Oui, oui, ça démangeait de continuer à dériver, merci pour l’ouverture de la branche ! ^^
Ah oui, c’est vrai. Bon après, elle l’avait bien cherché en désobéissant à ses parents et passant par la forêt
Merci pour toutes tes précisions @Gweltas, c’est très intéressant, je ne connaissais pas non plus la version où le petit chaperon mangeait mère-grand, dupée par le loup… c’est mignon (on dirait un film d’horreur… mais après tout, il me semble qu’il y a souvent une empreinte « morale » sous-jacente dans les films d’horreur, notamment classiques, sur qui sont les premières victimes :p) .
Pour essayer de répondre au sujet : les contes s’inscrivent dans une dynamique socio-culturelle et un contexte historique/géographique particulier, ils fonctionnent souvent comme des miroirs de nos sociétés, ça me semble tout naturel qu’ils se modernisent et évoluent pour être davantage en adéquation avec l’air du temps. Ce sont, pour beaucoup, des dérivés de légendes locales, elles-mêmes souvent enracinées dans des mythes beaucoup plus anciens. Ces récits, souvent à l’origine destinés aux adultes, ont progressivement été adaptés pour les enfants quand certains ont constaté leur potentiel éducatif et leur vertu pour ce qui est de faire avaler aisément (comprendre via l’illustration) et intégrer des préceptes moraux. Là où un discours moralisateur, a toutes les chances d’ennuyer ou agacer, les contes, eux, permettent de transmettre – sans trop de douleur – une morale et un message au travers d’une histoire/anecdote plus engageante : c’est biaisé et c’est malin. Avec la compréhension du conte, l’enfant est invité à tirer ses propres conclusions sur la « bonne attitude » qu’il fallait adopter… en observant les conséquences des actions des personnages, qu’elles soient heureuses ou tragiques.
C’est là tout l’art de ce média : proposer une leçon « de vie » sans que celle-ci ne soit perçue comme hypocrite ou rejetée avec dédain. Franchement, qui aime qu’on lui fasse la morale, lui fasse constater ses propres travers ? Personne
Une histoire bien racontée capte l’attention, stimule l’imagination et, mine de rien, fait passer en filigrane un contenu symbolique qui marque et laisse des traces dans l’imaginaire. Ces messages sont, bien sûr, le reflet des valeurs dominantes de l’époque où le conte a été écrit ou transmis. Il est donc tout à fait naturel que ces récits se transforment ou se diversifient au fil du temps. Ce qui n’enlève pas l’intérêt des versions classiques. Même si celles-ci paraissent parfois désuètes, ça reste des témoignages vivants des mœurs et des normes d’une époque donnée. Ca me semble être un aperçu précieux de la pensée collective passée (eh oui, c’est normal que celui-ci nous pique/dérange sous certains aspects).
Je vais essayé de ne pas trop jargonner à la sauce psychanalytique (au passage le bouquin de Bettelheim est intéressant mais critiquable sur plein d’aspects… et ça doit être archi abscons pour quelqu’un n’étant pas vraiment familier de la psychanalyse freudienne ^^") mais il me semble , qu’outre les mérites du conte, en tant que support identificatoire/média favorisant les constructions imaginaires et permettant une mise à distance des peurs déjà évoqué plus tôt ; il y a quelque chose de non anodin dans le fait que la lecture (à voix haute)/la transmission du conte pour enfant se fasse souvent au moment du coucher et soit depuis des décennies, voire des siècles (je ne sais pas du tout à quand remonte la pratique, même si « Les milles et unes nuits » ont tendance à suggérer que c’est une très vieilles habitude :p), un rituel d’endormissement… À mon sens, cela peut expliquer en partie l’aspect étrange, parfois inquiétant et brutal de certains récits et archétypiques les peuplant : le conte se pose comme un préambule au rêve et peut, comme ce dernier, se situer à la jonction entre réalité et univers inconscient (pour ceux n’adhérant pas à la théorie de l’Inconscient, prenaient ma phrase dans le sens « liaison entre motifs symboliques et productions imaginaires »). Ca peut presque être vu comme une passerelle vers l’univers onirique, dont ce type de récit se nourrit (ou qu’il nourrit), en faisant glisser l’auditeur dans l’état de demi-sommeil, propice aux déploiements de l’imaginaire et au dévoilement de certains phénomènes inconscients.
La brutalité souvent omniprésente dans les contes (notamment classiques), n’est pas, personnellement, quelque chose que je considère comme un défaut. Cette violence reflète une justice expéditive et manichéenne qui parle à l’enfant : les bons sont récompensés, les méchants punis. C’est une morale simple et directe, adaptée à un jeune esprit qui ne s’embarrasse pas encore de nuances/ne peut pas encore traiter la complexité d’un dilemme éthique. Les sanctions infligées aux personnages « immoraux » ou désobéissants servent de mise en garde et permettent d’exorciser les peurs et les frustrations dans un cadre balisé. Cette violence, généralement – surtout dans les versions modernes des contes - vidée de sa substance (son potentiel traumatique dilué) via un passage par l’humour ou le registre fantastique, qui sont des moyens de mettre à distance les enfants du côté choquant/effrayant des récits.
Malgré tout, je pense aussi que certaines versions classiques peuvent être dérangeantes et doivent être pas mal remaniées/édulcorées pour un public jeune. Pour moi, c’est quand l’identification au héros conduit à une issue tragique/sans espoir de rédemption, que ça peut être mal digéré par les enfants. Typiquement la version de Perrault où le Petit Chaperon Rouge finit bouloté ou encore l’histoire originelle de Pinocchio, où le pantin menteur meurt pendu. Pour le côté fin tragique, ça me rappelle les mini contes du Docteur Hoffmann (pas le même Hoffmann que celui ayant écrit Casse-Noisette) qui était un psychiatre allemand ayant rédigé une série de petites histoires « amusantes et aux images plaisantes » pour les enfants de 3 à 6 ans : ça vaut le coup d’œil d’examiner ce que le Docteur avait considéré amusant et adapté aux enfants à partir de 3 ans (pas sûre que vous lui validiez son rating xD), ces micros contes étaient réunis dans un recueil appelé Peter l’ébouriffé/Crasse-tignasse. Sur 9 histoires : 3 protagonistes finissent mutilés, 3 humiliés et 3 meurent… chouette À la décharge du psychiatre, il s’agissait à l’origine de récits élaborés en lien à sa pratique clinique, avec ses jeunes patients qui lui avaient soufflés les issues de ses récits (l’imaginaire sadique de l’enfant… véhiculé par ce qu’il comprend du monde via ce que lui renvoi les adultes ? C’est encore un autre sujet ;)) mais je suis sûre qu’aujourd’hui la violence de cette leçon de morale chrétienne à l’intention des enfants désobéissants ne soit pas considérée comme à trop haut potentiel traumatique. Joie et alégresse xD Ces récits, s’ils marquent les esprits, posent la question de leur intérêt par rapport à la violence de la sanction symbolique (je parlerai bien du sadisme d’un Surmoi interdicteur mais je vais vous paumer :p) et s’ils peuvent ou non être étayant (l’étaient-ils à l’époque où ils ont été rédigés ?) pour des auditeurs impressionnables/lecteurs contemporains.
Ps : j’ai dû rusher pour finir d’écrire ça durant ma pause de midi (je m’excuse par avance pour l’orthographe ), faut que vous arrêtiez de créer des topics m’intéressant, ça grignote tout mon temps libre :')