la vieille femme dans la baignoire dans Shining m’a donné des sueurs froides).
En clair, cela dépend du lecteur mais aussi de la sensibilité de l’écrivain et de sa proximité avec le sujet qu’il traite.
Voilà voilà ! J’ai essayé de répondre aux questions le plus sincèrement possible, mais ce n’était pas une mince affaire (surtout qu’à l’origine, je voulais simplement faire la remarque du début pour Oldie
).